A la rentrée scolaire 2014, le rapport de l’OCDE sur les salaires des enseignants a été fortement médiatisé.
Le décrochage des enseignants français dans les comparaisons internationales
Le salaire statutaire moyen des enseignants français est plutôt plus faible que celui des pays de l’OCDE ayant un niveau de développement comparable. La France, avec la Grèce, fait partie des rares pays qui ont vu baisser le salaire moyen statutaire en «dollars parité de niveau de vie» sur la période 2000/2011. Dans la plupart des pays de l’OCDE, le salaire augmente avec le niveau d’enseignement et les écarts entre ces niveaux sont plus marqués quand on étudie des salaires réels, incluant les primes et les heures supplémentaires.
On a assisté sur la décennie qui vient de s’écouler à un décrochage du salaire des enseignants français par rapport à celui des enseignants des pays de l’OCDE de niveau de développement comparable. Le rapport entre le salaire réel moyen annuel [[Salaires annuels moyens 2012 (primes et allocations comprises) en équivalents USD convertis sur la base de la parité de pouvoir d’achat (tableau D3.4)]] d’un enseignant de l’école élémentaire en Allemagne et en France est de 1,68 (59 598 USD et 35432), de 1,55 pour un enseignant de collège et de 1,54 pour un enseignant de Lycée.
Les débuts de carrière sont particulièrement impactés par ces logiques en raison de la baisse de l’indice de rémunération du salaire d’entrée dans le professorat, conséquence de la baisse du niveau de recrutement en 2014 (de 2 000€ à 1 600 € brut pour un professeur certifié ou un professeur des écoles).
Le décrochage des enseignants français par rapport aux fonctionnaires de catégorie A
En outre, le rapport de l’OCDE souligne que, de manière générale, les enseignants sont moins bien payés que les autres salariés à niveau de qualification égale : ils perçoivent 80% de la rémunération moyenne des autres métiers tertiaires de niveau de qualification comparable pour les enseignants du premier degré, 92% pour le second degré.
Le rapport annuel de la DGAFP sur l’État de la Fonction Publique l’indique également : les salaires des enseignants sont systématiquement moins élevés que les salaires des fonctionnaires à catégorie comparable, du fait de la part des primes. En moyenne, le salaire d’un enseignant français est égal aux deux tiers du salaire d’un cadre.
En 2012, le salaire brut moyen d’un professeur agrégé est de 4159 €, celui d’un ingénieur de l’Etat étant de 4684 € (de 1 à 1,12). Le salaire brut moyen d’un professeur certifié est de 3 076€, celui d’un attaché de l’administration étant de 3787 € (de 1 à 1,23).
Le rapport 2013 fait en outre apparaître que le pouvoir d’achat a davantage baissé en 2011 chez les enseignants (-0,5%) que dans la fonction publique (-0,1%). Les mesures de revalorisation passent en effet essentiellement par le développement des primes, auxquelles les enseignants n’ont que peu accès.
La part des primes représente 20,3% dans la catégorie A, mais seulement 14,7% pour les certifiés et agrégés. Le bilan social du MEN indique ainsi que les primes représentent en moyenne 4000 €, soit 11% du salaire annuel brut dans le second degré, contre 8000 €, soit 17 % du salaire annuel brut d’un fonctionnaire de catégorie A.
Des situations fortement inégalitaires entre enseignants
Le salaire moyen masque les disparités entre agents, et gomme les effets de structure, les différences de pyramide des âges.
L’existence du corps des agrégés, recrutés au niveau master (le concours se situe après le M2), et l’échelle des certifiés bi-admissibles expliquent des différences sur les traitements indiciaires.
A titre d’exemple, on ne peut s’expliquer pourquoi le salaire moyen d’un PEGC est de 3 617 € en 2012, supérieur au salaire moyen d’un certifié (3 076€), si l’on fait abstraction de la pyramide des âges des corps. Inversement, le corps des PE est en moyenne plus jeune que le corps des certifiés, 40,7 ans contre 42,5 ans en 2012, la part des collègues ayant plus de 50 ans étant de 22,2 % chez les PE contre 27,3% chez les certifiés, ce qui a des effets sur le salaire moyen et l’accès à la hors-classe.
