Mme la Présidente,
Mme et M. les membres du CSE,
La FSU siège ce jour en délégation réduite, convoquée hors du calendrier prévisionnel et durant des vacances scolaires. Instruire les dossiers demande du temps, mais cela évite aussi de rouvrir pour la énième fois les mêmes articles du code de l’éducation… Les délais accordés aux instances ne visent pas à ralentir le rythme des réformes (même si nous pourrions le souhaiter par les temps qui courent), ils visent à permettre un travail de qualité dans la Fonction publique, il ne faudrait pas l’oublier.
Nous partageons les réserves émises par les différentes organisations quant aux conditions sanitaires et pédagogiques de la reprise lundi prochain.
Nous saisissons cependant l’occasion de cette séance pour donner un aperçu de la situation tendue et des demandes de nos collègues d’outre-mer.
Si l’état de l’enseignement public dans l’hexagone est dégradé du fait des suppressions de moyens et des réformes en rafales, il l’est encore davantage dans les territoires globalement plus défavorisés que sont les outre-mer.
Un tour du monde éducatif d’est en ouest…
Pacifique : Polynésie –Nouvelle Calédonie
La situation de l’enseignement secondaire en Nouvelle-Calédonie est le reflet des déséquilibres portés par la société calédonienne : déséquilibre entre les établissements scolaires, selon qu’ils sont situés en Brousse ou dans la zone du Grand Nouméa, déséquilibre entre les élèves, dans une société où près de 20% des ménages vit sous le seuil de pauvreté, déséquilibre entre les communautés, dont l’appréhension des mécanismes éducatifs peut receler des différences fondamentales.
L’absentéisme, le décrochage et les violences scolaires -très liées aux violences familiales et à la montée du chômage-sont largement sous-évaluées par l’administration. Aussi, avec la crise sanitaire, la déscolarisation précoce atteint en Polynésie des niveaux bien plus élevés que dans l’hexagone.
Océan Indien : La réunion
L’académie connaît une situation sociale difficile, près de 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté, 100 000 illettré.es pour 850 000 habitant.es. La politique menée, surtout ces dernières années, ne permet pas d’avoir les moyens humains et matériels d’assurer comme il se doit le Service public d’Éducation (suppression de postes, manque de remplaçant-es…). La FSU demande le classement de l’ensemble de l’académie en Éducation prioritaire, la création de postes à la hauteur des besoins et une rénovation du bâti scolaire.
284 écoles sont classées en éducation prioritaire sur 497. Les nombreux dédoublements engendrés donnent plus de personnels à gérer pour le.la directeur.trice. La FSU demande une aide administrative dans toutes les écoles afin de permettre aux directeur.trice.s d’école de se recentrer sur leurs missions essentielles dont celle d’impulser des projets. Cette aide administrative ne doit pas dépendre du bon vouloir de la commune. Actuellement seule la commune de Saint-Denis alloue cette aide.
Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur le calendrier scolaire. La coupure de plus d’un mois de fin décembre à fin janvier (1 mois et 5 jrs cette année) ne favorise en rien la réussite des élèves.Il faudrait enfin une politique plus volontariste pour les langues créoles.
Mayotte
Mayotte, un département où 50 % de la population a moins de 17 ans, doit faire l’objet de mesures massives de soutien envers sa jeunesse
Dans le 1erdegré les enfants de moins de 6 ans ne sont pas tous scolarisés, ne parlons pas des moins de 3 ans… Le déficit de salles de classe persiste malgré l’augmentation de la dotation spécifique pour les constructions d’écoles. La «nationalisation» temporaire des constructions scolaires s’impose afin de rattraper le gros retard en matière de bâti scolaire et de faire baisser sensiblement les effectifs dans les classes. Les retards et les difficultés scolaires de la majorité des élèves imposent des recrutements et des formations massifs d’enseignant-es spécialisé-es. Le RASED devraient être densifiés au même titre que les équipes accueillant les élèves en élémentaire allophones ou jamais scolarisés avant d’arriver sur le sol mahorais.
Dans le second degré, les assassinats iniques successifs de deux jeunes par leurs camarades début avril ont conduit une fois de plus le recteur à annuler les cours dans leurs établissements pour éviter un droit de retrait. La situation est explosive.
La FSU dénonce les sureffectifs qui concernent la totalité des écoles, collèges et lycées et demande la transformation de tout le département en REP+.
Une politique de recrutement doit être mise en place, avec des mesures significatives d’attractivité et de stabilisation des agent-es.
La vie des jeunes mahorais-es et leur avenir n’a pas de prix. Les phénomènes de violence n’ont épargné aucun établissement ni commune du département, et ce, malgré les quelques efforts consentis après les mobilisations des jeunes, des parents d’élèves et des personnels. Il est clair qu’il en faut beaucoup plus pour stopper cette dynamique mortifère.
Amérique du Sud : Guyane
Au cours de ces quatre dernières années, le retard en termes de dotation n’a fait que croître.Dans le premier degré, le déficit de salle de classe est important ; beaucoup d’élèves sont privés d’école par manque de place. Les remplacements ne sont pas assurés. Les RASED continuent à se dégrader au même rythme que le dispositif REP+.
