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On ne peut exclure qu’il sera peut-être nécessaire d’expliquer à certains parents et à notre hiérarchie des réalités de notre métier. Le ministre qui dit que nous sommes prêts. Pas nous. Que les parents ne s’attendent pas à recevoir l’équivalent de plusieurs heures de cours dès lundi et tous les jours. Nous, les enseignants, avons des défis à relever à l’abri de pressions contre-productives.
Pour la plupart d’entre nous, les contenus de nos enseignements, sous formes diverses, diaporamas, traces écrites, fiches etc… ne sont pas diffusables aux élèves en l’état. De simplement copier-coller n’est pas envisageable. Pour beaucoup, nous avons une bonne partie de notre travail à refaire, si ce n’est pas tout. Mettons de côté l’aspect technique de la fiabilité et de la maîtrise des outils numériques, même si elle est souvent primordiale, pour évoquer des défis qui se poseront du fait de ne plus être devant nos élèves, et qui se poseraient même si nous utilisions une correspondance papier.
Bien sûr, adapter ou élaborer nos productions prendront un temps et une énergie variables selon les disciplines, l’expérience professionnelle, le matériel disponible et utilisé, les manières personnelles de travailler… nous n’écrivons une vérité absolue, mais un constat issu d’expériences partagées par beaucoup. L’objet de ce constat est de permettre de mettre des mots, collectivement, sur les difficultés que nous pourrons rencontrer afin de prévenir, espérons, d’éventuelles tensions.
Par exemple, nos traces écrites sont-elles exploitables sans les explications qui les accompagnent ? Il est fréquent, qu’une trace écrite de trois lignes soit la conclusion d’un travail en classe d’une vingtaine de minutes à partir de supports et d’activités variées. Et que déconnectée de ce travail, elle n’ait pas de sens.
La question du temps de travail exigible des élèves se pose également. Est-il réaliste d’imaginer des élèves travailler seuls 6h par jour ? Est-il réaliste d’imaginer des parents obtenir que leurs enfants travaillent 6h par jour ? Pour des élèves ayant des facilités avec les apprentissages, 3h parait optimiste. L’âge et le profil des élèves sont des facteurs importants. Se pose les questions de la persévérance, de l’effort, de l’autodiscipline, de l’autonomie… Sans oublier les conditions et l’ambiance de travail dont ils pourront disposer chez eux (disponibilité de terminaux fonctionnels, de moyens d’impressions, d’une pièce calme). Dans une classe, nous nous appuyons sur des élèves moteurs, qui se « relaient » d’une activité à une autre, d’un cours à l’autre. On sait bien que le travail dans une classe avec peu d’élèves moteurs est plus difficile. Ils participent à entraîner les autres dans les activités.
Un autre défi sera de concevoir des activités/contenus permettant l’apprentissage le plus autonome possible pour les élèves. Pour faire simple, comment parvenir à ce qu’il n’y ait pas, ou le moins possible d’obstacles, qui empêchent les élèves d’aller au bout d’une lecture ou d’un exercice ? Ces obstacles ne sont pas toujours faciles à anticiper. C’est souvent dans la classe que nous les percevons de part les retours que les élèves nous donnent : un mot de vocabulaire qui gêne, une ponctuation négligée par l’élève et qui indique le sens… Et une part des obstacles, en classe, sont sans rapport avec le travail produit : fatigue de l’élève, distraction causée par une préoccupation extérieure, lacunes particulières… Mesurons le travail que nous faisons tous les jours sur les seules lecture et compréhension de consignes en vue justement d’autonomiser les élèves, le dilemme que nous affrontons souvent entre débloquer un élève et prendre le temps de le laisser chercher…
Au final, la continuité pédagogique ne s’improvise pas, elle s’apparente plutôt à de la gestion de la discontinuité. Nous, personnels de l’éducation, feront au mieux de nos possibilités matérielles et pédagogiques, mais nous appelons le ministère à la modestie : rien n’est prêt dans l’instant, prenons le temps de bien faire.
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