Les mesures de revalorisation, dont Jean-Michel Blanquer se gargarise, sont loin de compenser les pertes salariales subies par nos professions depuis très longtemps. Même avec la prime d’attractivité mise en place depuis mai 2021, un·e certifié·e doit par exemple attendre actuellement 11,5 ans (7ème échelon) pour dépasser les 2000 € net (2042,55 € avec l’ISOE et la prime d’attractivité).
Les stagiaires n’étaient pas concerné·es par cette première prime. Le Journal officiel vient de publier, le 8 janvier 2022, un décret instituant, à partir du 1er septembre 2022, “une indemnité allouée à certains personnels enseignants stagiaires et aux conseillers principaux d’éducation stagiaires relevant du ministère chargé de l’éducation nationale”, qu’un arrêté publié le même jour a fixé à 1200€. C’est là l’essentiel des mesures de revalorisations proposées aux enseignant·es et CPE stagiaires, laissant au passage de côté les Psy-EN et les agrégé·es, malgré les amendements proposés par la FSU et ses syndicats lors de l’examen du texte en Comité Technique Ministériel en octobre 2021. Mais même pour les certifié·es et les CPE, la mesure est bien mince…
Le bénéfice de cette indemnité est d’abord conditionné « à l’exercice effectif des fonctions enseignantes et d’éducation » : cela signifie que les stagiaires qui ne sont pas titulaires d’un master MEEF, et qui seront de ce fait placé·es à mi-temps en responsabilité et à mi-temps en formation, n’en toucheront que la moitié !
Mais il faut surtout replacer cette indemnité dans la réforme Blanquer des concours, et la comparer à l’effort de formation supplémentaire qu’elle fait peser sur les seuls étudiant·es. A partir de la rentrée 2022, les lauréat·es du CAPES, du CAPET et du concours CPE seront en effet titulaires d’un Master 2 en entrant en stage, alors que depuis la session 2014, il suffisait d’un M1. 100, voir 50€ par mois, pour une année d’étude supplémentaire, ce n’est pas si cher payé. Ça l’est d’autant moins quand on compare le sort fait aux stagiaires à partir de la rentrée 2022, avec la carrière ouverte par la réforme des concours de 2010. A l’époque déjà, cette réforme (sur laquelle était revenu Vincent Peillon sous le quinquennat Hollande), le concours avait été porté en M2. Mais cette augmentation du niveau de recrutement s’était accompagnée d’une revalorisation de l’entrée dans la carrière : à leur entrée en stage, les lauréat·es étaient directement intégré·es à l’échelon 3 (indice 432, soit en brut mensuel à l’époque, 2000,29€ à la rentrée 2010). La réforme Peillon, qui avait ramené le recrutement en fin de M1, avait remis les stagiaires à l’échelon 1, ce qu’avait évidemment dénoncé le SNES-FSU.
La réforme Blanquer de 2022 laisse les stagiaires entrant dans le métier à l’échelon 1 (indice 390, soit 1827,55€ brut). Même augmenté·es de 100€ (ou 50€) par l’indemnité qui vient d’être créée, les stagiaires seront, en septembre 2022, moins payé·es, en euros courants, qu’ils et elles ne l’étaient en 2010 : 1927,55€ ou 1877,55€, au lieu de 2000,29€. En tenant compte de l’inflation, le salaire brut de 2010 s’élève à 2211,91€ (euros 2020, d’après le convertisseur de l’INSEE, qui ne permet pas de tenir compte de l’inflation en 2021). En bref : un·e stagiaire gagnera, en septembre 2022, 284,36€ voir 334,36€ de moins qu’un·e stagiaire en 2010 alors que le ministère se vante de revaloriser les salaires. La prime d’activité, versée par la CAF, à laquelle sont éligibles les fonctionnaires stagiaires depuis le 1er janvier 2019, ne compense pas ces pertes. Pour une “revalorisation historique”, il faudra repasser !