En quelques années, pas moins de 5 référents ont été créés, (pour le décrochage, le harcèlement, la santé mentale, l’égalité filles-garçons, la découverte des métiers) sans compter les référents locaux désignés par les établissements (ex : référent parcours avenir).
Ces référents, qui sont principalement des enseignants et des CPE, recevront des lettres de mission et des indemnités pour élargir leurs missions statutaires sur d’autres champs.
Or, ces nouvelles fonctions viennent percuter les missions des psychologues de l’Éducation nationale et des directrices et directeurs de CIO, voire parfois se percutent entre elles (ex : référent harcèlement, référent égalité filles-garçons, référent orientation, référent décrochage scolaire…).
Pendant ce temps, les PsyEN voient leur recrutement chuter de manière très alarmante et le nombre de postes vacants, donc d’EPLE non couverts, augmenter de manière vertigineuse.
Un choix délibéré: indemniser et former en quelques jours plutôt que recruter des personnels qualifiés !
>>> Dans le champ de la santé mentale, les protocoles arrivant dans certains collèges et lycées incitent les chefs d’établissements à désigner pour chaque journée un référent. Ce dernier devra être à même de recevoir les alertes émanant de l’ensemble de l’équipe éducative et de les signaler au besoin à l’équipe ressource et aux familles.
Or, les signaux dits « faibles » qui sont mentionnés doivent être replacés dans le cours des transformations liées à l’adolescence. Une baisse des résultats scolaires, un décalage des périodes d’endormissement, une irritabilité plus grande envers les adultes sont-ils nécessairement les signes d’un passage à l’acte ou de l’entrée dans des troubles psychiques ? C’est la présence régulière de professionnel·les qualifié·es dont principalement les PsyEN, qui, assurant un suivi des cas difficiles, peuvent replacer ces signes dans la complexité des situations et dans toutes leurs dimensions.
Au lieu de permettre un suivi régulier et de réelles possibilités de concertation entre les membres d’équipes pluri-professionnelles complètes et formées, le MENJ fait le choix de désigner des référents qui ne posséderont pas les clés de lecture des situations et risquent de trouver bien lourde cette responsabilité face aux cas les plus problématiques. Le protocole enjoint de signaler même si « l’on n’est pas certain de la gravité de la situation », mais quelle suite sera alors donnée sachant que les CMPP et les maisons des adolescents sont surchargés ?
Oui, les élèves ont besoin d’être entourés et écoutés avec la plus grande vigilance, mais avec des personnels dont c’est le métier ! (https://www.snes.edu/article/sante-mentale-les-protocoles-ne-remplacent-pas-les-moyens-humains/)
>>> Dans le champ du harcèlement, a été mis en place à grand renfort de communication à la rentrée, un plan de lutte contre le harcèlement, avec obligation pour les établissements de déployer le programme pHARe et alourdissement des sanctions par la création d’un délit de harcèlement scolaire. Il s’agit de « doter toutes les écoles et les établissements scolaires d’un plan de prévention structuré et efficient, d’assurer la sécurité et le bien-être des élèves en agissant directement sur le climat scolaire, de former les élèves et les personnels à la prévention et la détection des situations de harcèlement, et de garantir la prise en charge de 100 % des situations signalées ».
Il est également obligatoire de nommer un référent harcèlement au sein de chaque collège, chargé de coordonner et d’animer la politique de lutte contre le harcèlement.
Il faut remarquer que les PsyEN ne sont pas nécessairement membres des équipes ressources ni systématiquement concerné·es par la formation pHARe.
Pourtant, leurs missions statutaires leur demandent de concourir à la mise en place d’un climat scolaire bienveillant. « Leurs interventions ont vocation à faciliter l’accès de tous les élèves aux apprentissages, à la culture, à la citoyenneté, à l’autonomie et au « vivre-ensemble », ainsi qu’au développement d’un environnement favorable au bien-être en milieu scolaire. Ils promeuvent les initiatives en matière de prévention des phénomènes de violence, de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité, notamment entre les filles et les garçons. »
On peut également souligner l’importance d’une approche systémique visant à instaurer un cadre éducatif cohérent, rassurant et stimulant qui agisse sur les relations entre pairs et entre les professionnels de l’École. Là encore pour établir ce cadre, il faut du temps d’échanges et de concertation, des personnels disponibles, des possibilités de créativité dans l’activité scolaire et professionnelle.
