Le 7 décembre dernier, le SNES-FSU a organisé, à Paris, une rencontre du groupe élargi LVER (collègues en responsabilité des langues ou suivant ce dossier de près dans leur académie). Elle s’est déroulée en deux temps : état des lieux puis débat sur la place de l’oral dans l’enseignement-apprentissage des LVER.
La situation de l’enseignement des LVER par académie
La politique du MEN, en particulier depuis la réforme du bac, conduit à un renforcement et à une focalisation quasi exclusive sur l’anglais, au détriment de la diversité linguistique offerte jusqu’alors.
Les langues dites à faible diffusion, étrangères ou régionales, sont de moins en moins enseignées en raison de la dévalorisation de la LVC au bac et de la politique généralisée du “tout anglais” au collège et au lycée. Ne rapportant plus de points dans le nouveau bac, les effectifs diminuent et les sections ferment. Les collègues en souffrent car ils se voient contraint·es à des services éclatés sur plusieurs établissements, ou bien en sous-service. Leurs postes sont menacés, certains sont déjà en reconversion. La souffrance au travail domine pour ces collègues surmené·es et dévalorisé·es dans leurs compétences. On relève des cas de burn-out. Ainsi, entre autres exemples, des sections d’italien dans l’académie de Besançon, de turc et de portugais dans l’académie de Strasbourg, d’occitan dans les académies de Montpellier et Toulouse ont fermé ou sont dans une situation très inquiétante.
L’allemand est aussi en mauvaise posture, y compris dans les zones transfrontalières, comme à Strasbourg. Jusque-là soutenu par les classes bilangues, l’allemand souffre de la réforme du collège qui a dans les faits cassé cette possibilité d’enseignement. Au lycée on constate une seule ouverture d’EDS allemand dans l’académie de Besançon.
L’espagnol et l’anglais souffrent d’effectifs pléthoriques rendant les conditions d’enseignement extrêmement difficiles, il est même clairement impossible de tenir les objectifs.
L’anglais se porte-t-il mieux que toutes ces langues menacées ? Pas vraiment car, outre les effectifs surchargés, son enseignement se retrouve réduit à une vision marchande de l’apprentissage, l’aspect culturel et artistique étant considérablement réduit. Ainsi la création de la Spécialité “anglais monde contemporain”, faussement réputée plus facile que la LLCE anglais, attire bon nombre d’élèves vers une pratique de la langue purement mercantile.
D’autre part, on constate que les CALV et CALR auxquels assistent les collègues ne servent aux autorités rectorales qu’à s’auto-satisfaire, n’écoutant pas les remontées de terrains ni les difficultés rencontrées. Ces comités n’étant pas régulièrement tenus, la carte des langues n’est pas correctement organisée. C’est le cas notamment sur l’académie de Reims où règne une grande incohérence dans la création des Spécialités de langues.
Par ailleurs, les collègues constatent la concurrence des établissements privés pour les langues telles que le turc et certaines langues régionales, faute d’une proposition d’enseignement dans le public, ou en raison des fermetures de sections.
A Marseille et Lille on a vu s’ouvrir des écoles internationales publiques élitistes, dont le statut particulier est assez confus, destinées à accueillir les enfants de cadres venus travailler à des projets industriels ambitieux. Une sorte d’école publique sur mesure destinée à attirer un public privilégié. Or, il semble que ces écoles ne reposent sur aucun vivier. Elles sont financées par l’argent public, et le statut des enseignant·es est dérèglementé. Ils sont souvent non titulaires et se retrouvent maintenant dans une situation difficile en raison de la multiplication des tâches qui leur sont imposées. On s’inquiète de cette expérimentation qui pourraient se généraliser.
Réflexion sur l’oral en langues
L’oral prend sa place dans la recherche et l’enseignement-apprentissage des LVER assez tardivement. Il faut globalement attendre les années 70 avec les méthodes audio-visuelles qui apportent des supports technologiques. La méthode communicative oriente l’oral vers les actes de parole et la perspective actionnelle, vers la réalisation de tâches sociales
Peu de chercheur·es travaillent sur la place de l’oral. Sylvie Plane est une des rares et explique que l’oral (qui est à la fois objet et outil d’enseignement) a différentes dimensions : affective et sociale, interactionnelle, cognitivo-langagière. De son côté, Francine Cicurel rappelle que l’échange oral entre enseignant·es et élèves est asymétrique. On parle aussi de documents ou de situations authentiques mais la situation de classe est, par définition, “fausse”.
Pour les enseignant·es, l’oral est un défi : de temps, de stratégies, de mise en œuvre, d’autant que l’oral est éphémère et qu’il revêt des enjeux identitaires : pour les adolescent·es, l’oral engage l’image de soi.
Résultat, il est souvent évalué à travers des tests (cf. Evalang en anglais en 3°).
Pourtant, l’oral est incontournable et il doit être enseigné pour réduire les inégalités scolaires ou sociales. Mais il est parfois difficile de distinguer ce qui relève de l’oral ou de l’éloquence (cf. Grand Oral ou les concours d’éloquence). Car l’oral pose la question de comment on articule les savoirs scolaires et les savoirs sociaux (cf. B. Maurer).
L’outil numérique vient chambouler nos pratiques et la place accordée à l’oral (cf. travaux de Nicolas Guichon).
Dans les programmes mais aussi dans les pratiques, force est de constater que la phonétique et la phonologie sont souvent le parent pauvre des LVER, y compris dans les grilles d’évaluation, comme au Bac.
L’oral questionne donc plusieurs choses : la démocratisation scolaire, la formation des enseignant·es, l’espace-temps pour le préparer, le rapport aux connaissances linguistiques.
Cet article sera prochainement enrichi de témoignages du terrain.