Ce drame intervenu peu avant la rentrée avait ému l’ensemble de la communauté éducative. Ce geste désespéré a été reconnu comme une conséquence de sa situation professionnelle, comme celle vécue par la majorité des enseignants de STI.
Le 1er septembre 2013, veille de rentrée, Pierre Jacque, enseignant d’électronique au lycée Artaud de Marseille se donnait la mort, chez lui dans l’atelier dans lequel il préparait habituellement ses cours. Dans une longue lettre à sa famille et à ses collègues, il avait décrit toutes les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas faire cette rentrée : les conditions de son métier, les rapports hiérarchiques, la mise en œuvre des réformes, celle de STI2D particulièrement, les finalités de sa mission d’enseignant… « le métier ne lui était plus acceptable en conscience ». Pierre Jacque ne rencontrait pas de difficulté de gestion de classe, il était reconnu par ses pairs. Il n’était pas dépressif, sa dernière lettre montre au contraire une cruelle lucidité.
FORCE ET ENGAGEMENT
Pour sa famille, pour ses collègues, les causes de son suicide étaient manifestement d’ordre professionnel. Mais pas pour l’administration, ni pour les inspecteurs, qui expliquaient que l’acte n’avait pas eu lieu dans le lycée, que Pierre Jacque ne présentait aucun signe particulier de souffrance au travail et que tout avait été fait pour accompagner et aider les enseignants dans la mise en œuvre de la réforme. L’Institution a semblé minimiser la portée de cet acte, jusqu’à l’inspection générale de STI volant au secours des quatre inspecteurs de STI de l’académie d’Aix-Marseille, prétendument déstabilisés par l’enquête du CHSCTA, tout en oubliant de saluer la mémoire de notre collègue et de s’incliner devant la souffrance de la famille.
Une année scolaire durant, il a fallu la force de sa famille et l’engagement des militants du SNES-FSU Aix-Marseille, les interventions du SNES au Comité technique ministériel et de la FSU au CHSCTM, pour que, finalement, le rectorat se conforme aux conclusions du CHSCTA et à l’avis de la commission de réforme : ce suicide est « imputable au service ».
C’est une décision d’importance pour la reconnaissance de l’existence de risques psychosociaux pour nos professions.
ENSEIGNANTS EN SOUFFRANCE
Mais ce dossier n’est pas clos. De trop nombreux collègues de STI sont dans des difficultés insurmontables pour effectuer correctement leur mission. Ils sont toujours trop nombreux à subir des inspections dont le but est de mettre sous pression les collègues qui émettent des critiques sur la réforme et sa mise en œuvre. Trop souvent les inspecteurs écrivent que ces enseignants, pourtant chevronnés, ne sont pas suffisamment compétents pour enseigner en STI2D. Pourtant, les collègues de STI savent maintenant que l’administration reconnaît que les conditions d’exercice de leur métier peuvent conduire au suicide. Comment l’Institution pourrait-elle plus longtemps repousser les transformations indispensables ?
Le SNES-FSU, qui a combattu cette réforme, restera à l’écoute des enseignants et continuera à défendre des évolutions leur permettant de croire de nouveau en leur mission et aux élèves de réussir dans des séries technologiques industrielles porteuses de sens.
Thierry Reygades
Voir sur le site du SNES : www.snes.edu/Le-Rectorat-d-Aix-Marseille.html