L’échec de la première année du Pacte a conduit le ministère à revoir sa tactique : réduction de l’enveloppe globale et, après les hésitations de l’année dernière, priorisation des missions de remplacement qui devront bien être l’objet de la majorité des Pactes 2024-2025. Mais la mobilisation, sous contrainte du peu de collègues pacté·es ne permettra toujours pas d’assurer les RCD. Aussi, le ministère poursuit son opération de traque de la moindre « heure perdue ». Le SNES-FSU a mis solennellement le ministre en garde sur les risques qu’il fait prendre aux élèves de ne plus avoir la possibilité de bénéficier de sorties pédagogiques, de voyages scolaires, de personnels formés tout au long de leur carrière. Par cette décision irresponsable, le ministère portera la responsabilité d’un nouveau coup porté à l’attractivité de nos métiers et à la professionnalité des personnels. Pris dans une crise du recrutement qu’il alimente, il est incapable d’assurer les remplacements de longue durée. D’un côté, il tente donc une opération de diversion massive en focalisant l’attention sur les absences ponctuelles. De l’autre, il se défausse de la responsabilité des remplacements plus longs sur les chefs d’établissement et leurs équipes épuisées. Dans le décret 2024-244 du 19 mars 2024, en quelques mots, il ajoute aux missions des chef·fes d’établissement « l’organisation de la continuité pédagogique en cas d’absence d’un enseignant » sans préciser s’il s’agit des absences longues ou courtes.
Mais la vraie urgence est ignorée : tout mettre en œuvre pour recruter des personnels.
Un guide sur le RCD à l’attention des chefs d’établissement a été publié début septembre pour lister les attentes du ministre.
Ce document met en œuvre les mesures du décret 2023-732 du 8 août 2023 qui a mis un terme au dispositif de remplacement de courte durée dit « de Robien ». L’article 7 de ce décret prévoit toutefois le maintien d’une procédure similaire pour les professeurs volontaires, occasionnellement et en dehors du système des missions du Pacte, avec une rémunération en HSE. Mais les pressions budgétaire, au niveau national, académique ou des établissements pour réduire le recours aux HSE ont augmenté en cette rentrée. L’analyse que vous propose le SNES-FSU, vous donnera des éléments pour informer les collègues, intervenir et agir notamment lors du Conseil d’administration. Un principe essentiel pour le remplacement à l’interne : on peut le refuser ! Le Pacte a en effet réaffirmé le principe du volontariat pour assurer cette mission. En dehors du Pacte, les collègues volontaires sont rémunéré·es en HSE.
I/ Le guide du RCD à destination des chefs d’établissement : toutes et tous concerné·es !
Ce mois de septembre, le ministère a publié un guide du remplacement de courte durée de 58 pages à l’attention des chef·fes d’établissement qui remplace celui de l’année dernière d’une trentaine de pages. Nous sommes toujours dans la logique des guides et vadémécums qui, sous couvert de constituer une aide à la mise en œuvre, permettent de faire passer des injonctions et des prescriptions qui ne sont pas dans les textes réglementaires. Personne n’est dupe et les destinataires perçoivent bien que la hiérarchie leur demandera des comptes sur l’application de ces « recommandations ».
Les textes réglementaires que ce guide « précise » et « complète » sont les décrets des 8 et 9 août 2023, respectivement consacrés au remplacement de courte durée (RCD) et à l’organisation de la continuité pédagogique.
Ce guide ne concerne pas seulement les personnels engagés dans le Pacte. Les pactes dits « RCD » ne sont qu’une modalité, un « nouveau levier indemnitaire », parmi d’autres dans l’organisation au sein de l’établissement du remplacement des professeur·es absent·es moins de 15 jours. Ainsi le plan de remplacement concerne tous les enseignant·es, CPE, PsyEN pacté·es ou non. Il concerne aussi les AED en préprofessionnalisation, les AED de la vie scolaire et les TZR.
