La création des Écoles Académiques de la Formation Continue a été annoncée en mai 2021. Ces écoles doivent mettre en œuvre le douzième et dernier « engagement » du Grenelle de l’éducation, à savoir « faciliter l’accès à une formation continue davantage diplômante ».
La formation continue des personnels de l’Éducation nationale est l’objet de beaucoup d’attentions du Ministère depuis 2019 : la loi sur l’école de la confiance l’a rendue, en principe, « obligatoire pour chaque enseignant », et, depuis 2019 encore, elle est encadrée, aux échelons national, académique ou de l’établissement, par un cahier des charges triennal qui définit relativement précisément les axes des formations pour tous les personnels, mais aussi leurs modalités de mise en œuvre.
La création des écoles académiques n’avait cependant fait l’objet d’aucune réflexion, d’aucun dialogue préalable, et ce n’est qu’à l’occasion de la conférence de clôture du Grenelle qu’ont été tout à la fois annoncés la naissance de ces écoles, et les trois objectifs qui leur sont assignés :
– « structurer, rendre cohérente et enrichir l’offre de formation continue » ;
– « mieux assurer le continuum de formation et faciliter l’accès à des formations diplômantes » ;
– « renforcer les moyens de la formation continue ».
« Structurer, rendre cohérente et enrichir l’offre de formation continue »
Lancée au départ sous la forme d’un « appel à manifestation d’intérêt », a priori pour expérimentation, c’est en fin de compte dans 25 des 30 académies que devrait s’ouvrir une EAFC dès le 1er janvier 2022. On ne sait pourtant que peu de choses de cette nouvelle institution : des confidences à l’AEF (Dépêche n° 654963 du 1er juillet 2021), une interview, toujours par l’AEF, de la Rectrice de Bordeaux (Dépêche n° 659255 du 29 septembre 2021), un fiche de poste dans l’académie d’Amiens… L’école doit être « incarnée par un lieu et par un directeur, premier responsable de la formation continue dans l’académie ». Ce directeur, nommé par le Recteur, devrait reprendre un certain nombre de responsabilités en matière de formation continue et en piloter l’ensemble du budget. Il mettra en place un conseil d’école présidé par le Recteur, où il n’est nullement question de faire représenter les personnels. « L’écoute de leurs besoins », promise par le Grenelle, ne passera pas par là. Il est clair en revanche que l’école est conçue comme un levier de rationalisation, ainsi que l’explique un interlocuteur du Ministère à l’AEF, pour qui il faut « ainsi combattre, notamment, la dispersion des offres de formations rendant difficile leur compréhension par l’usager. » Quant au contenu des formations que pourrait dispenser l’école, la priorité semble donnée aux formations transversales et intercatégorielles : école inclusive, harcèlement, valeurs de la République, continuité éducative… On est un peu en périphérie du cœur du métier.
« Mieux assurer le continuum de formation et faciliter l’accès à des formations diplômantes »
Les INSPÉ et le réseau CANOPÉ seront associés au fonctionnement des EAFC, conformément au rôle d’opérateurs de la formation continue que leur assigne le Schéma directeur de 2019. Le réseau CANOPÉ, ex-CNDP et CRDP, revient de loin, puisque des rumeurs de démantèlement avaient couru en 2019. Quand aux INSPÉ, même si la loi leur affecte ce rôle, dans les faits, leur intervention dans la formation continue des enseignants et des personnels d’éducation est devenue relativement marginale, et très inégale suivant les académies ou les disciplines.
Le Schéma directeur impose cependant que la formation continue soit « aussi souvent que possible certifiante ou diplômante », et de ce point de vue, l’apport des INSPÉ, intégrés aux universités, est indispensable. La création des écoles de formation continue permettra-t-elle d’adosser de manière bien plus solide qu’à l’heure actuelle, la formation continue à la recherche ? Ce serait évidemment souhaitable, mais la ligne politique que suit notre ministre ne laisse guère espérer que les enseignants-chercheurs de l’INSPÉ y trouvent tout à faire leur compte en matière d’autonomie.
Nos camarades du SNESup-FSU redoutent surtout qu’à la faveur de la réforme de la formation initiale des enseignants et des CPE, qui porte le concours à la fin de la deuxième année du Master, l’INSPÉ ne perde son rôle dans la formation des fonctionnaires-stagiaires après le concours, rôle qu’il n’avait retrouvé qu’en 2014. Jusqu’à présent, seuls les collègues contractuels, possédant une expérience significative dans la discipline du concours qu’ils avaient réussi, étaient affectés à temps complet pendant leur stage et ne bénéficiaient que de quelques jours de formation organisés par l’Inspection. La réforme qui s’applique à la session 2022 prévoit de mettre à plein service tous les fonctionnaires-stagiaires issus d’un master MEEF, ce qu’a dénoncé la FSU face au Ministère le 13 octobre dernier. L’École académique donnera-t-elle au rectorat le monopole de la formation des stagiaires ?
Ce ne serait évidemment pas acceptable. Pour le SNES en effet, la formation initiale forme un tout, avant le concours, pendant le stage et dans les premières années de titulaires. A ce titre, c’est l’université qui doit l’assurer.
« Renforcer les moyens de la formation continue ».
Les comparaisons internationales montrent qu’en matière de temps passé en formation par les personnels d’enseignement et d’éducation du secondaire, la France se place parmi les derniers pays de l’OCDE. Selon le dernier bilan social du Ministère, ce temps est de 2,7 jours pour les personnels formés en 2020-2021 (et seulement 1,6 jours si on le ramène à l’ensemble des personnels concernés). Ce chiffre était le même en 2006-2007, les pics de participation étant liés, ces dix dernières années, à la mise en œuvre des réformes du collège et du lycée. Ce défaut de quantité se double d’un problème de qualité : la Cour des comptes relevait, en 2015, « le scepticisme très majoritaire parmi les enseignants, sur l’aide que leur apporte leur formation dans leur travail quotidien ».
Pourtant, la mise en place des Écoles académiques ne devrait pas coûter un sou, si l’on en croit les informations données à l’AEF par le Ministère et la Rectrice de Bordeaux, la priorité accordée aux formations « au plus près des personnels » et la multiplication des formations à distance ou hybride, permettent déjà des économies sur les frais de déplacement. La promesse d’une hausse des moyens affectés à la formation continue par le Schéma directeur 2019-2022 semble oubliée.
Formation sous le contrôle du Ministère et des rectorats, absence de participation au pilotage des formés et des formateurs, moyens constants, contenus des formations… le cadre que le Ministère entend donner aux Écoles académiques de la formation continue ne laisse guère l’espoir d’une amélioration substantielle de la formation continue. Le SNES-FSU se battra au contraire pour accroître les moyens d’une formation continue de qualité, qui réponde aux besoins des personnels et à l’exigence de la démocratisation du second degré. C’est le sens des interventions de ses représentants, notamment dans les conseils académiques de la formation (CAF) institués par le Schéma directeur en 2019.