Responsabilité du fonctionnaire et discipline

2. La mise en cause de la responsabilité des personnels
2.1. La responsabilité civile
2.1.1. Le principe de la responsabilité de l’État
2.1.2. Champ des personnels couverts
2.1.3. Activités concernées
2.1.4. Contentieux
2.1.5. Les élèves de l’enseignement technique et professionnel
2.2. La responsabilité pénale
2.2.1. Les incriminations
2.2.2. Des fonctionnaires vulnérables
2.2.3. La loi du 10 juillet 2000


2. La mise en cause de la responsabilité des personnels
C’est notamment à l’occasion d’accidents scolaires que la responsabilité des personnels peut être mise en cause. Dans tous les cas, les collègues mis en cause ont tout intérêt à prendre contact avec le secteur de l’action juridique du SNES-FSU dans les meilleurs délais (action.juridique@snes.edu).
On distinguera la responsabilité civile de la responsabilité pénale.

2.1. La responsabilité civile
Cette question est traitée par l’article L.911-4 du code de l’Éducation.

2.1.1. Le principe de la responsabilité de l’État
Cet article a mis en place un dispositif particulièrement protecteur pour les personnels de ­l’enseignement public, qui trouve sa justification dans les difficultés inhérentes à l’activité d’enseignement et dans l’âge des élèves.
L’article L.911-4 dispose notamment : « Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’État est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants  ». La responsabilité civile de l’État est donc substituée à celle des personnels de l’enseignement dès lors que les élèves ou étudiants « se trouvent sous la surveillance de ces derniers ». Il ne s’agit donc que de fautes de surveillance.
La substitution de la responsabilité de l’État est absolue et interdit de mettre en cause l’agent devant les juridictions civiles. Si l’accident résulte d’une mauvaise organisation du service et non d’une faute de l’agent, la responsabilité de l’État peut être recherchée sur le fondement de la faute devant la juridiction administrative.
Une « action récursoire » de l’État est toutefois possible contre les personnels en cas de faute d’une particulière gravité, personnelle et détachée du service, mais cette procédure est rarement appliquée.

2.1.2. Champ des personnels couverts
Il s’agit des « membres de l’enseignement public », notion interprétée de manière extensive et qui inclut : les membres des différents corps de l’enseignement public des premier et second degrés, enseignants ou non, les non titulaires, les membres de l’enseignement supérieur mais seulement en cas d’accident lié à la pratique d’activités dangereuses, les personnels des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association et les agents des établissements médico-pédagogiques.
Il est admis que les personnels de droit privé des établissements publics d’enseignement (titulaires de contrats aidés CUI : contrat unique d’insertion) en bénéficient, la jurisprudence l’étendant aux collaborateurs occasionnels du service public : par exemple, des parents lors d’une sortie pédagogique.

2.1.3. Activités concernées
La loi s’applique non seulement aux activités scolaires proprement dites, mais également à des activités extra­scolaires comme les sorties et voyages scolaires. S’agissant des travaux personnels encadrés, les élèves pouvant être livrés à eux-mêmes, la circulaire n° 2001-007 du 8 janvier 2001, toujours valide, a rappelé les règles applicables (sous réserve de l’interprétation souveraine qu’en feront les juges). Elle considère notamment que l’encadrement pédagogique « n’implique pas, en raison même de la nature des travaux en question, [que les enseignants] soient présents en permanence lors des recherches ou de leurs réalisations. Dès lors, la responsabilité des professeurs ne pourra être recherchée du seul fait qu’ils ne surveillaient pas ni n’accompagnaient leurs élèves à l’occasion des travaux personnels encadrés  ». Les établissements sont invités à préciser les modalités d’organisation du dispositif dans leur règlement intérieur.

2.1.4. Contentieux
C’est le juge judiciaire qui est compétent. La charge de la preuve incombe aux victimes… La prescription est de trois ans à compter du jour de l’accident, mais peut être interrompue par un acte de poursuite. Enfin la responsabilité des parents est susceptible d’être engagée par les dommages causés par leurs enfants mineurs, en application des alinéas 4 et 7 de l’article 1384 du code civil.

2.1.5. Les élèves de l’enseignement technique et professionnel
Les élèves de l’enseignement technique et professionnel sont soumis aux dispositions du code du travail : en cas d’accident, la législation sur les accidents du travail est applicable et notamment la responsabilité de l’employeur (l’État) est présumée.

2.2. La responsabilité pénale
L’article L.911-4 du code l’éducation est inopérant en matière pénale, l’infraction pénale étant regardée comme dépourvue par nature de tout lien avec le service, outre que tous les citoyens sont égaux devant la loi pénale. Or la période récente a vu s’étendre les incriminations pour des délits involontaires, par dérogation au principe selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

2.2.1. Les incriminations
Ainsi en est-il de la « mise en danger délibérée de la personne d’autrui », ou de « l’imprudence », de la « négligence » ou du « manquement  » à une « obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements  », qui peuvent conduire à de lourdes peines d’emprisonnement ou d’amende, outre les condamnations civiles, même en l’absence de tout accident quand la faute est détachable du service. Enfin, la tendance des victimes à mettre en cause la personne même des fonctionnaires élargit encore la brèche. Il faut y voir à la fois la commodité offerte par le code de procédure pénale qui permet à la victime qui se porte partie civile d’être déchargée de la recherche de la preuve, et de la volonté de trouver des boucs émissaires.

2.2.2. Des fonctionnaires vulnérables
Dans ce décor, le fonctionnaire est dans une situation très inconfortable. Soumis au principe hiérarchique, il ne peut refuser ni d’exécuter les ordres reçus ni d’effectuer son service sans s’exposer à des sanctions disciplinaires ou à des retenues sur traitement, cependant que l’exécution même de ces ordres ou de ce service peut le conduire devant le juge pénal. Certes, il peut refuser d’exécuter un « ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public  » (article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983), mais ces notions sont interprétées très restrictivement, le principe hiérarchique étant prééminent. Paradoxalement, le « droit de retrait », c’est-à-dire le droit de se retirer d’une situation de danger grave et imminent, peut se retourner contre eux : le juge pénal peut en effet estimer fautive la négligence à en user et charger davantage alors l’agent impliqué à la suite d’un accident, survenu par exemple à un élève travaillant sur une machine non conforme. On doit rappeler enfin qu’à la différence des autres justiciables, le fonctionnaire condamné risque en outre la radiation, par exemple si le juge ne prononce pas la dispense d’inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire et si celle-ci est incompatible avec la fonction (les faits d’atteintes sexuelles sur mineur ne peuvent plus être dispensés d’inscription au bulletin n° 2).

2.2.3. La loi du 10 juillet 2000
Pour tenter de sortir de ces difficultés, le législateur avait introduit en 1996 un article 11 bis au titre 1 du statut général (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983), qui disposait que les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public ne peuvent être condamnés pour des faits non intentionnels « que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie ». Mais cette disposition changeait peu de choses. Elle se bornait à formaliser la démarche intellectuelle déjà conduite par le juge pénal.
En revanche, la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 a apporté une nouvelle rédaction à l’article 121-3 du code pénal relatif aux délits involontaires. La loi énonce désormais : « les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.  »
Avec ce texte, adopté après d’âpres polémiques, on est ainsi passé d’un délit d’imprudence aux contours mal définis à une infraction quasi volontaire. En tout cas la preuve de la conscience qu’avait son auteur des conséquences de ses négligences doit être rapportée par l’accusation ou les parties civiles. Ce texte n’a pas provoqué un raz de marée devant les tribunaux mais le risque dû à la judiciarisation de la société est bien présent.


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