La formation continue en débat

Les mandats du SNES-FSU

Le SNES-FSU dénonce toute tentative d’institutionnalisation de la formation continue hors temps de service devant élèves avec pour conséquence l’accroissement de la charge de travail des personnels. Il revendique un droit effectif à la formation continue qui se déroule en semaine sur le temps de service des personnels, sur des horaires habituels de travail et en dehors des vacances scolaires, en particulier pour ne pas accroître les inégalités notamment genrées. Les formations doivent se faire sur la base du volontariat sur le temps de service, et en présentiel.

La formation continue doit :

  • répondre aux attentes des collègues, concepteurs de leur métier, en mêlant étroitement recherche universitaire et réalités des métiers, sans jamais imposer « de bonnes pratiques »,
  • être en adéquation avec les exigences du service public,
  • répondre aux besoins des collègues au fil de leur carrière.

Les enveloppes budgétaires dédiées à la formation continue d’une part et aux congés de formation professionnelle d’autre part doivent être abondées pour permettre à toutes et tous de bénéficier de formations universitaires ou certifiantes, choisies par les intéressé·es, dans un délai raisonnable.

L’analyse du rapport de l’IGÉSR

L’IGÉSR a publié un rapport sur la formation continue des enseignant·es en août 2024. Ce dernier contient 16 recommandations visant à améliorer, structurer et rendre davantage accessible la formation continue aux enseignant·es. Deux de ces recommandations interpellent particulièrement le SNES-FSU. D’une part, celle d’instaurer 18h de formation continue obligatoires par an et d’autre part celle de basculer 100 % des formations hors temps scolaire, y compris les 18h proposées dans ce rapport.

Une formation continue obligatoire est problématique

La formation continue avait déjà été rendue obligatoire, dans son principe, par la loi Blanquer dite sur l’école de la confiance en 2019. Mais spécifier un volume pose problème au SNES-FSU pour plusieurs raisons. Premièrement, le SNES-FSU tient à rappeler que les formations doivent se faire sur la base du volontariat. Les collègues sont les mieux placés pour savoir ce dont ils et elles ont besoin en terme de formation.

Deuxièmement, le problème actuel de la formation continue n’est pas « le manque de goût » des enseignant·es pour se former – comme le dit le rapport de façon méprisante. La pauvreté de l’offre de formation et l’augmentation globale des missions annexes et de la charge de travail ont pour conséquence un découragement chez les collègues pour suivre des formations. Cette idée se retrouve d’ailleurs dans le rapport puisqu’elle est évoquée lorsqu’il est fait mention des Dafpen qui sont « découragés » face à leurs missions de gestion de la formation notamment à cause de manque de moyen et d’une rémunération trop faible. Si le Ministère souhaite améliorer qualitativement et quantitativement la formation continue des enseignant·es, il faut repenser les conditions de travail de façon générale pour leur permettre d’être disponibles !

Troisièmement, la qualité de la formation reste un sujet épineux tant elle peut être déconnectée des réalités du terrain. C’est d’ailleurs un élément que le rapport mentionne en concédant que le recueil des besoins de formation demeure « embryonnaire » (Rapport, page 1) et reste largement perfectible. Sur ce point, le SNES-FSU rejoint le constat de l’IGÉSR et ajoute que le format descendant des formations qui s’apparentent parfois à un rappel des « bonnes pratiques » ne saurait en aucun cas satisfaire les professeur.es. Par ailleurs, le rapport souligne les imperfections de la visioconférence en citant le manque d’engagement que cela génère et l’absence d’échange entre pairs ; sur ce point aussi le SNES-FSU partage le constat et défend des conditions de formation qui permettent un réel échange avec les formateurs et formatrices et entre collègues.

