CSE du 16 novembre 23
Déclaration du SNES-FSU
Monsieur le Directeur, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs
Sans surprise, le ministre Attal vient d’instrumentaliser les résultats des évaluations standardisées pour préciser un peu plus encore son projet pour le collège. Ces évaluations nationales n’apportent pourtant rien aux personnels pour mieux faire réussir leurs élèves dans la classe mais restent décidément un outil de communication pour les ministres successifs. J.-M Blanquer en avait fait un prétexte pour renforcer les savoirs fondamentaux dans le premier degré, en multipliant injonctions et prescriptions pour contraindre les pratiques professionnelles des professeur.es des écoles.
Depuis la suppression de la technologie en Sixième, c’est au tour du collège d’être confronté aux savoirs fondamentaux, cantonnés aux mathématiques et au français, au détriment de l’ensemble des disciplines qui structurent le collège. Cette évolution affirmée dès l’installation de la mission « exigence des savoirs », est depuis déclinée avec insistance, ici dans la consultation auprès des personnels avec des réponses à sélectionner très orientées, là dans les auditions menées par la mission auxquelles nous avons participé, qui toutes ont chuté sur la même question : « que pensez-vous des groupes de besoin ? ».
Alors même que les résultats des évaluations de Quatrième n’ont aucun élément de comparaison pour cette première année, le ministre les instrumentalise pourtant pour installer auprès de l’opinion publique son projet de collège modulaire. Cette méthode de communication est des plus contestables.
« Constituer des groupes de niveau en mathématiques et en français », c’est LA solution du ministre pour « relever le niveau ». Des « parcours renforcés » pour les élèves les plus fragiles seraient aussi envisagés quitte à soustraire les élèves à certains enseignements. Ces solutions suivent l’inclinaison qui défait méthodiquement un collège commun à tous les élèves.
Le SNES-FSU s’oppose à un collège réorganisé autour de parcours différents pour les élèves, avec des savoirs diversifiés réservés à certain.es quand d’autres resteraient enfermés dans des exercices répétitifs et automatisés leur signifiant brutalement que des limites seraient atteintes. C’est tourner le dos à une exigence de démocratisation des savoirs pour tous les élèves, une rupture avec un projet d’éducation nationale commun à toute une génération.
Réduire les effectifs par classe, financer des dédoublements dont le ministre souligne les bienfaits dans le premier degré, mettre des moyens dans l’éducation prioritaire, prendre des « mesures fortes » pour favoriser la mixité sociale et scolaire seraient nettement plus ambitieux et efficaces, -études à l’appui- pour tous nos élèves.
Le SNES-FSU dénonce la précipitation avec laquelle le ministre veut agir. Des orientations majeures dont les effets marqueraient durablement l’organisation du collège ne peuvent être prises en 8 semaines. Les mesures à décider pour faire réussir tous les élèves exigent du temps pour mener les débats, présenter les orientations, recueillir les avis des personnels et des familles. La mission « exigence des savoirs » n’en prend manifestement pas le chemin.
Cette volonté d’aller vite se retrouve sur la formation initiale alors que toutes les actrices et tous les acteurs de la formation pointent les risques de la précipitation sur ce dossier. Le SNES-FSU attend du ministère qu’il précise ses intentions sur la qualification réellement acquise à l’issue des deux années de formations et sur la prise en compte de voies d’accès diversifiées à nos métiers. Un haut niveau de qualification disciplinaire couplée à une formation professionnalisante à l’université doit rester un commun pour les personnels de l’enseignement afin d’asseoir leur autorité et préserver leur liberté professionnelle.
La professionnalité des enseignant.es est déjà éprouvée par des injonctions incessantes et un management vertical. Elle ne saurait être menacée davantage par des parcours de formation initiale, pilotée par l’employeur, où les inculcations de méthodes à privilégier et de prétendues bonnes pratiques prendraient le pas sur des démarches réflexives éclairées par la recherche. La « vocation » qui serait un préalable pour exercer nos métiers dispense surtout le ministère d’aborder les rémunérations dont l’effondrement justifie explicitement le désintérêt des étudiant.es à venir vers nos métiers.
Le lycée n’avait probablement pas été suffisamment désorganisé par les réformes Blanquer, le ministre veut maintenant imposer deux semaines de stage d’observation en entreprise à tous les élèves de Seconde dès juin prochain. Alors que nous avons souligné l’impossibilité pratique d’envoyer 550 000 élèves en entreprise en même temps, tout simplement faute de place, il sera donc possible d’échapper à cette obligation par un séjour à l’étranger ou par le séjour de cohésion du SNU. Toutes les conditions sont ainsi réunies pour creuser les inégalités sociales pourtant déjà si importantes. Les jeunes issu·es de familles socialement favorisées bénéficieront d’un réseau ou de moyens qui leur permettront de franchir l’obstacle sans problème.
Aux naufragé·es du système, il ne restera que le SNU, dont la version scolaire masquée par le label « classe et lycée engagés » participe d’une conception éducative qui relève davantage de la mise au pas, plutôt que de l’éducation.
Le samedi 4 novembre, l’association Parents Vigilants, créée par le parti Reconquête, a tenu un colloque au Sénat, à l’invitation de Stéphane Ravier, sénateur de ce parti. À cette occasion, les membres de cette association d’extrême droite ont fait état de leurs pratiques et ont rappelé leurs objectifs. Parents Vigilants opte pour des pratiques dangereuses pour nos collègues. Les cours ou activités prévues par des enseignant·es sont visées : sorties scolaires, contenus des cours, ateliers et conférences organisées dans les établissements. Les thématiques contestées sont toujours les mêmes : la lutte contre les LGBTIphobies, les droits des personnes migrantes, l’éducation à la vie sexuelle et affective.
La FSU, l’UNSA, la CGT, la CFDT et Sud se sont adressés ensemble au ministre pour lui faire part de leur plus vive inquiétude et attendent une réponse. Nous considérons que l’École, par son rôle émancipateur, est un rempart contre toutes les formes d’intolérance et de discriminations. L’école publique, laïque et émancipatrice, celle qui fait grandir les élèves et éveille les consciences, celle où la liberté pédagogique est au service de l’émancipation, doit être défendue et protégée.
Nous pensons particulièrement avec émotion à nos collègues Samuel Paty et Dominique Bernard, tués pour avoir exercé leur métier. Leur mémoire nous accompagne et doit rappeler à chacun.e la conscience professionnelle si particulière qui anime nos professions, indispensable pour faire face aux réalités des classes et des établissements.