Le guide rappelle bien que les Pactes RCD viennent s’ajouter à l’existant, donc aux HSE, qui ne disparaissent pas.
Pour bien remplacer, empêcher les absences !
Dans la première fiche, les chef·fes sont toujours invité·es à limiter les absences par tous les moyens dont ils et elles disposent.
Après quelques données chiffrées destinées à prouver l’insuffisance des remplacements pour les absences générées par le fonctionnement interne de l’établissement, il est rappelé, exactement comme l’année dernière :
« Le chef d’établissement dispose d’un pouvoir d’appréciation, et donc de validation, sur la pertinence pédagogique des activités ou des projets mis en œuvre et de leur réalisation dans le cadre général du fonctionnement de l’établissement. »
C’est un appel à réduire drastiquement les sorties, voyages scolaires ou autres projets qui dégraderaient le taux de remplacement, ou à opérer un chantage sur les personnels : pas d’autorisations sans remplacements assurés ! Pour les réunions, le temps de midi, le mercredi après-midi, les fins de journée doivent être favorisés. De même pour les formations d’initiative locale, la recommandation est ainsi formulée :
« une organisation de l’emploi du temps permettant d’assurer la compatibilité entre les jours de formation et les jours de cours doit être systématiquement recherchée. »
« Les échanges de service sont encouragés » pour compenser les absences institutionnelles, ce qui est un moyen de masquer le travail supplémentaire en considérant que les heures de cours non faites en raison d’une réunion ou d’une formation sont dues par les professeur·es.
Une nouveauté du guide 2024 est une focalisation sur les Autorisations Spéciales d’Absence, les ASA. Une partie du guide est consacrée aux rappels réglementaires sur leur nature « de droit » ou « sur autorisation », avec des rappels sur la motivation des refus « par nécessité de service ». Mais un paragraphe invite les chefs d’établissement à solliciter une « proposition pour maintenir la continuité pédagogique » aux collègues qui déposent une demande d’ASA de droit. Les propositions d’auto-remplacement sont favorisées. Le guide rappelle les droits, et incite ensuite à proposer d’y renoncer ! On imagine sans mal comment cela pourra se traduire dans certains établissements par des pressions et de la culpabilisation.
Une absence de droit est une absence de droit : aucun «rattrapage » ne peut être imposé.
Formation continue le soir, le mercredi après-midi et pendant les vacances ?
Le projet de Gabriel Attal d’organiser toute la formation continue en dehors du temps de service continue de se généraliser à cette rentrée. Désormais, la formation continue serait assurée hors face-à-face pédagogique avec des formations ou des webinaires le soir, le mercredi après-midi et pendant les vacances scolaires. Nous pouvons voir désormais, dans des grandes villes, entre 17h et 19h, des personnels suivre des formations dans les bus, trains, métros ou tramways, yeux rivés sur leur smartphone et casque sur les oreilles.
Au regard de la brutalité des attaques contre le temps et la charge de travail des personnels, le SNES-FSU appelle les collègues à suspendre toute demande volontaire de formation continue si leurs conditions d’organisation ne sont pas clarifiées (faudra-t-il rattraper les heures ?) et à redoubler de vigilance sur les informations contenues dans les convocations. Les collègues seulement invité·es à des formations hors du temps de service n’ont aucune obligation d’y participer. En cas de doute, contactez la section académique du SNES-FSU qui pourra déposer des préavis de grève.
Le plan annuel de remplacement : « organiser » pour contraindre.
Une pression accrue sur les chefs d’établissement se fait sentir dès les premières lignes consacrées au plan annuel RCD qui le présentent comme « un levier essentiel d’amélioration de la capacité de l’établissement à systématiser le RCD. » Quelques lignes plus bas, le texte dénonce les plans de l’année dernière « standardisés et parfois vides de sens ».
