Depuis plusieurs élections, les partis d’extrême droite déroulent leurs programmes pour l’Ecole : un empilement de mesures d’une grande cohérence qui montre que l‘extrême droite est un réel danger pour l’École, les personnels et les élèves.
Quelques jours avant le premier tour d’élections législatives aux allures de roulette russe après la décision irresponsable d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, Jordan Bardella (RN) a dévoilé les détails du programme du Rassemblement national pour l’École. Derrière le prétendu “big bang pour l’autorité”, il s’agit bien d’un ensemble de mesures qui va plus loin que le “Choc des savoirs”. Jordan Bardella a annoncé un projet de l’assignation scolaire et sociale dès le plus jeune âge qui acte la fin du projet émancipateur de l’École de la République. C’est l’École du renoncement à faire société ! Inacceptable et dangereux pour l’École mais aussi la démocratie.
L’École manque de professeurs….oh regardez, un uniforme !
Le président du Rassemblement national a commencé son propos en déroulant des mesures qui, selon lui, forme une sorte de “big bang pour l’autorité”. Au menu : vouvoiement des professeurs par leurs élèves, interdiction des téléphones portables au collège et au lycée, poursuite de la généralisation de l’uniforme. La tactique politicienne est repérable des kilomètres à la ronde : une surenchère verbale puisque l’expression de “choc d’autorité” a été préemptée par Gabriel Attal et des mesures qui, sur le fond, révèlent une vision hors sol des enjeux centraux de l’École aujourd’hui. Encore une fois, cette année, il n’y avait pas un professeur devant chaque classe à la rentrée, il n’y avait pas suffisamment des professeurs pour assurer les remplacements, les vies scolaires sont sous pression et quelles sont les lubies du Rassemblement national ? Que tous les élèves portent un t-shirt identique ! Cette obsession de l’uniform(ité) est le juste reflet de l’idéologie du RN : la haine de la différence. On rappellera aussi que le coût de la généralisation de l’uniforme est de près de 2 milliards d’euros. Un gadget coûteux à l’heure où l’Ecole publique manque de tout…
Démocratisation : le grand bond en arrière
Mais passé les premières mesures visant à exalter une Ecole du passé mythifiée, les annonces de Jordan Bardella confirme que le projet du RN est bien celui d’une Ecole du tri social qui revient sur 50 ans de politiques de démocratisation scolaire.
Ainsi, le RN a annoncé sa volonté de revenir sur le collège unique au profit d’un collège modulaire au sein duquel les élèves pourraient être orientés vers la voie professionnelle dès le collège. Roger Chudeau, député RN qui suit les questions éducation, a confirmé la volonté d’un parti d’extrême droite de créer un examen d’entrée en 6eme, tandis que le brevet ferait office d’examen d’entrée au lycée. Dès le plus jeune âge, les élèves seront donc triés, les assignant à une place à la fois scolaire et sociale dont il sera très difficile de sortir. Il faut bien mesurer la violence scolaire et sociale pour des élèves de 11 à 12 ans qui voient ainsi leurs horizons bouchés et leurs trajectoires scolaires et sociales enfermées dans ce qu’ils sont à cet âge. C’est aussi un renoncement à faire grandir les élèves ensemble et donc à faire société ensemble : une fracture de plus dans une démocratie qui traverse déjà une crise importante. Un pays où la jeunesse se trouve assignée à ses positions scolaires et sociales court un grave danger démocratique. C’est un pays où le désespoir et les rancœurs s’accumulent face à l’absence de perspectives d’avenir et aux promesses non tenues de notre modèle social, fracturant toujours davantage notre société.
Sans surprise, le RN se fait le chantre de la maîtrise des savoirs fondamentaux : recentrage sur “les sciences, le français et l’histoire” et dans cette perspective, “une carte de France et une frise chronologique retraçant le récit national, de Clovis ou de Vercingétorix à nos jours sera obligatoirement affichées dans les classes” selon Roger Chudeau. On voit revenir le vieux fantasme de l’extrême droite : des programmes à la main du politique, ici l’histoire, qui permet d’exalter un roman national fait de grandes figures bien souvent masculines. C’est la visée émancipatrice de l’École par les savoirs qui est ici remise en cause frontalement.
Enfermement des élèves dit “perturbateurs”
L’École du RN, c’est aussi l’École de l’ordre et de la mise au pas des élèves. Le parti d’extrême droite entend instaurer “des sanctions planchers” et ouvrir “des centres spécialisés pour les élèves perturbateurs ou harceleurs”. Quelques jours avant la conférence de presse de Jordan Bardella, Roger Chudeau avait déjà donné quelques précisions : après deux exclusions, un conseil de discipline présidé par le recteur pourrait affecter dans ces centres spécialisés, dans lesquels ils feraient toute leur scolarité jusqu’à 16 ans, sans possibilité de retour vers “un établissement normal”. Ils se verraient proposer “des perspectives d’insertion professionnelle le plus tôt possible” et “seraient orientés vers des centres éducatifs fermés sur décision de justice” en cas de nouvelle perturbation.