« La qualité du climat scolaire contribue à la prévention de l’absentéisme et du décrochage scolaire. Il est favorable au bien-être et à la santé physique et psychologique des élèves. Un climat scolaire serein contribue également à donner aux élèves le goût de l’école, à les motiver en leur permettant notamment de s’impliquer dans la vie de l’établissement. » (Eduscol)
Or, les constats sont unanimes, il n’est plus vraiment possible de se concerter dans l’École. L’urgence et le numérique deviennent les concepts pilotes de la vie d’un établissement.
>>>> Dans le domaine du décrochage, un référent est nommé dans les EPLE à fort taux d’absentéisme et de décrochage. Le groupe de prévention du décrochage scolaire (GPDS) qui regroupe la·le professeur·e principal·e parfois, la·le CPE, la·le psychologue de l’Éducation nationale, l’infirmier·e, l’assistant·e de service social existe depuis 2013. Le référent décrochage créé en 2017 a pour mission de se mobiliser avec l’équipe éducative et de coordonner l’action de prévention menée au sein de l’établissement. Il doit assurer le relais auprès des différentes instances internes à l’Éducation nationale (dispositif relais, FOQUALE, MLDS, PSAD) et externes du territoire (associations, PRE, alliances éducatives).
Or, ces missions sont déjà celles qui sont dévolues aux PsyEN EDO et aux DCIO, « au sein des réseaux formation, qualification, emploi (Foquale) et dans le cadre des plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD), en lien avec les acteurs qui les composent (missions locales, associations, entreprises, centres de formation des apprentis, etc.)» (Circulaire du 21 avril 2023).
>>>> Dans le domaine de l’orientation, les missions confiées aux enseignants et CPE dans le cadre du Pacte, non seulement empiètent sur celles des PsyEN EDO mais orientent les activités dans un sens réducteur et inégalitaire. Il s’agit en effet d’animer des séances « visant à transmettre la connaissance des métiers, présenter les formations qui y mènent, enseigner les compétences nécessaires pour s’orienter,préparer et participer à l’accueil des professionnels dans le collège, aux visites des élèves dans les établissements de formation, lycée professionnel et CFA notamment, dans les entreprises ».
Comment prétendre pouvoir transmettre « LA » connaissance des métiers alors que les travaux en psychologie du travail montrent l’existence de différents niveaux entre le travail prescrit et le travail réel et que justement, à l’adolescence, c’est cet écart qui peut faire sens ? Comment aborder comme un enseignement, des compétences qui visent la connaissance de soi, l’estime de soi, la projection dans l’avenir et concernent des dimensions éminemment subjectives et psychologiques ?
Quant aux missions de coordonnateur·trice, elles mordent complètement sur celles des DCIO, qui ont la charge de veiller « à la cohérence des actions conduites en matière d’information, d’orientation, de conseil et d’accompagnement des parcours, au centre d’information et d’orientation et dans les établissements. Ils doivent également en analyser les résultats et contribuer aux partenariats locaux en termes d’expertise et d’animation des réseaux. »
Alors qui travaille en silo ?
Régulièrement dans les audiences et auditions auxquelles le SNES-FSU participe, il est reproché aux PsyEN EDO de travailler en silo. Méconnaissant, ou ne voulant pas connaître le travail des équipes pluriprofessionnelles dans la réalité, nos interlocuteurs seraient bien inspirés d’anticiper les conséquences désastreuses pour les élèves de cette multiplication de référents. Au lieu de recourir à un psychologue « généraliste » à même de prendre en compte l’ensemble des difficultés que peut rencontrer un adolescent en milieu scolaire, on choisit de découper l’élève en tranches, confiées chacune à un responsable. Mais sur quels savoirs théoriques et méthodologiques pourront-ils s’appuyer pour faire des liens entre différentes problématiques ? Quand ces référents auront-ils le temps de se concerter ? Comment seront-ils en mesure de prévoir les conséquences psychologiques de leurs actions ?
Mais peut-être l’essentiel pour le MENJ n’est-il pas là ?
Diminuer la dépense dans l’Éducation nationale tout en donnant l’illusion qu’on répond aux problèmes, telle est davantage sa ligne de conduite !