Et pour faire de son plan RCD un « levier » efficace, il est demandé au chef d’établissement de s’engager dans : la réduction des absences générées par son établissement (encore) ; d’optimiser les emplois du temps pour faciliter « la mobilisation des personnels » assurant les remplacements ; d’adhérer à des plateformes numériques d’apprentissage.
Le guide précise les étapes de l’organisation du RCD au sein de l’établissement : évaluer les besoins, partager le diagnostic, prévoir une organisation spécifique qui couvre les besoins. Cette organisation doit charpenter un plan annuel de remplacement, présenté en CA et « soumis à l’autorité académique pour validation ». Le guide précédent indiquait juste que le recteur s’assurait de sa conformité avec l’article R 421-4 du Code de l’Éducation. Le guide précise que c’est bien aux chef·fes d’établissement d’élaborer ce plan. La concertation avec les équipes, notamment dans le cadre du conseil pédagogique, est mentionnée. Le rapport de force entre les chef·fes d’établissement et les professionnels organisés collectivement et soutenus par le SNES-FSU sera déterminant pour que les pratiques réelles du RCD ne dégradent pas nos métiers.
Le contenu du plan annuel et ses révisions peuvent être très contraignants.
En apparence, les éléments de cadrage national restent très généraux et les paragraphes suivants sont inchangés :
« Le plan prévoit les conditions dans lesquelles les enseignants sont sollicités par le chef d’établissement : modalités d’information, nombre de créneaux, délais de prévenance. Les délais de prévenance ne sont pas fixés au niveau national et relèvent du chef d’établissement dans le cadre de la concertation avec les équipes, en fonction de l’appréciation de la situation locale. Ils doivent être compatibles avec la souplesse exigée par l’objectif de remplacement. »
Cependant, cette année, s’ajoute à la trame du plan RCD à compléter par chaque établissement des « exemples de contenus et de critères d’analyse », « à titre d’illustration ». Sans doute, ceux repérés par le ministère comme devant éviter les plans « vides de sens ». Par exemple, « l’utilisation systématiques des TZR rattachés administrativement » et sans service complet ou la « mobilisation de plus de parents pour encadrer les sorties ». La standardisation des plans va progresser et l’« autonomie » reculer.
Le chef ou la cheffe d’établissement est décisionnaire. Les éléments qui influeront sur le contenu initial et ultérieur du plan ne seront pas les conditions de travail des élèves et des personnels, mais les indicateurs chiffrés :
« En cours d’année, le chef d’établissement peut alors apporter des modifications au plan RCD selon l’évolution de la situation et des besoins repérés. »
« Le chef d’établissement veille au suivi régulier des indicateurs (taux d’efficacité du RCD, taux de couverture des absences de courte durée par discipline, par niveau…). Il partage avec la communauté éducative et pédagogique ce suivi dans le but d’ajuster l’organisation retenue et les moyens mobilisés. »
Il est rappelé que le chef d’établissement rend compte deux fois par an au CA et au recteur de la mise en œuvre du plan (ailleurs il est précisé que dans le cadre d’un bilan le plan est envoyé deux fois par an au référent académique en janvier et juin/juillet).
Dans ce cadre, on peut craindre que les autorités académiques ne seront pas un recours quand un·e chef.fe d’établissement s’affranchira de son plan annuel pour augmenter la pression sur des personnels. Il pourra d’ailleurs le réviser ultérieurement, pour être plus « efficient ». Ainsi, les délais de prévenance qui auraient pu être décidés initialement pour protéger le travail des élèves et des professeur·es pourraient être réduits le plus possible en cours d’année afin d’atteindre les objectifs chiffrés rappelés par le rectorat.
C’est l’action collective et syndicale, à l’échelle de l’établissement, du département, de l’académie et nationale, qui permettra d’empêcher les dérives.
II/ Et le “Choc des savoirs” ?
