Mémorisation, automatismes, répétition sont les maitres mots de la pédagogie promue par le programme proposé par le CSP. La littérature n’a pas complètement disparu du programme de français mais elle devient un outil au service de l’acquisition de l’orthographe et de la conjugaison. Il n’est plus question d’interpréter les œuvres littéraires mais de se les « approprier », cela en vue de « permettre l’observation, l’imitation et le réinvestissement dans l’écriture ». D’ailleurs ce n’est pas la littérature qui préoccupe les rédacteurs de ce programme puisqu’ils n’ont touché à rien dans la partie « culture littéraire et artistique ». Si les liens continuent à être faits entre lecture, écriture et langue, c’est quasi exclusivement au profit de la maitrise de l’orthographe et de la « grammaire ». Bien écrire, cela signifie, dans ce nouveau programme, avoir une bonne orthographe, une bonne syntaxe, une bonne ponctuation mais peu importe ce qui est écrit. Exit la créativité, la pertinence du raisonnement, la sensibilité. L’étude des textes littéraires se fait sans référence aux notions d’auteur et de lecteur, l’analyse des effets littéraires est peu présente, l’interprétation est souvent remplacée par « l’appropriation » des textes. Même l’étude de la langue perd en pertinence. Il ne s’agit plus d’amener l’élève à comprendre son fonctionnement pour apprendre à mieux l’utiliser ; il suffit de mémoriser des formes, d’identifier des catégories grammaticales, de lister des « natures » et des « fonctions ». Ce programme-là, on le connait bien, il n’est pas nouveau ! Il suffit de demander à un élève de terminale (qui a « appris » tout cela, avec force exercices au cours de sa scolarité) la différence entre COD et COI ou de relever les adverbes dans un texte pour déchanter et constater que tout a été oublié ! C’est un retour à la logique du socle de 2005 : l’enseignement du français n’est plus l’apanage du professeur de Lettres mais redevient l’affaire de tout le monde car il s’agit de contrôler les usages, de mémoriser du vocabulaire, pas de comprendre, d’interpréter, d’inventer. C’est un retour à 2005, parce qu’on revient à la « maitrise de la langue » et non à son étude et sa compréhension. Ce programme, qui frappe par son austérité et sa rudesse, est surtout construit au mépris de la progressivité des apprentissages, avec un programme de « grammaire » en cycle 3 très chargé. On ne trouve plus aucun repère de progression à l’intérieur des cycles, si bien qu’on ne sait pas ce qui doit être enseigné en CM1 ou en 6ème ; en 5ème ou en 3ème. Cela laisse libre court à toutes les inégalités. Mais n’est-ce pas le but recherché ? Voici donc un programme décevant, archaïque, rétrograde, qui fait fi des acquis de la recherche en linguistique, en didactique et, plus grave encore, qui suppose que les jeunes ne seraient pas capables de comprendre ni de créer mais seulement de répéter, mémoriser et copier ! Ce n’est pas notre conception de l’école, qui doit chercher à émanciper les jeunes en pariant sur leur intelligence et leur envie d’apprendre. Les médias retiendront, sans doute, la suppression du prédicat et des accents circonflexes, l’ajout des COD, COI et autres « vous chantâtes », sans voir peut-être que ce ne sont que des détails dans ce nouveau programme. A moins qu’il s’agisse d’autant de preuves de son caractère passéiste, authentiquement réactionnaire. Gageons que les enseignants de lettres, dans leur majorité, ne se laisseront pas prendre à ce mythe du « c’était mieux avant » auquel on voudrait nous faire croire. Ce programme ennuyeux, sans enjeu, mettra les enseignants de lettres en difficulté car, sans vrai enjeu cognitif, les élèves décrochent et se désintéressent du cours. Documents de travail qui seront examinés en commission spécialisée : Projet de programme de français cycle 3 : a_modif_progs_cycle_3-francais.pdf Projet de programme de français cycle 4 : a_modif_progs_cycle_4-francais.pdf

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