L’objectif de l’école est-il de construire une culture commune s’appuyant sur les connaissances actuelles et donnant aux élèves des repères pour leur vie d’adulte ? Ou bien est-il de guider les jeunes consciences vers quelques vérités bien choisies qui en feront des proies faciles pour les lobbies de tout poil ?

Pour certains, il semblerait que la question ne se pose pas. L’enseignement de l’histoire devrait dérouler « le roman national ». Peu importe sa véracité du moment qu’il unit derrière le drapeau… Les programmes de sciences ne devraient pas aborder les questions de sexualité, car il n’est pas bon d’expliquer que l’homosexualité n’est pas une déviance, ni que la loi permet l’avortement. Les sciences économiques et sociales devraient se borner à énumérer les mérites de l’économie de marché et de l’entreprise, de façon à entretenir l’illusion que seul ce modèle est possible et vertueux. D’autres pressions font moins de bruit, mais sont tout aussi récurrentes, comme la quantité de grammaire à dispenser, le choix des œuvres en littérature… dans toutes les disciplines.

Ces tentatives d’instrumentalisation ont différentes conséquences. En histoire, elles conduisent à des programmes européano-centrés et pléthoriques, impossibles à mettre en œuvre de manière satisfaisante dans les horaires impartis. Il revient aux enseignant-es d’arbitrer en permanence entre prendre le temps d’expliquer pour que les élèves suivent, et avancer suffisamment vite pour traiter l’ensemble prescrit par l’institution. Les programmes de sciences économiques et sociales donnent un poids croissant à une science économique dépolitisée. Cela ne suffit pas aux grands patrons mais fait perdre de son âme à une discipline scolaire construite historiquement pour que sociologie et économie dialoguent et s’éclairent mutuellement.

Les sciences de la vie et de la Terre tiennent relativement bon, probablement parce que les discours de leurs détracteurs sont extrêmes et qu’ils sont minoritaires dans ces débats de société, mais aussi parce que les enseignant-es ont développé une expertise sur ces questions. Ils savent comment gérer des séquences de cours potentiellement délicates avec les personnels.

L’appel intersyndical du SNES-FSU avec des associations, « Pour une autre méthode de construction des programmes scolaires », lancé en 2012, est toujours d’actualité. Prendre le temps de la concertation, s’appuyer sur la professionnalité des enseignants, exploiter les travaux de la recherche en éducation, permettrait de s’affranchir des idéologies pour construire avec les élèves une culture qui ait du sens.

Valérie Sipahimalani

Consulter l’appel : www.snes.edu/Appel-Pour-une-autre-methode-de-construction-des-programmes-scolaires


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