Le projet de décret modifiant le décret statutaire des professeur·es agrégé·es avait reçu un avis très majoritairement négatif au Comité Social d’Administration ministériel le 7 mai 2024. Le gouvernement a choisi de le publier le dimanche 7 juillet soit précisément le jour du second tour des élections législatives…
Un acte politique qui n’a rien d’innocent
Ce texte vise à confier aux recteurs et rectrices d’académie certains actes de gestion du corps des professeurs agrégés. Il concerne l’évaluation, la révision de l’appréciation finale de la valeur professionnelle, les avancements et promotions, le classement à l’entrée dans le corps et au changement de grade. Le recteur ou la rectrice devient désormais compétent·e pour tous ces actes concernant les professeur·es agrégé·es affecté·es dans un établissement d’enseignement du second degré, dans un établissement d’enseignement supérieur ou dans un service ou établissement placé sous son autorité.
Les agrégé·es basculent donc dans un corps à gestion déconcentrée. Les tableaux d’avancement accéléré au 7e et au 9e échelon seraient ainsi établis toutes disciplines confondues, alors qu’ils l’étaient discipline par discipline au niveau national, ce qui permettait de limiter les biais liés aux pratiques d’évaluations qui varient d’une inspection disciplinaire à l’autre. Les barres de promotion à la hors-classe, les critères pour la révision de l’appréciation finale de la valeur professionnelle, les pratiques de gestion en général, deviendraient variables selon les académies d’affectation. Le brassage national permettait jusqu’à présent de limiter les inégalités de traitement entre collègues d’un même corps du fait de pratiques académiques différentes, inégalités qui sont identifiées et documentées dans le cas des corps qui sont déjà à gestion déconcentrée. Le dessaisissement des commissions administratives paritaires de leurs compétences sur les carrières et les affectations en 2019, et le remplacement de la CAPN des agrégé·es par des CAPA inter-corps en 2023, ont ouvert la voie à l’amplification de ces inégalités de traitement.
Ce décret censé répondre à des objectifs d’amélioration de la gestion des personnels et de raccourcissement des délais, est en réalité un acte politique grave qui s’inscrit dans une politique de déconcentration dont les limites ne sont pas clairement posées.
Comment ne pas faire le lien avec les propos de la ministre qui dit réfléchir « à des systèmes qui pourraient permettre aux candidats de passer le concours dans les régions où ils ont envie d’exercer » ? Malgré les dénégations du ministère, on ne peut que s’inquiéter d’une nouvelle phase de déconcentration, voire de régionalisation, de la gestion des corps enseignants, et donc de nouvelles attaques contre la dimension nationale unifiante du système éducatif.
Un calendrier qui interroge
Pourquoi ce projet que le ministère avoue préparer depuis 2022, n’a-t-il pas été présenté plus tôt, notamment à l’occasion de la révision des lignes directrices de gestion discutées en novembre 2023?
L’avis du SNES-FSU
Ce projet est éminemment politique et n’a rien d’innocent. Il touche à l’identité d’un des derniers corps à gestion ministérielle avec celui des chaires supérieures. Pour le SNES-FSU il faut au contraire maintenir la cohérence d’une gestion nationale du corps des professeur∙es agrégé∙es et de son corps de débouché, le corps des professeur∙es de chaires supérieures. Il s’inscrit dans la logique des attaques contre le statut général de la fonction publique et les statuts particuliers. Certes le projet de loi visant à prolonger les reculs actés par la loi d’août 2019 dite “loi de transformation de la fonction publique” avec toujours moins de garanties pour les collègues mais toujours plus de prérogatives pour les échelons hiérarchiques déconcentrés est abandonné suite à la dissolution de l’assemblée nationale. En revanche, cet esprit est toujours présent dans les têtes de leurs instigateurs.
Les difficultés de gestion des personnels existent. Elles concernent tous les corps, qu’ils soient gérés en académie ou au ministère. Elles sont principalement dues à la sous-administration dont souffre l’éducation nationale depuis des années. Elles sont aggravées par la perte de compétences des commissions administratives paritaires qui permettaient de contrôler la bonne application des règles statutaires et contraignaient l’administration à respecter les calendriers.
Le SNES et la FSU réaffirment leur attachement au principe d’une éducation nationale, assurant l’égalité de traitement de toutes et tous. Nos représentants au CSA MEN ont voté contre ce projet de décret, tout comme le SNALC, FO, la CGT et SUD ; l’UNSA ayant voté pour et le SGEN-CFDT s’étant abstenu.
Les revendications du SNES-FSU
– l’abrogation du décret 2024-727 du 6 juillet 2024 ;
– le recrutement de personnels en nombre suffisant dans les administrations centrale et rectorales ;
– le rétablissement des compétences des CAP ;
– le doublement du nombre de postes de professeur·es de chaires supérieures ;
– la revalorisation des carrières et des traitements indiciaires