Le choc des savoirs n’est cité explicitement qu’une fois dans le guide. Sa mise en œuvre qui « conduit à encourager la conception de progressions pédagogiques communes » est présentée comme une opportunité nouvelle qui « permet aux enseignants remplaçants de s’intégrer efficacement au suivi des élèves, en respectant les objectifs et les progressions déjà établis ». Mais cette mise en œuvre se traduit aussi le plus souvent par des « barrettes » : des créneaux communs pour l’enseignement du français et des mathématiques à plusieurs classes d’un même niveau ; et les élèves sont répartis dans des regroupements éventuellement plus nombreux que le nombre de classes initiales. Ces barrettes dans le contexte de la pression accrue pour réduire les absences non remplacées, dont le guide est l’expression, laissent craindre de nombreuses dérives, déjà constatées dans certains établissements. Tentatives de répartir les élèves d’un groupe sur les autres en cas d’absence de l’enseignant·e. Retour en configuration classes, pour le même motif, si elles sont moins nombreuses que les groupes ; ou même pour pouvoir libérer un ou plusieurs enseignant·es pour assurer quelques heures de remplacement avec d’autres classes.
Si, en dépit de la contestation et du refus exprimés par les équipes, vous constatez des abus manifestes, contactez sans attendre la section départementale ou académique du SNES-FSU.
III/ Le Pacte : des obligations, peu de droits
Il est rappelé que le ou la chef·fe d’établissement doit prioriser les pactes RCD comme moyen pour assurer les remplacements et aussi, évidemment, comme mission parmi les Pactes qu’il ou elle proposera. En ce qui concerne les créneaux que les collègues engagé·es dans un Pacte RCD doivent proposer, les chef·fes d’établissement doivent prendre en compte leurs souhaits.
L’obligation des collègues engagé·es dans le Pacte d’assurer des remplacements sur le ou les créneaux convenus est rappelée, comme les quelques motifs qui peuvent justifier un empêchement (maladie, décès d’un proche ou absence pour activités syndicales…).
IV/ Des « outils concrets » pour le pilotage et la mise en œuvre « pédagogiques » du RCD
La partie 2 du guide est constituée de fiches pratiques dont l’objectif affiché est de fournir des « outils concrets » pour la mise en œuvre « pédagogique » du RCD.
Vers le remplacement sporadique et inopiné
Proposer la suppléance à l’un·e des enseignant·es de l’équipe pédagogique de la classe, qui poursuivrait la progression dans sa discipline, n’est pas présenté comme la solution la plus efficace. Ce n’est qu’une modalité parmi tant d’autres. La priorité est de mobiliser un·e enseignant·e pacté·e si une suppléance est possible sur un de ses créneaux qu’il ou elle soit membre ou non de l’équipe pédagogique de cette classe.
L’objectif implicite de cette partie est en réalité de donner des outils pour « faciliter » la prise en main d’une classe par un·e professeur·e extérieur·e à l’équipe pédagogique de celle-ci. Par exemple, on lit dans les points de vigilance : « Le programme du niveau de la classe est-il maîtrisé par le remplaçant/l’enseignant a-t-il une expérience dans ce niveau d’enseignement ? »
L’absence de délai pour la prise en charge de la classe est aussi envisagé : on parle de situations où « les délais sont trop restreints pour concevoir une séance de cours classique » et ailleurs de « remplacement inopiné ».
La prescription pour aider ?
En guise d’aides concrètes, le guide fournit aux chef.fes d’établissement « responsable du pilotage pédagogique », une série de prescriptions à faire appliquer aux enseignant·es pour faciliter les remplacements : construire eux-mêmes et elles-mêmes des outils et des supports communs, se former à des outils institutionnels numériques (program’cours, Éléa), partager leurs ressources…. En somme, il s’agit d’investir du temps en surplus des heures de remplacement elles-mêmes et de leur préparation individuelle.
