Deux jours durant, le programme a été chargé pour réfléchir collectivement à la politique d’éducation prioritaire dans le contexte du gel de la carte par le Ministère et de la commande de Jean-Michel Blanquer à Pierre Mathiot (auteur du rapport sur le bac) et Ariane Azéma d’un rapport sur les politiques dédiées à l’éducation prioritaire, ainsi qu’au monde rural dans toute sa diversité. Avec la suppression de plus de 2 650 postes dans le second degré, l’éducation prioritaire est un levier d’économie. La Cour des comptes ou encore France stratégie plaident pour un resserrement de la carte et un nouveau maillage des établissements en privilégiant les collèges de plus de 500 élèves, permettant une économie d’échelle et la suppression de postes d’enseignants, CPE et administratifs.

Mercredi 7 novembre

Les déclarations de Jean-Michel Blanquer vont dans le sens d’une allocation progressive des moyens pour les établissements, discours qui irriguent les dossiers de presse de rentrée et les politiques académiques de répartition des moyens entre les collèges. Cette allocation progressive des moyens est déjà en œuvre dans le premier degré au niveau du ministère ; les moyens sont attribués pour le premier degré en fonction de la typologie des territoires (urbain, semi-urbain, rural…) et des revenus des populations. S’il est trop tôt pour mesurer les effets de ces nouveaux critères pour le premier degré, les préconisations sont fortes pour que ces critères pilotent dans les départements la carte scolaire et donc les ouvertures et fermetures de classes. Dans le second degré, des critères analogues servent pour justifier la répartition des moyens entre les collèges, sans que les indicateurs soient transparents, publics et partagés. Une majorité d’IA-DASEN répartissent les moyens entre les établissements sur la base des 29h par division, augmentant la dotation en fonction de la situation géographique et sociale du collège. Le tout se faisant avec une enveloppe constante (ou en baisse), les collèges de l’éducation prioritaire connaissent souvent une baisse de leurs moyens du fait de la redistribution.

Ces annonces de Jean-Michel Blanquer s’inscrivent dans le paradigme actuel dominant des années 2000, que Marc Bablet (ancien responsable de l’éducation prioritaire à la Direction de l’enseignement scolaire au ministère) a exposé : une éducation prioritaire qui se recentre sur l’individu et qui privilégie les dispositifs du type PPRE, internat d’excellence et des « bonnes pratiques » de diversification pédagogique qui renvoient les élèves à leur catégorie sociale d’appartenance. Marc Bablet a rappelé la mise en œuvre de la réforme des REP et REP+, télescopée par la réforme du collège qui a empêché que la formation des personnels et le pilotage de l’éducation prioritaire, points essentiels de la réforme, soient positifs. Patrick Picard, ancien directeur du centre Alain Savary de l’IFE, a insisté sur les difficultés de faire vivre de véritables collectifs de travail du fait d’une dérive du pilotage, particulièrement en REP+ avec une dénaturation de la pondération dans de nombreux établissements.
Les discussions entre les intervenants et les participants au stage ont fait émerger plusieurs problématiques autour du périmètre de la carte de l’éducation prioritaire, du pilotage et de la place des personnels enseignants et d’éducation dans les réseaux de l’éducation prioritaire : une carte contrainte par un nombre prédéfini de REP vs. des indicateurs partagés et transparents conduisant au classement des établissements ; une éducation prioritaire jusqu’au collège vs. le classement des lycées en éducation prioritaire ; un pilotage vertical vs. les demandes et le travail des personnels dans les établissements.

Jeudi 8 novembre

L’intervention de Julien Netter, chercheur au centre Escol de l’Université Paris VIII auteur de Culture et inégalité scolaire, a mis en lumière le « curriculum invisible » nécessaire aux élèves pour réussir en classe. Le levier essentiel étant la formation initiale et continue, il est extrêmement difficile pour ses élèves de réussir, les dispositifs d’aide du type Devoirs faits, le recours au travail à la maison, n’étant d’aucun secours et pouvant même aggravé les difficultés. Les injonctions de différencier sont contre-productives. Au contraire, la réflexion pédagogique doit porter sur la compréhension de la nature des obstacles à l’apprentissage avec un nécessaire travail sur l’écart entre l’usage du langage dans le domaine scolaire et dans la sphère familiale. La mise en place de véritable collectif du travail, à l’instar du travail engagé par le SNES-FSU, est une possibilité pour que les collègues se saisissent de ces problématiques. Il est nécessaire que les collègues reprennent la main sur leur métier.

Le dernier point abordé a concerné les expériences de mixité scolaires dans plusieurs académies, à la suite du stage syndical de novembre 2017 : Paris, Toulouse, Montpellier, Rennes… Les interventions des collègues montrent que ces expériences peuvent également cachés des fermetures d’établissement ou une fuite vers les établissements privés. Les interventions syndicales dans le suivi de ces expérimentations et les analyses des militants du SNES et de la FSU sont indispensables pour que ces expérimentations ne se fassent pas au détriment du service public d’éducation et de la réussite des élèves.

En conclusion de ce stage, plusieurs pistes de travail ont été lancées :
– une réflexion sur l’allocation des moyens ;
– un travail sur le pilotage de l’éducation prioritaire ;
– la nécessité de faire un bilan syndical de la mise en œuvre des REP et REP+ en s’appuyant, non pas sur les pilotes des réseaux (chef d’établissement, IEN), mais bien sur tous les personnels afin de porter la voix des personnels dans le chantier en cours de la refonte de l’éducation prioritaire annoncée.


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