Extrait des mandats du SNES – Congrès Marseille 2014
2.8.1. Le SNES dénonce le retour du début de carrière des certifiés et CPE à l’indice 349 (1er échelon) et de celui des agrégés à l’indice 379. Il revendique que les débuts de carrières des certifiés, CPE et Co-Psy ne soient pas inférieurs à l’indice 432 (2 000 € bruts par mois) et celui des agrégés ne soit pas inférieur à l’indice 497 (2 300 € bruts par mois). […]
2.8.2. Notre mandat d’aller vers un recrutement de tous les enseignants dans le corps des agrégés et de l’alignement des grilles de rémunération des CPE et Co-Psy sur celle des agrégés reste d’actualité. Le diplôme exigé pour être titularisé dans ces corps étant le même, cet objectif est pertinent et réalisable. […]
Dans l’immédiat, le SNES exige que tous les enseignants et les CPE ayant atteint l’indice terminal de la classe normale accèdent à la hors classe avant leur départ à la retraite.
Dans l’immédiat, le SNES demande pour les Co-Psy un accès à la hors classe comme pour tous les corps de catégorie A de l’Éducation Nationale ainsi que l’alignement de leur identité spécifique sur l’ISOE des enseignants elle-même doublée et l’attribution d’une NBI qui tiennent compte des effectifs en charge au-dessus de 1 000 élèves.
2.8.3. Pour les actuels agrégés et les professeurs de chaire supérieure, l’ouverture de débouchés sur la « hors échelle B » (indice terminal IM 1 058), l’ouverture du volume d’accès au corps des chaires supérieures et le rattachement de leur grille de rémunération à celle des corps de type A+, comme cela était à l’origine, doit être mis en œuvre.
A l’origine des inégalités : les heures supplémentaires
Bien que les grilles de rémunération et les rythmes d’avancement soient identiques, par exemple entre certifiés et professeurs des écoles, les différences restent fortes. A proprement parler, la part des primes hors-heures supplémentaires varie pourtant peu entre les enseignants : 5% chez les PE, 8 % chez les professeurs du second degré.
Ce sont par contre les heures supplémentaires qui jouent un rôle discriminant fort entre les agents : 7 % des primes versées aux professeurs des écoles sont des rémunérations d’HS, près de 50 % dans le second degré. Au sein du second degré, les effets discriminants sont très forts, un tiers des professeurs du second degré, plutôt des femmes, ne percevant pas d’HS. En outre, les heures supplémentaires sont plus fréquentes dans certaines situations professionnelles : professeurs de classe préparatoires, PLP, professeurs des disciplines technologiques par exemple. Le bilan social du MEN souligne une forte hétérogénéité des rémunérations dans le second degré, où 10% des enseignants gagnent moins de 24 599 € et 10% plus de 42 162 €, ce qui représente un rapport inter décile de 1,71. Ce rapport est de 1,45 dans le premier degré.
Les inégalités d’accès aux heures supplémentaires sont fortes, au détriment des femmes, des jeunes, des professeurs certifiés. Des catégories entières de personnels n’y ayant pas accès : documentalistes, CPE, CO-Psy. L’effet Heures Supplémentaires explique par exemple que le salaire brut moyen d’un PLP (3 221€) soit supérieur à celui d’un certifié (3076€).
Le SNES revendique le refus des heures supplémentaires, en soulignant que le slogan «Travailler plus pour gagner plus» est un leurre. Les heures supplémentaires sont sous-payées par rapport aux emplois. Durant le mandat de Nicolas Sarkozy, dans la Fonction publique de l’Etat, les emplois ont diminué de 7 %, le salaire moyen, en euros constants [[Euros constants : les effets de la hausse des prix sont annulés. L’évolution des salaires en euros constants permet de mesure l’évolution du pouvoir d’achat des salaires.]], a progressé d’un peu moins de 3 % ; ce qui apparaît peu compte tenu de l’élévation des qualifications et du vieillissement des personnels.
La crise de recrutement prouve l’urgence d’une revalorisation
Mais rompre avec les heures supplémentaires dans le second degré supposerait d’être en situation de recruter encore plus massivement, alors que l’éducation nationale traverse une crise de recrutement aiguë, en particulier dans le second degré. En juillet 2014, faute de candidats, 25 % des postes offerts au CAPLP, 22 % des postes offerts au CAPES, et même 9 % des postes offerts à l’agrégation, n’ont pas été pourvus.
Il y a fort à parier que l’institution continue à imposer aux collègues du travail supplémentaire, pour palier à la pénurie d’agents, travail supplémentaire qui doit être rémunéré. Notre revendication de refus des heures supplémentaires se heurte à la baisse du pouvoir d’achat, fortement ressenti dans tous les corps d’enseignants.