On retrouve l’obsession de l’ordre chère à l’extrême droite : la dimension éducative est complètement gommé du projet du RN et laisse place à une une vision de la jeunesse et de l’éducation extrêmement simpliste, normative, stigmatisante et très inquiétante. La jeunesse est vue comme une classe dangereuse qu’il faut mettre au pas sans aucune possibilité de deuxième chance. On est bien loin d’un projet éducatif et émancipateur.
Resserrement de la carte de l’Éducation prioritaire
Roger Chudeau indique que “la carte de l’éducation prioritaire sera sérieusement resserrée et limitée aux seuls REP+”. Le label REP a donc vocation à disparaitre, réduisant de fait le périmètre de l’Éducation prioritaire alors même que les inégalités économiques, sociales et scolaires s’enracinent et nécessitent une carte élargie de l’Éducation prioritaire, intégrant les lycées. Le programme du RN annonce non seulement un resserrement de l’Éducation prioritaire sur les REP+ mais aussi une dérégulation qui préfigure d’une forme d’institutionnalisation d’une École à deux vitesses : les établissements situés en REP+ pourront adapter les programmes, augmenter les horaires des disciplines dites fondamentales. École des riches d’un côté, école des pauvres de l’autre !
Travailler plus sans gagner plus
Le RN annonce l’abrogation du Pacte mais Roger Chudeau précise qu’il s’agira aussi d’introduire le remplacement de courte durée dans les obligations de service des enseignants ! Une charge de travail supplémentaire et, sans surprise, le RN se fait beaucoup moins bavard sur les questions salariales. En 2022, le programme du RN promettait une revalorisation de 3% par an. Le député du RN se borne désormais à dire que cette augmentation sera actualisée et qu’elle ne concernera que les 5 à 7 premiers années d’ancienneté. Définitivement, le programme du RN n’est pas celui des personnels !
Une urgence : battre l’extrême droite !
Les annonces de Jordan Bardella et Roger Chudeau confirment que l’extrême droite ne tolère pas l’idée d’une école publique, laïque et émancipatrice, celle qui fait grandir les élèves et éveille les consciences, celle où la liberté pédagogique est au service de l’émancipation. Le RN a une vision réactionnaire et antirépublicaine de l’Ecole. À rebours de ce que porte l’extrême droite pour l’Ecole, le SNES-FSU est attaché au projet scolaire de l’École publique, laïque, gratuite et obligatoire : accueillir partout tous les élèves sans distinction d’aucune sorte, être ambitieux pour chacun, respecter et participer à une véritable liberté de conscience notamment par la construction de l’esprit critique autour de savoirs scientifiquement validés.
L’École est aujourd’hui à un point de bascule et va mettre des années à se remettre des politiques menées notamment depuis 2017, mais si l’extrême droite arrive au pouvoir, l’Ecole publique ne s’en remettra pas.
La SNES-FSU s’inscrit de longue date dans le combat contre l’extrême droite. Le RN a un programme de division, de discriminations, émaillé de mesures anti-sociales qu’aucun discours ne saurait masquer: les expériences étrangères le montrent, quand l’extrême droite prend le pouvoir par les urnes, elle ne le rend pas de manière démocratique. L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir serait aussi synonyme de danger, de discrimination, de violences physiques contre les immigrés, les femmes, les personnes LGBTI car l’extrême droite hait la différence. Dans ce moment décisif et historique, soyons au rendez-vous pour battre l’extrême droite !
Dans ce moment grave et historique, le SNES-FSU prend ses responsabilités. Il appelle à battre l’extrême droite et à assurer dans les urnes la défaite des idées d’extrême droite et des candidat·es qui les soutiennent (appel du SNES-FSU pour le 2d tour). Comme au premier tour, le SNES-FSU soutient le programme du Nouveau Front populaire et les candidat·es qui le portent. Les partis politiques doivent faire le choix du retrait de toutes les candidatures qui seraient les moins bien placées pour battre l’extrême droite et ses alliés ou qui favoriseraient son accès au pouvoir. L’Histoire regarde et jugera celles et ceux qui auront été le marchepied de l’extrême droite vers le pouvoir. Dans cette période troublée qui est aussi celle de tous les dangers, notamment pour le monde du travail et les services publics, notre syndicalisme sera un lieu d’action, de résistance, toujours aux côtés des collègues face à ce que pourrait être une prise de pouvoir de l’extrême droite.
L’histoire sociale nous montre que le progrès social n’a été conquis que par les luttes. Quelle que soit la situation politique du pays le 8 juillet au matin, le SNES-FSU poursuivra les mobilisations pour faire avancer ses exigences propres pour l’Ecole et la Fonction publique.