Madame la Ministre,
Dès l’été 2012, le ministère s’est engagé dans une démarche de discussions avec la communauté éducative qui a créé une dynamique positive dans le débat sur les évolutions nécessaires de notre système éducatif.
C’est ainsi qu’ont pu être adoptés des textes importants pour l’avenir de la jeunesse de ce pays et que nombre de faux débats et d’oppositions stériles ont pu être évités.
Vous avez fait le choix de rompre ces équilibres, pour des raisons qui nous échappent, ne voulant pas croire que vous avez cédé à des sirènes minoritaires chez les personnels d’enseignement, d’éducation et d’orientation, au risque d’imposer une réforme rejetée par 80% des professeurs du second degré.
Pourquoi ce choix de manquer le rendez-vous historique que vos prédécesseurs avaient préparé et qui aurait pu être la marque d’une rupture dans l’histoire de ce ministère en construisant avec les personnels la nécessaire réforme du collège ?
Madame la Ministre, n’écoutez pas ceux qui vous murmurent à l’oreille que 80% des enseignants du second degré sont d’horribles réactionnaires réfractaires à tout changement. Le changement, ils l’inventent au quotidien de leur métier et ils n’ont nul besoin de cet amoncellement de conseils, de cette avalanche de prescriptions, de cette armée de référents ou petits chefs.
Les professeurs du second degré vous demandent prioritairement deux choses : assurer leur liberté pédagogique et le travail collectif dans les formes qu’ils choisissent et du temps avec leurs élèves pour ce qui reste le cœur de leur métier : enseigner sa discipline de recrutement, que l’on a choisie et que l’on maîtrise. J’imagine déjà les tweets qui partent de cette salle au seul énoncé de cette expression « enseigner sa discipline ». Ceux qui les écrivent ne savent peut-être pas que l’immense majorité des enseignants, depuis longtemps, ne conçoivent plus leur enseignement comme un face à face magistral ou comme un long monologue ennuyeux, mais qu’ils savent rendre vivants et concrets les savoirs et les notions du programme, qu’ils ont su, bien avant la tentative d’imposer des cases à cocher, susciter l’envie d’apprendre et de mobiliser les connaissances acquises sans opposer pratique et théorique.
Nous regrettons profondément que vous ayez cru bon d’appuyer votre projet sur un bilan caricatural du collège, blessant pour les personnels et occultant tout ce qui, aujourd’hui met en difficulté élèves et enseignants.
Nous regrettons réellement que les deux axes principaux du projet soient aussi éloignés de ce qu’attendaient les personnels. Et surtout que le deuxième (l’autonomie) traduit dans un premier temps dans l’article II du décret et maintenant dans l’article 10 de l’arrêté (ce qui entre parenthèse ne change pas grand-chose ) soit sorti du chapeau une semaine avant ce CSE.
Oui, madame la Ministre, le SNES-FSU et l’immense majorité des enseignants sont favorables à la mise en œuvre progressive d’une interdisciplinarité inscrite au coeur des disciplines scolaires. Cela demande du temps de concertation, de formation. Sans doute parce que le gouvernement ne s’en donne pas les moyens, vous proposez une caricature en accolant « pratique » à interdisciplinaire et en confondant travail sur projet avec regards croisés sur un objet de savoir.
De plus, nous n’avons aucune visibilité sur les programmes qui sont pourtant les clés fondamentales de toute réforme.
Oui, madame la Ministre, le SNES-FSU et l’immense majorité des enseignants sont attachés à une autonomie pédagogique individuelle ou collective. Elle est un élément de la liberté pédagogique rappelée à juste titre par la loi de refondation. Mais ce n’est pas ce que propose votre projet qui appelle autonomie pédagogique ce qui n’est que méthode de gestion et autonomie du chef d’établissement. A ce titre il faudra nous expliquer qui est désigné par « établissement » dans le décret et dans l’arrêté : le chef d’établissement, représentant de l’Etat dans l’EPLE ou le Conseil d’administration ? Cela est important au regard des articles L311-1 et L311-2 du code de l’éducation.
Le SNES-FSU tient également à exprimer son désaccord profond avec l’ordre du jour de ce CSE qui comportent 40 autres points que la réforme du collège.
Je voudrais aussi rappeler qu’à aucun moment, les personnels n’ont été directement consultés, qu’aucun dispositif n’a été imaginé pour leur permettre de s’approprier le projet présenté aujourd’hui et d’en débattre. Qui craint donc leur parole et leur expertise ?
Le SNES-FSU s’interroge sur le report des réunions sur le bilan de la réforme du lycée. Est ce parce qu’il serait malvenu de publier le bilan de tout ce qui ne fonctionne pas au lycée alors que l’on tente de nous l’imposer au collège?
Tous ces éléments conduisent le SNES-FSU à vous demander, madame la Ministre de retirer de l’ordre du jour tout vote sur ce projet de texte et que soit repris de toute urgence le fil de la discussion et des consultations qui prévalaient depuis 2012 et qui traduisaient concrètement la volonté politique affichée par vos prédécesseurs (et que vous avez confirmée à votre arrivée) de ne pas construire de réforme contre les personnels.
Dans le cas contraire, étant résolument opposés à toute logique qui mette en concurrence disciplines enseignées, personnels et établissements, nous ne nous prononcerons sur aucun amendement qui ne peuvent être que des cautères sur une jambe de bois et voterons contre ce projet.
Roland HUBERT