Le premier étage de la réforme Blanquer
Mis en œuvre pour la première fois à la rentrée 2019, le dispositif de préprofessionnalisation que Jean-Michel Blanquer avait inclus dans sa loi « pour une école de la confiance », a été à l’époque présenté à grand frais. Le Ministre d’alors disait que s’il avait été étudiant, il aurait voulu être AED prépro. C’était le premier étage de la fusée qui a mis en orbite, en 2022, le nouveau régime de la formation et des concours.
Il était prévu en 2019 de recruter pour trois ans 1500 étudiant·es de L2 (dans le premier et le second degré), puis 3000 à chaque rentrée suivante. Sans rapport avec celles des AED exerçant comme surveillant, leurs missions les conduisent de l’observation des cours de leurs tuteurs ou tutrices à une prise en responsabilité très progressive des élèves, à mesure de leur avancée dans leur cursus. Malgré le cadre posé par une circulaire de 2019, plusieurs rectorats ont tenté, à la rentrée 2021, d’affecter les AED prépro en M1 sur un service d’enseignement annuel. Les interventions du SNES-FSU ont en général réglé ces situations, mais pas toujours.
Des AED prépro bien peu choyés
Avec la réforme du concours à la rentrée 2022, les contrats des premiers AED prépro recruté·es en 2019 ont pu en principe être renouvelés pour un an, pour la durée de leur M2. Annoncée depuis la modification du décret qui règle la situation des AED, cette disposition ne s’est pas traduite par la publication d’une nouvelle circulaire, ni d’un nouveau contrat-type. Début octobre 2022, certains AED prépro en M2, pourtant en poste dans leur établissement, n’avaient pas encore signé d’avenant à leur contrat initial. Les syndicats de la FSU sont intervenus de nombreuses fois auprès du Ministère à ce propos, et les sections du SNES-FSU ont accompagné les jeunes collègues dans leurs démarches auprès des rectorats concernés. Pourquoi ne pas choyer davantage ces étudiant·es si précieux, qui depuis la L2, ont confirmé leur intérêt pour nos métiers et les concours qui y mènent ?
Mais au fait, combien sont-ils ?
En façade, pourtant, le Ministère affiche toujours son intérêt pour le dispositif. Dans le Projet de loi de finances 2023, il annonce encore que 3000 étudiant·es doivent être recruté·es à la rentrée 2022. Mais au fait, combien l’ont été depuis le départ, alors qu’on ne peut y entrer qu’en L2, et pas après ?
Difficile d’y voir clair, tant les discours tenus des ministres Jean-Michel Blanquer puis Pap Ndiaye, et les données tirées des documents budgétaires sont contradictoires. Si on lit les documents rendant compte de l’exécution des budgets passés, on se rend compte du décalage entre les objectifs et la réalité du recrutement.
Rentrée | AED en préprofessionnalisation réellement recrutés (personnes physiques, 1er et 2ond degrés) |
2019 | 1181 (prévision : 1500) |
2020 | 1884 (prévision : 3000) |
2021 | 2467 (prévision : 3000) |
Il devrait y avoir 7500 étudiant·es en préprofessionnalisation à la fin de l’année scolaire 2021-2022, il n’y en a donc que 5532. Et encore, c’est sans tenir compte des démissions en cours de route, qui ne peuvent être remplacées, puisqu’on ne peut rentrer qu’en L2 dans le dispositif. Cela n’empêchait pas Jean-Michel Blanquer d’annoncer 3000 recrutements à l’aube de chaque rentrée. Pour septembre 2022, son successeur affiche toujours ces 3000 recrutements, le PLF de 2023 précisant que « 3 000 recrutements sont prévus pour chacune des rentrées 2022 et 2023 ».
Mais, dans une interview croisée du DGRH et du DGESCO donnée à l’AEF fin octobre 2022, le DGRH annonce qu’il n’y a eu que 1656 recrutements en septembre 2022. 1656 au lieu de 3000 donc, mais, précise le DGRH, « il y a une légère augmentation en cette rentrée 2022 ». C’est à n’y rien comprendre, puisque le Ministère affichait 2467 recrutements à la rentrée 2021 !
Il faut sécuriser les parcours des étudiant·es avant le concours
La question de la sécurisation des parcours en amont des concours est grave, et ne souffre pas d’à peu près. C’est évidemment le sens du mandat du SNES-FSU, en faveur d’un prérecrutement massif dès la Licence.
Le Ministère doit jouer carte sur table : combien d’AED prépro ont été recruté·es chaque année, combien restent dans le dispositif ? Mieux, il faudrait qu’en 2023, on puisse évaluer l’efficacité de la mesure à partir des résultats aux concours des AED prépro en M2 cette année. Mais là, c’est peut-être beaucoup demander… Rappelons que les mesures antérieures du même type (EAP, M1 en alternance…) n’ont jamais été évaluées. Et que le Ministère a refusé en 2022 de publier le nombre d’inscrits aux concours avant la fin de la session.