V/ Mutualisation, harmonisation, normalisation des pratiques
Les RCD sont le cheval de Troie pour un contrôle accru de nos pratiques, on le voit au travers des conseils « bienveillants » donnés. Partant de la question du RCD, le guide propose de contraindre les pratiques y compris des personnels qui n’y participent pas, pour que tout·e enseignant·e soit facilement « remplaçable ». Dans cette logique, la liberté pédagogique gêne la facilité du remplacement.
En effet, les injonctions à la préparation des heures de remplacement, ne concernent pas que les enseignant·es qui les effectuent ! Le conseil pédagogique et les conseils d’enseignement sont présentés comme les espaces de concertation sur la stratégie à mettre en œuvre. Or, il est recommandé que cette concertation aboutisse, en vue des remplacements, à des mutualisations de supports, des progressions communes ou partagées sur l’ENT, etc.
Autrement dit, les professeur·es qui ne remplacent pas doivent prendre du temps pour faciliter les remplacements effectués par leurs collègues. Les personnels « remplacés » sont eux-mêmes mis à contribution.
Notons bien que, dans cette partie, les prescriptions ne correspondent à aucune obligation réglementaire.
Les CPE pour harmoniser ?
Les CPE doivent eux et elles aussi « œuvrer à la collaboration avec les enseignants à des fins de partage d’outils et de supports pédagogiques » et veiller à la mise à disposition des AED « en fonction des contraintes de gestion de vie scolaire ». Rien n’est dit de la charge et du temps de travail que cette préparation des RCD représentera pour les un·es et les autres.
Les CPE, comme les PsyEN, peuvent être « spécialement autorisés » par le chef d’établissement à assurer un remplacement. La vigilance à laquelle le SNES-FSU appelait l’année dernière est toujours de mise en ce qui concerne des « éducations à… » qui pourraient tenir lieu de RCD. En effet, la mise en œuvre pédagogique des RCD peut également « consister en travaux sur des objets liés aux différents parcours éducatifs : parcours avenir, éducation artistique et culturelle (EAC), démarche École promotrice de santé (EPSa), parcours citoyen de l’élève (dont éducation aux médias et à l’information). Qui selon le guide peuvent être des « apprentissages surveillés sur supports numériques encadrés par des AED ». Il y a là aussi un potentiel pour « mobiliser » CPE, PsyEN, infirmières, professeur documentaliste…
VI/ TZR, AED et AED prépro : quel cadre réglementaire pour le RCD ?
TZR
La mise en place du Pacte à la rentrée 2023 a mis un terme au dispositif de remplacement de courte durée dit « de Robien ». Néanmoins, l’article 7 du décret 2023-732 du 8 août 2023 prévoit le maintien d’une procédure similaire pour les professeurs volontaires, occasionnellement et en dehors du système de « brique », avec une rémunération en HSE. Cet article 7 prévoit aussi un possible recours aux TZR.
Le guide 2024 insiste davantage que le précédent, sur le recours aux TZR rattaché·es administrativement. Il est présenté comme « subsidiaire », par rapport aux autres moyens, mais pouvant être systématisé dans le cadre du plan RCD quand l’agent n’atteint pas son maximum de service.
Néanmoins des contraintes s’imposent au chef d’établissement. Les conditions suivantes doivent toutes être remplies et découlent de la combinaison de plusieurs textes réglementaires :
1 – Le ou la TZR doit être disponible (c’est-à-dire qu’il n’atteint pas son maximum hebdomadaire de service).
2 – L’affectation sur ce remplacement de courte durée doit être prononcée par le Recteur : l’arrêté doit préciser l’objet et la durée du remplacement à assurer (article 3 du décret 99-823 du 17 septembre 1999, 2ème alinéa, visé et expressément rappelé dans le décret 2023-732 du 8 août 2023).
3 – Le ou la TZR n’intervient que dans sa discipline, conformément aux termes de l’article 4-II du décret 2014-940 du 20 août 2014, qui dispose que pour assurer un enseignement dans une autre discipline, il faut donner son accord.
