Cet article vient en articulation avec la FAQ Réouverture – défendre vos droits, et du dossier LA priorité : votre santé et votre sécurité.
1- Réouverture, quel cadre ?
Le confinement a certainement renforcé les inégalités sociales d’apprentissage, certains collègues et élèves ont en outre vécu des moments difficiles. Le retour dans l’établissement ne sera pas une rentrée habituelle, il faut lui donner un sens, et les équipes pluriprofessionnelles doivent le préparer ensemble. Cela impose un temps de travail commun, au cours duquel les CPE, les PysEN et les personnels médico-sociaux doivent prendre toute leur place. « Réussir le retour à l’école, c’est d’abord offrir un cadre sécurisant pour les élèves comme pour les adultes qui les encadrent » (Voir « Retour à l’école, le point de vue des Psy-EN »).
Il ne faut pas compter sur l’Éducation nationale pour proposer une cohérence. Si la lutte contre les inégalités sociales d’apprentissage primait, alors ne serait pas proposé aux élèves un retour sur la base du volontariat, anxiogène car construisant l’idée d’un danger à revenir en classe. Le ministère tente d’abriter la pauvreté de sa réflexion pédagogique derrière un certain nombre de fiches en ligne, proposant des pistes de travail hétéroclites d’intérêt variable. Or les personnels n’ont pas besoin qu’on leur dise comment faire leur métier, ils l’ont bien prouvé lors du confinement. Ils ont besoin de connaître les objectifs du retour en classe, de façon à adapter leurs pratiques. Le silence de l’institution induit de la part des directions d’établissement des propositions diverses : « devoirs faits » généralisé, surveillance en classe des élèves suivant les cours en ligne, mise en œuvre d’un nouvel emploi du temps… la solution retenue doit faire l’objet d’une réflexion collective et respecter certaines règles (voir ci-dessous). L’autonomie des établissements, déjà source d’un éclatement de l’Éducation nationale, ne doit pas s’étendre aux objectifs de la scolarisation/reprise.
Dans une période compliquée et inédite, tout comme l’a été le moment du confinement, l’important est de trouver un mode de fonctionnement serein et concerté au service des élèves, dans le respect des missions et des services des personnels. Les directions d’établissements doivent convoquer les Conseils d’administration (CA) pour présenter le plan de déconfinement sur lequel le CA donnera un avis.
2- Distanciel, présentiel : ne rien se laisser imposer
Selon la circulaire ministérielle du 4 mai, « les professeurs qui assurent un service complet en présentiel dans l’école ou l’établissement ne sont pas astreints à l’enseignement à distance. » L’ouverture se faisant progressivement et l’ensemble des collégiens ne pouvant de toute façon se trouver au collège au même moment. Comment dans ce contexte continuer à assurer ses missions ? Son service ?
Le distanciel accroit considérablement la charge de travail ne serait-ce que du fait de l’adaptation des contenus, de la modification des supports et de la gestion technique qu’il induit.
Au sortir du confinement, les attentes de la profession quant à la poursuite du travail avec les élèves sont diverses. Volonté de garder le contact avec les élèves même si les familles décident de ne pas revenir vers le collège, inquiétude pour les perdus de vue dont on voudrait bien les revoir en classe se combinent avec l’impossibilité parfois de reprendre le chemin de l’établissement ou l’anxiété à l’idée de fréquenter les transports en commun.
Pour le SNES-FSU, le cadre qui s’impose est celui du respect de la discipline de recrutement, des classes et niveaux de la ventilation de service. Si d’autres modes d’organisation peuvent être proposés, il ne peuvent l’être sans que ne soit pris le temps de la réflexion collective et impliquent le volontariat des collègues concernés. En tout état de cause, le caractère inédit et exceptionnel de la situation ne justifie pas de se voir imposer des modalités non souhaitées ou une charge de travail disproportionnée au regard des obligations réglementaires de service.
