Le Snes-FSU avait refusé de se rendre aux consultations sur les projets en cours d’élaboration organisées par le CSP en septembre car ce dernier ne souhaitait pas communiquer les documents sur lesquels il sollicitait notre avis.
Seul syndicat enseignant faisant vivre un secteur contenus composé de groupes disciplinaires réfléchissant sur les programmes, leurs modalités de mise en oeuvre, les pratiques de classe, nous nous sommes rendus aux consultations organisées par la DGESCO, forts de ce travail militant.
Concernant la spécialité HGGSP, le Snes-FSU demande une remise à plat du programme dans le but de respecter les qualifications disciplinaires des enseignants et d’éviter la mise en concurrence des collègues. Nous avons déjà des remontées inquiétantes en ce sens : pas un établissement ne semble procéder avec la même logique, afin de répartir les heures entre professeurs d’histoire-géographie et de SES (pour la partie science politique du programme). Le programme ne contient aucune indication, contrairement à celui de la spécialité Humanités qui indique un partage à parts égales entre professeurs de lettres et de philosophie. Nous demandons qu’un cadrage national soit inscrit dans les textes pour éviter les tensions liées à une approche managériale de la mise en œuvre des nouvelles structures et des nouveaux programmes. Des situations locales peuvent s’avérer particulièrement douloureuses quand des postes sont en jeu.
Les programmes d’histoire-géographie du tronc commun sont d’abord un carcan.
Ils sont longs et impliquent d’acquérir une masse de connaissances démesurée en regard des conditions réelles d’enseignement, dans des classes qui comptent rarement moins de 35 élèves, et sans garantie de bénéficier d’heures en demi-groupes.
Les points de passages obligés en histoire (points de passage et d’ouverture) viennent renforcer l’impression d’un déséquilibre entre histoire et géographie, d’autant que les indications horaires portées pour chacun des thèmes sont en histoire particulièrement irréalistes.
Il y a donc une contradiction entre les objectifs affichés dans le préambule, et le détail des programmes : cette lourdeur ne permettra pas la diversité des pratiques de classes et des activités (les sorties de terrain par exemple demandent du temps). On court le risque de ne voir se maintenir que le « récit structurant » du professeur afin de maintenir un rythme de progression suffisamment rapide. Nous n’oublions pas que notre liberté pédagogique sera par ailleurs fortement contrainte par l’organisation des épreuves communes de contrôle continu en première et en terminale.
Quelles finalités pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie au lycée ?
Ces projets de programmes posent également problème quant aux finalités de nos disciplines. Nous avons remarqué que le tableau des capacités et méthodes a été considérablement allégé par rapport au document de travail que le Snes-FSU s’était procuré, et par rapport au tableau actuellement en vigueur. Nous déplorons la disparition des capacités liées à l’esprit critique, à l’argumentation (à l’oral et à l’écrit) et à la recherche et analyse documentaire.
L’histoire-géographie est d’autre part censée permettre la compréhension et l’ouverture au monde alors que ces projets de programme du tronc commun sont exclusivement centrés sur l’Europe et la France.
Quels liens avec l’histoire et la géographie en tant que disciplines scientifiques ?
Ces textes proposés par le CSP ne reflètent pas la diversité et la richesse de la recherche universitaire en histoire comme en géographie et souffrent de certaines faiblesses scientifiques.
On n’y trouve pas de géohistoire, d’histoire connectée, d’histoire contrefactuelle ou des possibles. En géographie le concept de transition utilisé comme fil directeur en seconde ne semble pas scientifiquement solide. On parle de mobilités là où il conviendrait de parler de migrations (ce mot ferait-il peur?) et l’utilisation de termes comme “la chaîne mondiale de valeur ajoutée” laisse perplexe.
On entre dans le programme d’histoire par le politique au détriment des approches sociales, culturelles, économiques, ce qui empêche aussi de faire toute sa place à une histoire mixte (on ne saurait se satisfaire en la matière de l’étude de quelques « grandes femmes » alibis ainsi que le fait remarquer l’association Mnémosyne dans son communiqué). Ce prisme de l’histoire politique pose problème aussi pour le découpage chronologique choisi : en première les évolutions économiques et sociales de la France au XIXe siècle s’en trouvent « saucissonnées » en deux chapitres dans deux thèmes différents.
Les points de passage et d’ouverture du programmes d’histoire sont pour beaucoup redondants avec ce qui est traité au collège, il en de même pour les études de cas en géographie. Même si, pour le cas de la géographie, elles ne sont qu’indicatives, il nous paraît dommage de ne pas suggérer d’autres exemples.
Enfin le choix d’un regard franco-centré amène à des partis pris étranges : quel intérêt y a-t-il à faire étudier à de jeunes Européennes et Européens les processus de l’unité italienne et de l’unité allemande au XIXe siècle uniquement du point de vue de la France ? Pourquoi ne pas offrir à nos élèves de véritables thèmes d’histoire européenne ?
Des programmes qui ne visent pas la démocratisation des savoirs
En conclusion soulignons combien ces projets de programmes sont inadaptés à nos élèves et aux conditions réelles d’enseignement.
Ainsi, l’idée de garder le même nombre de chapitres, et les mêmes thématiques, pour la voie technologique, avec un horaire deux fois moindre, ne nous paraît pas un signe « d’ambition ». Pour le Snes-FSU, des programmes ambitieux sont des programmes faisables : 8 chapitres à traiter en une année au lieu de 6 chapitres actuellement, c’est irréaliste. D’autant qu’en histoire, l’angle d’approche par le politique n’est pas ce qui « parle » le plus spontanément aux élèves, et que les deux programmes, d’histoire et de géographie, comprennent un certain nombre de concepts arides.
Nous déplorons enfin de n’avoir à ce jour aucun éclaircissement sur les exercices dont seront composées les épreuves communes de contrôle continu, et sur la durée de ces dernières. C’est d’ailleurs l’ensemble des modalités de mise en œuvre de la réforme du lycée qui laisse les élèves de seconde et leur enseignants dans un flou préjudiciable à la qualité de leur travail et à leur réussite.
Dans la perspective de la présentation des projets de programmes par le Ministère au Conseil Supérieur de l’Éducation à la mi-décembre, le Snes-FSU a fait et fera des propositions écrites détaillées de modifications, de déplacements et surtout d’allègements dans ces programmes. Des erreurs peuvent être corrigées, des manques réparés, des formules particulièrement maladroites corrigées (« la Mer Méditerranée un bassin migratoire »…), pour défendre la saveur de nos disciplines et la liberté pédagogique, sur lesquelles se fondent notre métier. Cependant, au delà de la question des programmes, c’est l’ensemble de la logique des réformes Blanquer que nous voulons voir remise à plat. Il n’y aura pas de « bons » programmes d’histoire-géographie avec une mauvaise réforme du lycée et du baccalauréat.