4 – Le RCD ne peut être effectué dans l’établissement de rattachement dès lors que le TZR est affecté en suppléance dans un autre établissement.
Les textes cités ci-dessus pourront servir d’appui à toute intervention syndicale auprès de l’administration. Les TZR n’ont pas à prendre des élèves en charge avant d’avoir reçu l’arrêté rectoral.
Quand l’administration veut passer en force, restent l’action collective et la grève !
AED
Le guide 2024 insiste davantage sur le recours aux AED pour « des séquences pédagogiques au moyen d’outils numériques » (appelées également « apprentissages surveillés sur supports numériques »).
Cela paraît totalement déconnecté de la réalité de bien des établissements où la dotation insuffisante en AED rend déjà impossible une réalisation satisfaisante des missions de vie scolaire.
C’est le chef d’établissement (« ou son équipe »?) qui peut confier à un AED « la surveillance d’apprentissages surveillés sur supports numériques ». C’est alors le ou la CPE qui « veille à la mise à disposition de ces personnels en fonction des contraintes de gestion du service de vie scolaire ». Peut-on être assuré que les « contraintes de gestion de la vie scolaire » seront bien prioritaires ? La pression pour assurer coûte que coûte un maximum de RCD risque de prendre le pas sur tout le reste. D’autant que les questions charge de travail et temps de concertation sont complètement évacuées. A noter le jargon managérial révélateur, pour qui douterait, de la nature du RCD : « pilotage » du « service vie scolaire »…
Les AED peuvent intervenir dans le cadre de leur emploi du temps mais également en dehors. Dans ce cas, ils ou elles peuvent toucher des « heures supplémentaires de continuité pédagogique » dans le cadre d’une dotation spécifique de l’établissement. Ne pas hésiter à interroger les directions afin de savoir si votre établissement a été bénéficiaire d’une enveloppe continuité pédagogique fléchée AED.
Pour le ministère, ces « séquences pédagogiques » ne nécessiteraient pas de formations spécifiques des AED car les « différentes applications mises en œuvre ne requièrent pas de compétences pédagogiques spécifiques ». Et d’ajouter « les AED ne sont réglementairement requis qu’en qualité de surveillant assurant le bon déroulement de la séquence d’un point de vue organisationnel (discipline, etc) ». Le RCD où la permanence réinventée !
Le guide 2024 insiste davantage sur la possibilité, déjà présente dans le précédent, d’une surveillance, par un AED, d’une évaluation ou d’un devoir « blanc » prévu·e par un professeur en prévision de son absence » qui « peut également tenir lieu de RCD ». Ce cas de figure est présenté comme une alternative à l’impossibilité « d’une séquence pédagogique numérique » (salle informatique non disponible, manque de temps pour l’organisation…). Mais en sera-t-il vraiment ainsi ? L’expérience au quotidien des devoirs surveillés est déjà source de tensions entre les équipes. Sujet ô combien sensible quand les moyens humains ne sont pas là et où l’organisation répétée de devoirs surveillés perturbe fortement les vies scolaires déjà en tension face à la charge de travail.
AED en préprofessionnalisation
Tout comme les assistant·es d’éducation, les AED en préprofessionnalisation (en M1 et en M2 chargés de cours) peuvent assurer « le remplacement de courte durée (…) sous la forme d’heures d’enseignement » mais « dans le cadre de leur emploi du temps ». Ils et elles sont d’ailleurs concerné·es en priorité par le RCD puisqu’il est précisé que les assistant·es d’éducation prendraient en charge des apprentissages surveillés sur supports numériques uniquement lorsqu’un·e enseignant·e ou AED en préprofessionnalisation ne pourra prendre en charge le RCD.