N’hésitez pas à contacter votre section académique en cas de conflit avec votre direction.
3. Un quotidien pédagogique contraint
La somme des interdits à prendre en compte a des conséquences fortes sur les pratiques professionnelles. Il faudra probablement tâtonner et tirer un bilan collectif des premières expériences des équipes pour concilier, si cela s’avère possible, proximité pédagogique et distanciation sociale.
– Maintien d’un même groupe d’élèves dans une même salle : préconisé par le protocole sanitaire, cette disposition a pour conséquence l’impossibilité d’accès aux salles spécialisées (enseignements artistiques, de sciences expérimentales et de technologie, parfois de langues vivantes).
– Limitation au strict nécessaire du recours au matériel pédagogique manipulé par plusieurs élèves. En cas d’usage, nettoyage avec des lingettes à la norme EN 14476.
– Limitation de l’usage des ordinateurs et des video-projecteurs en fonction de la capacité à faire un nettoyage entre chaque utilisateur avec des lingettes conformes à la norme EN 14476 du clavier, souris, télécommande, boutons…
– Limitation les déplacements dans la classe : envoyer un élève au tableau nécessite une circulation respectant la distanciation sociale et de nettoyer le matériel utilisé. Impossibilité pour l’enseignant de s’approcher à moins d’1 mètre d’un élève pour voir son travail.
– Limitation de la distribution des supports papiers : l’application du protocole sanitaire peut amener des établissements à proscrire l’usage des photocopieurs (pour éviter une manipulation de l’appareil, du papier, des poignées du local par plusieurs personnes…) ou imposer des protocoles qui en limiteront l’usage.
– Limitation de la collecte de travaux d’élèves : des précautions strictes s’imposent. Demander aux élèves de déposer leurs travaux dans un dossier ouvert en évitant les contacts, puis fermer le dossier en évitant les contacts ? Ne pas toucher les feuilles plusieurs jours ? Gestes similaires pour le rendu aux élèves ?
– Fluctuation possible des effectifs des groupes d’élèves : des familles peuvent changer d’avis dans un sens ou dans l’autre sur la présence de leurs enfants dans l’établissement. Quel argument réglementaire la direction pourrait opposer pour « refuser » ou « maintenir » des élèves ?
Faut-il dans ces conditions reprendre le chemin de l’établissement ? Si la sécurité sanitaire est assurée, nous pensons que oui. Les élèves ont besoin de reprendre contact avec les apprentissages, notre métier ne se pratique pas par écrans interposés. Il faut envisager une situation où ces contraintes se prolongent à la rentrée prochaine. Au-delà d’exiger une présence d’enseignants devant élèves, il faudra que tous les échelons hiérarchiques de l’institution et les corps d’inspection prennent en compte ce qui remontera des professionnels sur le terrain pour faciliter le travail dans le respect du protocole sanitaire. Il sera aussi nécessaire de permettre aux personnels d’avoir des échanges sur la manière dont ils sont amenés à travailler dans ces conditions inédites pour que se constitue une expérience collective qui pourra être une ressource pour chacun.
La pire situation serait celle où l’Éducation nationale se satisferait d’une prise en charge des élèves et que, dans un souci d’image et de communication, elle impose le silence sur les difficultés qui se poseront, ou les nie.
4. Une vie scolaire complexe
La reprise, même progressive, soulève des questions très concrètes également pour les CPE. Elle met en lumière les enjeux sanitaire, organisationnel, éducatif et pédagogique. Le défi est de taille pour les espaces vie scolaire, la gestion des flux et des personnes, l’accueil aux entrées et sorties d’établissements. Loin d’exempter l’institution, les CPE entendent penser en équipe les conditions d’accueil. Définir collectivement des objectifs à cette reprise, organiser ensemble la prise en charge (éducative, sociale, psychologique, médicale, sanitaire) des élèves sont des impératifs.
