Il est souvent utilisé pour contourner le caractère national du système éducatif. Sous couvert d’adaptation au local et d’expérimentations, les EPLE sont mis en concurrence et la liberté pédagogique des enseignants est malmenée.
Le SNES-FSU est favorable à ce que la construction du projet d’établissement soit un moment de réflexion entre collègues sur les problématiques afin de dégager un projet cohérent, respectueux de la liberté pédagogique des enseignants. La bataille doit se mener à toutes les étapes de l’élaboration du projet et bien entendu en CA, instance qui doit valider in fine les propositions des équipes pédagogiques.
POURQUOI ?
Le projet d’établissement est adopté par le conseil d’administration.
QUAND ?
Plutôt en fin d’année scolaire.
QU’EST-CE QUE LE PROJET D’ÉTABLISSEMENT ?
Il définit les modalités particulières d’application des programmes nationaux et des orientations académiques, il doit présenter un volet précisant « les voies et moyens mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cette fin ». Le projet « détermine également les modalités d’évaluation des résultats atteints ».
DE LA THÉORIE…
Un diagnostic partagé entre l’administration et les équipes pédagogiques doit être établi. C’est le moment de demander à connaître l’ensemble des indicateurs statistiques mis à disposition du chef, ainsi que la lettre de mission reçue de l’autorité académique :
• le projet d’établissement doit être adopté par le CA, obligatoirement précédé d’une commission permanente ;
• le conseil pédagogique élabore la partie pédagogique du projet d’établissement, le CA se prononce sur cette proposition ;
• la durée du projet est fixée entre trois et cinq ans.
… À LA PRATIQUE
On observe dans certains établissements que la phase du diagnostic partagé ne l’est souvent par le chef d’établissement qu’avec lui-même ; il décrète un projet avec une marge d’intervention ultra-réduite pour les équipes. En s’aidant du conseil pédagogique, dont ils nomment les membres et qu’ils président, certains chefs d’établissement n’hésitent pas à redéfinir les « bonnes » pratiques pédagogiques afin de pouvoir réaliser plus facilement les objectifs qui leur sont assignés par le rectorat. Le projet proposé est alors souvent une simple déclinaison du projet académique, élaboré lui-même de façon technocratique avec le minimum de concertation.
LES OUTILS DE LA DÉRÉGLEMENTATION…
La réforme Blanquer en lycées à l’instar de la réforme Vallaud-Belkacem du collège, est un catalyseur très puissant de déréglementation, avec une mise en concurrence exacerbée des établissements, des disciplines, des enseignements, des enseignants.
◗ Les expérimentations
La mal nommée « loi confiance » de 2019 modifie les conditions d’expérimentation. Un nouvel article du code de l’éducation (L314-2) en précise les contours.
Des expérimentations pédagogiques – approuvées au préalable par l’autorité académique – peuvent être mises en place pour une durée maximale de cinq ans, suite à l’approbation du CA puisqu’elles doivent être prévues dans le projet d’établissement après concertation des équipes.
Elles visent la plupart du temps à contourner au niveau local ce que la profession a refusé. Ainsi la loi Blanquer permet sous réserve de l’accord des enseignants concernés, de modifier « la périodicité des obligations réglementaires de service » (semestrialisations, annualisation du temps de travail).
Ces expérimentations peuvent aussi concerner l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la liaison entre les différents niveaux d’enseignement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, l’enseignement dans une langue vivante étrangère ou régionale, les échanges avec des établissements étrangers d’enseignement scolaire, l’utilisation des outils et ressources numériques, la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire, les procédures d’orientation des élèves et la participation des parents d’élèves à la vie de l’école ou de l’établissement.
Pour le SNES-FSU, les expérimentations ne peuvent se faire sans débat, sans projet des équipes, ni se trouver en contradiction avec les horaires nationaux des élèves ou avec la définition du service des personnels.
◗ La contractualisation
Le projet d’établissement peut prévoir le recours à des procédures contractuelles et donner lieu à des moyens spécifiques. C’est dans ce cadre qu’a été institué le contrat d’objectifs qui organise un pilotage par la performance et induit la concurrence entre établissements.
Le chef d’établissement, sous la pression du rectorat, peut tenter d’imposer une écriture du projet d’établissement calquée sur le contrat d’objectifs. Il faut s’y opposer en CA.
UN COLLÈGE PRIMARISÉ
Les craintes du SNES-FSU concernant la réforme du collège se confirment : l’usine à gaz des « conseils » peut servir à contester la liberté pédagogique des enseignants. Le conseil école-collège, instauré dans la loi de refondation de l’école « propose au conseil d’administration du collège et aux conseils des écoles des actions de coopération et d’échange ». Dans ce cadre, « le conseil école-collège peut notamment proposer que certains enseignements ou projets pédagogiques soient communs à des élèves du collège et des écoles ».
Après accord du conseil d’administration et des conseils des écoles, les enseignements ou projets communs sont mis en œuvre dans les collèges sous l’autorité du chef d’établissement et dans les écoles sous la responsabilité des directeurs d’école. Une usine à gaz pour mettre sous tutelle les pratiques pédagogiques alors que dans le même temps on exhorte les enseignants à l’autonomie, on laisse se faire de plus en plus au local des choix qui devraient relever d’un cadrage national.
LES TEXTES
Projet d’établissement R.421-3.
Projet d’établissement et expérimentations L.401-1, article L314-2.
Liberté pédagogique
Art. L.912-1-1 du code de l’éducation : « La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection. Le conseil pédagogique prévu à l’article L.421-5 ne peut porter atteinte à cette liberté ».
COMMENT AGIR ?
➜ Donner du temps à la concertation… On ne peut ni analyser la portée du précédent projet ni anticiper les besoins à venir pour l’établissement si nous ne disposons pas de temps de réflexion. Le projet d’établissement ne doit pas être un catalogue de mesures disparates et doit être élaboré avec l’ensemble des personnels et des membres de la communauté éducative concernés. Le chef d’établissement peut par exemple demander à banaliser une journée.
➜ Faire valoir les principes du SNES-FSU…. Respect des programmes et des orientations, respect des horaires et des formations, création des conditions d’une égalité des chances effective, respect de la gratuité, respect des statuts et garanties des personnels.
Le SNES-FSU rappelle qu’aucune forme d’évaluation (suppression des notes, compétences…) ni aucune pratique ne peut être imposée. Cela relève de la liberté pédagogique et ne peut aller à l’encontre des choix des enseignants, qu’ils soient individuels ou collectifs.
➜ Faire un bilan critique du projet précédent. Ne pas hésiter à remettre en question les indicateurs de réussite de l’établissement et la définition d’objectifs qui transforment le projet d’établissement en contrat d’objectifs. Les réussites du système éducatif ne se résument pas à des statistiques ou à des diagrammes.
Nous devons être porteurs de projets s’inscrivant dans le long terme et pas uniquement sur la durée du projet d’établissement. L’éducation, l’acquisition de connaissances et de qualifications mettent en jeu des paramètres nombreux qui n’obéissent pas à une logique de rentabilité, surtout immédiate, ni de marchandisation.
Les élus au CA, au moment de l’adoption du projet et à celui du vote du rapport sur le fonctionnement pédagogique et matériel de l’établissement, veilleront à faire respecter les principes mêmes du service public d’éducation.