« Pour une école commune, du cours préparatoire à la Troisième : un pas supplémentaire
vers la démocratisation », la note du groupe de réflexion Terra Nova, écrite notamment
par l’UNSA et rendue publique début mars, est tout à la fois un recyclage du projet
d’école fondamentale des années 70 et une charge contre le SNES-FSU.

Terra Nova est un groupe de réflexion proche du Parti socialiste, financé à 80 % par le mécénat d’entreprise (Areva,
GDF-Suez, Microsoft…), dont François Chérèque est le président. Il est connu pour sa production de notes sociallibérales.

Dénonçant le coût « social et économique » de l’échec scolaire pour la Nation, qui s’élèverait selon eux à un minimum
de 24 milliards d’euros par an, la note en impute la responsabilité principale au « traumatisme » du passage au collège
et à sa structuration disciplinaire, renforcé par le déficit pédagogique des enseignants du second degré qui ne s’occuperaient
pas de ce que leurs élèves apprennent.
Pour y remédier, Terra Nova propose notamment de :
• supprimer les décharges de service des stagiaires, considérées comme « inefficaces pour le système éducatif » ;
• confier écoles et collèges à une même collectivité territoriale (commune ou conseil général) ;
• permettre une déclinaison locale des contenus d’enseignement en « élaborant des “plans d’études” pour les élèves » ;
• fusionner les corps de professeurs des écoles et de certifiés pour « l’utilisation de toutes les compétences sur
l’ensemble école-collège ».

L’AVIS DU SNES-FSU

L’« école du socle », si chère à toute la droite
mais largement contestée par la profession et
que la loi de refondation n’a pas validée, est
rebaptisée ici « école commune ». Mais les principes
restent les mêmes, aux attendus toujours
pas justifiés : le premier degré manque de
moyens, le second degré manque de pédagogie,
constat méprisant pour les enseignants du
second degré qui s’investissent au quotidien
dans leurs classes, avec la volonté de faire réussir
tous les élèves.

Vieilles recettes (dont l’unification des corps
d’enseignants), vieille méthode (opposer premier
et second degré), vieux arguments (en
particulier les disciplines scolaires vues comme
un obstacle à la pensée, à la vision globale du
monde, à la créativité), mais propositions totalement
dans les recommandations européennes
et présidentielles de la rigueur (il n’est
pas nécessaire de créer des postes dans le
second degré).

Le rapport occulte deux points cruciaux. Le premier
est l’existence de l’échec scolaire dans le
premier degré que certes le collège n’arrive
souvent pas à résorber, mais qu’une fusion
entre les deux degrés ne permettrait pas de
résoudre. La recherche montre que la difficulté scolaire a des origines précoces et multiples ; il
est illusoire d’imaginer la solution dans l’imposition
de « bonnes pratiques » ou la fusion des
corps enseignants. Développer la formation
initiale et continue des enseignants, qui doivent
pouvoir analyser les blocages didactiques,
cognitifs et sociaux que rencontrent leurs élèves,
leur offrir les conditions matérielles pour le travail
en équipe, la réflexion pédagogique sur
les contenus et leurs pratiques, favoriser la
recherche de la cohérence des programmes
scolaires pour en rendre leur sens plus accessible
à tous et pour « faire culture » : autant de
pistes ignorées par le rapport, qui privilégie
l’aspect structurel et le pilotage institutionnel.
Le deuxième, c’est une scolarité obligatoire
réduite à un bloc école-collège structuré par un
socle utilitariste et installant un tri entre les
élèves qui auront vocation à poursuivre dans le
bloc bac –3/bac +3 et les autres. Avec la FSU, le
SNES défend la prolongation de la scolarité
obligatoire jusqu’au baccalauréat pour tous
les jeunes d’une génération, réponse à la
demande sociale, mais aussi nécessité humaniste
et économique.

Il est ainsi difficile de trouver le positionnement
de Terra Nova « progressiste ». Au lieu de
désigner le collège et les professeurs qui y
enseignent coupables de tous les maux du
système éducatif et de raviver une querelle
récurrente que les débats de la refondation
ont essayé de dépasser, il serait plus pertinent
de travailler aux articulations CM2/Sixième et
Troisième/Seconde dans le respect du développement
des élèves et des différentes cultures
professionnelles. L’enjeu est bien de permettre
aux personnels de dialoguer plutôt
que de disqualifier certains avec des arguments
d’autorité totalement en contradiction
avec la volonté affichée depuis deux ans d’un
dialogue social, et avec l’affirmation ministérielle
que l’on ne refondera pas l’École contre
ses personnels.

Roland Hubert, Valérie Sipahimalani


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