Pap Ndiaye a annoncé le 9 décembre dernier, sur France info, qu’une réflexion serait menée en 2023 pour réviser la carte de l’enseignement prioritaire. C’était une attente forte car une révision était prévue en 2019. Il s’agissait alors d’adapter aux évolutions des publics scolaires la carte de refondation de l’éducation prioritaire de 2015 et peut-être de l’étendre si le gouvernement jugeait que la politique de refondation (création de deux labels REP et REP+, pondération des heures d’enseignement notamment pour donner du temps de concertation, rédaction d’un référentiel de l’éducation prioritaire pédagogique parfois dévoyé par des chefs d’établissement) portait ses fruits. L’arrivée de Jean-Michel Blanquer au ministère et sa volonté de réforme avaient balayé ces résolutions.
Le rapport Azéma-Mathiot de 2018 indiquait que le public des REP + était stable mais que celui d’un certain nombre de REP avait changé, ce qui nécessitait une réflexion. La préconisation d’alors était d’aller vers une réforme systémique, en délabellisant les REP et en diluant l’éducation prioritaire dans des politiques territoriales académiques avec allocation progressive de moyens. Depuis, la crise sanitaire et économique n’a cessé de creuser les inégalités sociales dans le pays, multipliant le nombre d’établissements qui pourraient relever des critères sociaux de l’éducation prioritaire. En attendant, un statu quo s’est installé quant au label REP , mais parallèlement ont été créés de nouveaux labels plus ou moins concurrents, qui imposent une contractualisation des moyens comme les CLA (Contrats Locaux d’Accompagnement) ou qui accélèrent l’entrisme des collectivités territoriales et du monde associatif dans les établissements (cités éducatives et TER – Territoires Éducatifs Ruraux –).
En septembre 2022, le ministre regrettait ce « mille feuilles » de labels pourtant mis en place dans le gouvernement de sa majorité pendant le quinquennat précédent. Le SNES-FSU s’accorde avec cette analyse et demande la suppression des CLA et TER qui ne font d’ailleurs pas partie stricto sensu de l’éducation prioritaire, ainsi que des cités éducatives.
Quelle forme prendra cette révision ?
Si la révision de la carte est programmée avec le maintien des labels REP et REP+, le SNES-FSU sera force de proposition en rappelant ses mandats : l’éducation prioritaire doit demeurer une politique nationale fondée sur des critères nationaux, transparents et concertés. Suite à la crise, il est nécessaire d’élargir la carte de façon ambitieuse pour y intégrer les collèges des DROM et certains lycées précédemment labellisés ainsi que les collèges dont les indicateurs relèvent du classement.
La politique d’éducation prioritaire ne peut pas se limiter à sa seule carte, elle doit aussi être accompagnée de moyens d’enseignement suffisants pour permettre la réussite de tous et toutes les élèves. Les dotations horaires globales des collèges REP et REP+ ne cessent de fondre d’année en année, au fil des suppressions de postes. Et à la rentrée 2023, ce seront encore 498 postes qui seront supprimés dans le second degré.
Sur le terrain, de plus en plus d’équipes se mobilisent après la publication des IPS de toutes les écoles et collèges. Elles comparent l’IPS de leur établissement bien inférieur à d’autres qui sont labellisés REP ou REP+ et revendiquent leur appartenance à l’éducation prioritaire. Pour elles, l’attente sera longue jusqu’à la rentrée 2024 ! Le ministre annonce aussi que la révision se ferait dans les deux sens. Certains collèges seront donc délabellisés. Pour le SNES-FSU, il ne faut pas réitérer une labellisation à nombre de réseaux constant comme en 2015 mais tenir vraiment compte des besoins réels des établissements. Quant à ceux qui devront sortir de la carte, il faudra qu’ils bénéficient d’une période transitoire pour les accompagner.
Quels seront les critères retenus par le ministère ? Certes, l’IPS est un nouvel indicateur, plus performant – sans être parfait- que les PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) mais celles-ci n’étaient pas l’unique critère choisi en 2015. Le taux d’élèves en retard à l’entrée en Sixième éclairait souvent la présence d’élèves d’UPE2A et le taux de boursiers étaient aussi pris en compte ainsi que la localisation de l’établissement dans un quartier politique de la ville.
Cette publication des IPS a aussi mis en évidence comment les établissements privés sous contrat mettent à mal la mixité sociale dans les établissements publics en recrutant une proportion toujours plus grande d’élèves de milieu favorisé. Le fait que le privé sous contrat soit éligible à des fonds publics alloués via les CLA et le FIP (Fond d’innovation pédagogique) n’en est que plus choquant.