Dans un contexte où le moindre geste quotidien revêt une complexité extrême, nos pratiques professionnelles sont à réorganiser sans perdre de vue les objectifs pédagogiques et éducatifs. Le fonctionnement de la vie scolaire peut varier d’un établissement à l’autre en fonction de l’organisation pédagogique retenue en équipe : maintien des différents groupes d’élèves dans une même salle, organisation des cours sur des demi-journées et non plus des journées complètes, etc. Il est souhaitable que l’ensemble de ces préconisations temporaires fasse l’objet d’une présentation en CA.
S’il est bien évident que ces contraintes sanitaires sont à l’opposé des enjeux de sociabilité d’un établissement scolaire, l’organisation des espaces vie scolaire est à repenser en fonction de la nécessité de limiter les brassages d’élèves et les circulations des personnes.
Repenser l’accueil des élèves et des familles
• Le bureau vie scolaire. Limiter le nombre d’élèves en fonction de la superficie de la pièce. Installation d’une protection pour le comptoir d’accueil (plaque de plexiglas ou mise en place d’une signalétique pour maintenir une distance d’un mètre minimum) ? Un seul et même personnel AED sur ce poste par demi-journée ou journée pour éviter les trop nombreuses rotations. Limiter au strict nécessaire le matériel partagé et les échanges de documents (dépôt par l’élève des documents à remettre dans un carton dédié avec une temporisation de quelques heures avant manipulation ?). L’utilisation du carnet de correspondance est à proscrire. Réorganiser l’espace de travail des AED sur plusieurs salles si le local ne permet pas de se retrouver en équipe dans le respect des règles sanitaires. Repenser l’organisation du travail afin d’éviter au maximum les manipulations : fiches, dossiers élèves, documents administratifs…
• Le bureau de CPE. Limiter les circulations dans le bureau. Possibilité d’une salle à part dédiée aux entretiens avec les élèves et avec les familles ? En cas de bureau partagé, prévoir l’organisation en pôle dans le respect des distances. Réfléchir aux modalités de travail en équipes pluriprofessionnelles, aux temps de concertation. Comment, par exemple, gérer la question des sanctions punitions dans ce nouveau contexte ? Le recours aux outils traditionnels, renvoi de cours, mise en retenue…s’avère peu pertinent. Quelles réponses éducatives ? Le sujet sera certainement à travailler.
• La salle d’étude. Afin d’éviter les circulations et le brassage d’élèves, la fermeture de celle-ci peut-elle être envisagée et remplacée par le déplacement de l’AED dans la salle du groupe élèves ? Quelle articulation avec le CDI si celui-ci reste ouvert ?
• FSE, maisons des lycéens. Peut-être la réouverture, du fait des contraintes sanitaires, ne sera-t-elle pas possible dans un premier temps. Il convient de définir les priorités en équipe en fonction de la faisabilité et des moyens en personnels.
• Demi-pension et internat. Là également, les modalités d’ouverture sont à définir en équipe, dans la mesure de la faisabilité. Les modalités à prendre en compte sont conséquentes : temps de passage, circulation, distribution des repas, gestion des matériels collectifs (plateaux, couverts, brocs d’eau…). Le travail d’encadrement des AED n’en sera que plus important. La complexité de fonctionnement ne permettra pas malheureusement d’accueillir tous les élèves et ne répondra pas à la problématique des enfants dont le repas pris dans l’établissement reste le seul de la journée. Idem pour l’internat où les contraintes sont encore plus fortes : un élève par chambre ? Un sanitaire (wc, douche, lavabo) par interne ? Privilégier des temps en chambre plutôt que dans les espaces collectifs ? L’effectif pouvant être accueilli en sera fortement dégradé.
Même modalités de nettoyage, de désinfection des espaces vie scolaire et du matériel (clavier d’ordinateur, téléphone…) que pour l’ensemble de l’établissement. Masques, gel et spray désinfectant mis à disposition des personnels.