Il faudra être particulièrement vigilant·e aux AED en préprofessionnalisation concerné·es afin qu’ils et elles ne soient pas corvéables à merci, qu’ils et elles ne subissent pas des changements d’emploi du temps inopinés pour honorer les RCD, ce qui pourrait entrer en conflit avec leur emploi du temps universitaire. Pour rappel, en M1 et en M2, le service d’enseignement est limité à 6 heures hebdomadaires sur 36 semaines. Les heures restantes « peuvent être notamment consacrées à la préparation des interventions devant les élèves, à l’analyse réflexive, notamment en lien avec le tuteur ou la tutrice en établissement ou en école, à la participation aux réunions des comités et instances propres aux établissements et écoles et à la participation aux réunions organisées périodiquement par le rectorat pour tous les bénéficiaires de contrat de préprofessionnalisation relevant d’une même promotion », précise la circulaire de 2019.
Le SNES-FSU conteste que les AED en préprofessionnalisation soient utilisé·es comme moyen d’enseignement. Leur inclusion dans les RCD rend leur entrée dans le métier encore plus difficile qu’auparavant.
VII/ Le pilotage par les chiffres
Comme dans bien des précédents pour bien des professions, la fixation sur la hausse d’un indicateur chiffré – ici le taux de remplacement –, conduira à des pressions sur les personnels et une dégradation des métiers. Le but sera de faire accepter tout ce qui peut faire monter le pourcentage. Si la priorité est le remplacement, la remplaçabilité d’un cours et d’un·e professeur·e deviennent un critère de qualité.
Plusieurs pages du guide 2024 sont consacrées aux indicateurs chiffrés et en particulier à leur renseignement par l’établissement (en vue de fiabiliser et harmoniser les données entre autres).
Comment augmenter significativement le taux de remplacement si les enseignant·es ne prennent pas des classes au pied levé ? Comment leur faire prendre des classes au pied levé sans leur faire accepter qu’ « occuper » les élèves, que les « garder » fait partie de leur emploi ? Comment augmenter le taux de remplacement sans instituer que les AED et les AED en préprofessionnalisation sont mobilisables à tout moment pour encadrer des séquences pédagogiques ?
Le risque est réel d’une promotion renforcée de séances normalisées, standardisées, utilisables, ou facilement adaptables, à toute classe, à tout·e élève, par tout·e enseignant·e.
Nous savons que les dimensions humaines, matérielles et temporelles de notre métier rendent ces chimères impossibles et que les tentatives d’imposition seront nuisibles aux personnels comme aux élèves. Les professionnel·les doivent réaffirmer ces dimensions. Faire réellement progresser des élèves avec les moyens dont on dispose, cela demande le temps de connaître les un·es et les autres. Cela se fait dans le cadre d’une progression cohérente et adaptée, de cours réguliers conçus et mis en œuvre en fonction des élèves réel·les que nous avons en charge pour une année scolaire. C’est ce qui justifie la liberté pédagogique que ce guide tente de restreindre encore alors qu’elle est inscrite dans le code de l’Éducation et au cœur de nos métiers.
VIII/ Le plan annuel au Conseil d’administration
Le plan annuel pour les RCD est présenté par le chef d’établissement au conseil d’administration. Si les textes ne prévoient pas spécifiquement de recueillir l’avis du CA à cette occasion, il faudra alors utiliser l’article 421-23 du Code de l’Éducation qui précise que le CA « peut à son initiative, adopter tous vœux sur les questions intéressant la vie de l’établissement ». On notera la stratégie de contournement des représentant·es de la communauté éducative (personnels, parents, élèves) du Ministère : consulter le Conseil Pédagogique (désigné par le chef d’établissement), mais pas le CA, seule instance élue démocratiquement dans un établissement scolaire !
Les élu·es en CA devront donc s’emparer de cette discussion pour dénoncer, notamment auprès des parents d’élèves, les errements et mensonges du Pacte sur les remplacements, et proposer un vœu au vote du CA.