Dans le second degré, le manque de moyens associé à un retard de plus de quinze ans sur le bâti a de graves conséquences sur les conditions de scolarisation de la jeunesse. On parle en Guyane de surpopulation scolaire dans les EPLE alors que dans le même temps plus de 6000 jeunes en âge d’être scolarisés ne le sont pas. A cela viennent s’ajouter les difficultés liées à l’isolement de certains territoires, la difficulté scolaire, la non prise en compte du hiatus entre langue maternelle et langue de scolarisation et le manque de structures spécialisées (UPE2A, ULIS, etc.) alors que les besoins sont criants.
L’absence de politique éducative ambitieuse pour les élèves de Guyane se traduit par des chiffres sans appel: un jeune sur deux entré en classe de 6ème n’obtiendra jamais son baccalauréat et un jeune sur trois sortira sans diplôme du système éducatif. Ces chiffres traduisent pour nous, l’abandon de la jeunesse Guyanaise à son sort et donc le renoncement de la part de l’Etat aux principes d’équité et d’égalité qui nous sont chers.
Antilles
Suite au mouvement de grève des personnels enseignants en Martinique et en Guadeloupe au printemps 2020, une mission d’information sur l’enseignement dans les outre-mer dans les territoires en dépression démographique a été décidée par la Délégation aux Outre-Mer de l’Assemblée nationale. La FSU a été entendue le 16 mars dernier, le rapport n’est pas sorti à ce jour.
Martinique
Les 13 dernières années, ce ne sont pas moins de 1045 postes qui ont été supprimés dans l’académie, ce qui a des conséquences catastrophiques sur les moyens de remplacement. Les mesures ministérielles ne sont pas respectées avec des CP à 15 mais pas à 12. Nombre de disciplines sont sinistrées, il n’y a presque plus de remplaçant-es, des élèves restent des mois sans professeurs.
La vie au quotidien dans les écoles et les établissements scolaires est difficile du fait du bâti : les constructions datent pour l’essentiel d’il y a 50 ans, elles sont dans un état de décrépitude avancée et en chantier permanent. Les points d’eau ne sont pas assez nombreux, ce qui pose des problèmes d’hygiène.
Alors que de nombreux collèges et lycées disposent de salles climatisées, dans les écoles la température atteint régulièrement plus de 30 degrés. Ces conditions ont un impact sur la vigilance et la concentration des élèves. Un plan d’urgence pour la rénovation des bâtiments scolaires doit être initié par l’Etat (et non par les collectivités locales) afin d’offrir à court terme des bâtiments aux normes de sécurité et dignes, offrant aux élèves comme aux enseignant-es de bonnes conditions d’enseignement et de travail.
Par ailleurs, les salles informatiques sont souvent hors d’usage de longues périodes de l’année et il n’y a généralement pas d’accès à Internet. Les crédits de la collectivité territoriale ne sont pas suffisants pour assurer ce service, beaucoup plus coûteux que dans l’hexagone. Les collègues achètent des abonnements à leurs frais pour pouvoir travailler en classe.
La charge de la scolarité obligatoire pour les familles reste trop élevée. Les fournitures scolaires et les livres doivent être pris en charge par les collectivités.
La carte REP devrait être révisée afin de prendre en compte le contexte local (taux de pauvreté, d’enfants en difficulté de lecture, indice de position sociale des élèves…) : des secteurs entiers de l’académie devraient être en REP ou REP+.
Guadeloupe
En Guadeloupe, les coupures d’eau sont fréquentes, et les problèmes de bâtis importants comme en Martinique. L’Etat doit mettre en place un plan de rénovation des écoles et des établissements en prenant en compte les conditions climatiques ainsi que les risques sismiques.
Mais nous souhaitons attirer votre attention sur la très importante sous dotation en éducation prioritaire et en particulier en REP+, alors même que la situation socio-économique de ce territoire justifierait un rattrapage important. Le rapport de l’inspection générale suite aux nombreuses semaines de blocage l’année passée sur la demande de classement de l’académie en REP+ allait dans ce sens.
Dans le même temps que 17 postes sont supprimés pour la rentrée prochaine, le rectorat supprime des postes UPE2A pour les remplacer par des UPE2A “itinérants” sur 3,4 voire 5 établissements qui ne trouveront aucun-e candidat-e faute de moyens suffisants ! La dégradation de la situation générale dans la Caraïbe en lien avec la crise sanitaire va sans aucun doute accroître les phénomènes migratoires et renforcer les besoins en moyens et postes FLE.
Nous demandons donc a minima l’annulation des 17 suppressions de postes et la création d’au moins 10 REP+ supplémentaires.
Conclusion
L’Etat doit accepter les particularismes scolaires des territoires du Pacifique, de l’Océan indien, des Antilles et de la Guyane. Il doit assurer les missions de service public sur l’ensemble du territoire et, ce, sans discrimination. Il faut dans les territoires d’outre-mer des recrutements massifs de personnels dont les CPE, enseignant-es spécialisé-es, psy-EN, infirmières et médecins scolaires, assistant-es de service social, ouvrir des classes, rénover le bâti, assurer des conditions de scolarisation décente pour tous les élèves.
L’école vaut plus que des belles paroles ! Il faut des actes !