• Cour de récréation. Comment conserver un rôle de socialisation, de convivialité à cet espace dans le contexte de préconisations sanitaires strictes : respect de la distanciation physique, neutralisation des bancs, interdiction des jeux de contact et échanges d’objets ?
L’organisation de l’établissement retenue, ainsi que le nombre d’élèves accueillis peut amener à réaménager le travail des AED dans le respect de leur contrat (temps de travail, emploi du temps, missions…). Le respect par les élèves de la distanciation physique et des gestes barrières risque de monopoliser les AED, de même que celui des règles de circulation : entrée et sortie de l’établissement, intercours, récréations…
Le risque pour les CPE, dans cette phase, est d’être également phagocyté par toute cette organisation. Le suivi éducatif des élèves doit rester plus que jamais leur mission prioritaire, notamment pour ceux qui auront été les plus fragilisés. Ils gardent en effet toute leur place dans le nécessaire « recueil de la parole » des élèves en restant un de leurs interlocuteurs privilégiés au sortir de cette période traumatisante.
Une reprise, donc, dans des conditions très contraintes, rendue possible pour le moment par le faible effectif attendu. Cette crise sanitaire souligne le manque criant de personnels vie scolaire. Elle doit être l’occasion de moyens supplémentaires en CPE, AED, personnels médico-sociaux dans le cadre d’un plan de relance pour la rentrée 2020. La rentrée de septembre se construit aujourd’hui.
5. Élèves en situation de handicap, AESH
Le ministère a fait du retour en classe des élèves en situation de handicap une de ses priorités, sans pour autant s’en donner les moyens. Le SNES-FSU partage l’ambition d’une école inclusive, mais toujours dans le respect du protocole national de sécurité sanitaire. Or dans la très grande majorité des cas, l’accompagnement des élèves est incompatible avec les règles de distanciation physique et les gestes barrière.
Un protocole spécifique a été publié, mais pour le SNES-FSU, ses préconisations sont en deçà du protocole national.
Concernant le port du masque, ce protocole ne tient pas compte des conditions spécifiques d’exercices des AESH. Il est notamment écrit que, alors que le port du masque grand public est obligatoire pour les personnels lorsqu’ils sont en présence des élèves, celui-ci est « recommandé pour les AESH ».
On peut lire plus loin que : « Les AESH poursuivent leur mission d’assistance aux élèves pour faciliter l’accès à l’apprentissage. Cette mission – qu’il s’agisse d’expliquer ou de reformuler une consigne, d’adapter des supports, d’aider et de faciliter l’expression et la communication, d’assister dans l’écriture et la prise de notes, d’encourager l’élève, de lui apporter une aide ponctuelle, … – peut s’accomplir dans la majorité des cas en respectant la distanciation physique dans une classe où le nombre d’élèves sera réduit. »
Le SNES-FSU a toujours fait de la sécurité des personnels et des élèves une priorité absolue et a alerté le CHSCT ministériel dès le 7 mai sur l’absence de prise en compte des spécificités liées aux missions des AESH. Considérant que ce protocole n’apporte rien en matière de protection des personnels et qu’au contraire il incite les hiérarchies locales à mettre les AESH dans des situations dangereuses, le SNES-FSU appelle les collègues à s’en tenir aux termes du décret 2020-548 du 11 mai 2020, notamment son article 12, et à l’avis du conseil scientifique du 24 avril. Chaque situation doit être examinée à l’aune de ces recommandations et à chaque fois que les conditions de reprise ne permettent pas de les respecter, le SNES-FSU invite les AESH à alerter le CHSCT départemental et à prendre contact avec la section départementale du SNES-FSU qui les accompagnera dans cette démarche et les protégera pas son intervention de toutes représailles.
6. Les CIO
Note sur les conditions de l’après confinement pour les PsyEN et les CIO.