Une ambition formatrice avant tout
Depuis que les projets de programme d’histoire-géographie des cycles 3 et 4 sont parus officiellement, plusieurs voix se sont élevées pour le dénoncer ; les médias ont amplement relayé des critiques les plus caricaturales et fantaisistes portées par des soi-disant « experts », politiques souvent, universitaires aussi parfois. On dote, par ailleurs, cette discipline d’une efficacité sociale largement fantasmée.
Avant même que n’ait démarré la consultation officielle des professionnels qui seront chargés de mettre en œuvre ces nouveaux programmes, le Président lui-même et la ministre de l’Éducation annoncent qu’ils seront réécrits arguant que « L’enseignement de l’histoire doit bien être un récit qui raconte notre appartenance à la communauté nationale ».
Favoriser la construction de l’autonomie intellectuelle
Ainsi, il y a urgence à rappeler qu’on n’enseigne pas l’histoire pour produire des effets d’inculcation. L’histoire scolaire a d’autres ambitions formatrices pour les jeunes d’aujourd’hui (ambitions qui légitiment par ailleurs son arrimage à l’histoire universitaire et les exigences de qualification de ceux qui l’enseignent) : elle doit favoriser la construction de l’autonomie intellectuelle et les aider à affronter les défis de leur temps.
Par ailleurs, la consultation « d’historiens de renom », dans ce contexte d’instrumentalisation de l’histoire, pose question. Certes on peut espérer un large débat pluraliste et ouvert sur ces questions, mais la remise en cause du projet du CSP, avant même que les enseignants n’aient pu se prononcer sur le contenu, a de quoi inquiéter dans ce contexte d’instrumentalisation de l’histoire scolaire.
Qui trop embrasse mal étreint, ainsi le risque est grand de voir les questions au choix se transformer toutes en questions obligatoires, faute de vouloir assumer des arbitrages pouvant donner lieu ensuite à une surenchère d’interprétations. Les rencontres
et les échanges entre collègues, organisés par le SNES, ont montré, depuis des années, la nécessité d’alléger des programmes que peu d’enseignants parviennent à « boucler » sans perdre la saveur et les finalités de la discipline. Cela implique notamment qu’une possibilité de choix, à l’intérieur des grandes thématiques, soit proposée, comme c’est déjà le cas en lycée et même en géographie au collège.
Entendre la profession
Il est urgent de prendre d’abord le temps d’entendre la profession et de faire confiance aux enseignants qui savent ce qu’est un programme d’histoire et de géographie cohérent, pertinent dans ses approches et réalisable dans les horaires dédiés. Ils sauront faire remonter les critiques constructives afin d’améliorer le projet et sans doute de le préciser car l’absence d’explications sur les différentes thématiques a largement alimenté les déclarations les plus enflammées voire de mauvaise foi sur la disparition de tel ou tel objet d’histoire.
Alice Cardoso, groupe histoire-géographie SNES