Une augmentation des inégalités est prévisible

À cette recommandation d’imposer 18h de formation continue obligatoires s’ajoute celle de que toutes les formations se déroulent hors temps scolaire. Cette mesure serait délétère pour l’accessibilité de la formation à tous et surtout à toutes. En effet, les professeur·es (à temps complet) déclarent un temps de travail médian de 43 heures par semaine (contre 40 heures pour les autres cadres A de la Fonction publique d’État) et environ 34 jours travaillés pendant les vacances d’après la DEPP1. La formation hors temps scolaire représenterait donc une augmentation de la charge et du temps de travail ainsi qu’un mépris de tout le travail déjà effectué par les enseignant·es du second degré ; 18h par an correspondant à 30 minutes de travail additionnel par semaine, le tout sans rémunération sérieuse envisagée. De plus, cela ne ferait qu’accroître les inégalités de genre puisque les femmes sont souvent moins à même d’être disponibles hors de leur temps de travail. En effet, par exemple dans les couples hétérosexuels avec enfants, 88 % des femmes consacrent au moins une heure par jour à s’occuper de proches, contre 75 % des hommes d’après l’observatoire des inégalités2. Sans compter 82 % des 1,9 millions chefs de familles monoparentales avec un enfant mineur sont des femmes3. Au vu du nombre que cela représente, des professeur·es seront forcément concernées par ces inégalités. Cette problématique est d’ailleurs notifiée dans le rapport sans pour autant être intégrée dans la réflexion sur la formation continue (Rapport, p.19).

Quels moyens concrets ?

Le rapport mentionne à de nombreuses reprises le « développement professionnel » avec la possibilité de certification à l’issue des 18h de formation continue obligatoire. Il ne faut pas confondre la reconnaissance professionnelle avec une surveillance administrative des formations suivies ou avec une orientation de la carrière qui contribuerait à alimenter un recrutement des équipes enseignant·es par les chefs d’établissement. L’enjeu, notamment dans un contexte de crise du recrutement, est de conforter les enseignant·es dans leurs pratiques professionnelles en tant que concepteurs et conceptrices de leur métier. Il ne doit pas s’agir d’orienter leurs pratiques vers de « bons gestes » professionnels, ou encore d’en faire des « toutologues » interchangeables face aux élèves. Il y a un véritable enjeu autour des contenus de formation que représentent ces fameuses 18h.

Enfin, des parallèles sont faits avec la formation continue dans le premier degré. La formation continue des PE a effet été institutionnalisée avec 18h annuelles d’animation pédagogique et de formation continue. L’IGÉSR ne propose absolument pas d’intégrer le temps de formation à notre temps de travail : cela s’ajouterait aux obligations réglementaires de services actuelles (ORS, par exemple 18h pour un·e certifié·e), déjà alourdies par les deux heures supplémentaires imposables. Une enquête de nos camarades de la FSU-SNUIPP montre d’ailleurs qu’avec ces 18h intégrées à l’ORS des professeur·es, on est encore loin du compte : 50,6% des personnels dépassent le cadre des 18 heures officielles de formation, sans compter les temps d’auto-formation qui ne sont jamais pris en compte.

Les oublié·es du rapport de l’IGÉSR

Il n’est jamais fait mention des conditions de travail des formateurs et formatrices et des conséquences d’une formation continue organisée hors du temps d’enseignement sur leur métier.

Le rapport traite uniquement la formation continue des enseignant·es sans se préoccuper de celle de nos collègues CPE, Psy-EN, AED et AESH. Il s’avère que les AED et AESH doivent bénéficier la première année d’un temps de formation de 36h. Si les rectorats arrivent à davantage former les AESH, les AED sont les grands oubliés de la formation continue. Comment assurer une formation continue de 18h obligatoires pour les enseignant·es alors que l’administration n’arrive déjà pas à assumer la formation obligatoire pour les autres corps de métier de l’éducation nationale ?

1 https://www.education.gouv.fr/la-moitie-des-enseignants-declare-travailler-au-moins-43-heures-par-semaine-343235

2 https://www.inegalites.fr/Le-partage-des-taches-domestiques-et-familiales-ne-progresse-pas

3 https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/publication-de-louvrage-femmes-et-monoparentalite-le-choix-de-lemploi