Les décrets d’août 2023 insistent aussi sur la conformité du plan annuel de RCD aux objectifs qui doivent figurer dans le contrat d’objectif. Il faudra être vigilant sur ce point qui pourrait être le prétexte à faire revenir les contrats d’objectifs en discussion et à tenter de les imposer là où ils n’existent pas. Rappelons que seul le CA est décisionnaire sur le contenu et l’adoption ou pas d’un contrat d’objectif par l’établissement.
Il en est de même pour le projet d’établissement. Face à cette offensive néo-managériale, le SNES-FSU fournit les outils pour en expliciter les dangers et s’y opposer collectivement. Il invite les équipes éducatives à faire prendre conscience à chacun·e, des dangers auxquels il et elle s’exposerait en signant le Pacte. Il appelle chacun·e à refuser de cautionner ce projet réactionnaire.
IX/ Remplacement de courte durée, le risque d’un métier bradé
Avec le Pacte, le ministère promet que les remplacements d’enseignant·es absent·es seront assurés à l’interne afin de supprimer toute heure de cours « perdue ». Les élèves pourraient avoir des enseignant·es qu’ils et elles n’ont pas d’habitude d’avoir et, à défaut de collègues volontaires, un chef d’établissement pourrait recourir à des séances numériques surveillées par des AED. Disons le tout net : ces heures de cours resteront perdues.
Drôle d’enseignant·e, celui ou celle qui ferait cours de la même manière devant n’importe quelle classe. Pour y parvenir, le collègue devrait ignorer les élèves qu’il ou elle a en vrai devant lui ou elle. Si la base d’un cours est pensée et rigoureusement organisée, sa mise en œuvre suit rarement toutes les prévisions. Celles et ceux qui ont été confronté·es aux cours à distance par le biais de « classe virtuelle » ont fait l’expérience de l’importance des signes que l’on perçoit dans la classe, qui nous permettent d’orienter notre activité, voire de modifier ses objectifs. Et pour percevoir ces signes, il faut connaître la classe, avoir été en interaction avec ses élèves. On sait à quel·les élèves laisser du temps pour entrer dans une activité, lesquel·les aller voir rapidement. Depuis les confinements, on sait qu’on ne fait pas vraiment cours à une classe qui n’est pas là. Et on ne fait pas vraiment cours à une classe qu’on a une, deux ou trois fois sur une année.
De même l’insistance du guide sur la surveillance d’une évaluation préparée par un· enseignant·e absent·e par quelqu’un d’autre, y compris un AED, ignore la réalité de nos métiers. Comme si toutes les évaluations en cours d’année se faisaient sous un format « examen » qui ne nécessite qu’un·e surveillant·e extérieur·e et que l’enseignant·e de la classe est dispensable. Comme si le lien renforcé entre évaluations et apprentissages qui se développent dans la recherche et sur le terrain.
Quant à la prise en compte des élèves à BEP, ou les adaptations liées à l’inclusion, elles paraissent encore plus intenables que d’habitude. Le guide ne consacre que 8 lignes à ces élèves. Elles renvoient à la nécessité pour les enseignants de s’autoformer. Des expériences de « face à face pédagogique » avec des élèves inconnu·es dissuadent en général le plus grand nombre de recommencer.
Celles et ceux qui s’engageront dans ces remplacements à l’interne risquent en outre de subir deux déconvenues.
D’une part, la tentative illusoire d’« harmoniser », entendre ici « uniformiser », les pratiques pédagogiques en imposant par exemple des progressions communes strictement, en forçant des règles de gestion de classes en tout point comparables. Le rêve du prof interchangeable ? La méthode ou la fiche Eduscol utilisable en tout lieu en toute circonstance avec n’importe quelle classe ? Comme professionnels, nous connaissons ces chimères.
D’autre part, affirmer qu’« au moins, la classe est occupée ». Que des activités ponctuelles encadrées par quelqu’un·e qui ne connaît pas ses élèves au travail, c’est mieux que rien ? Amener un professionnel à produire un travail étiqueté « mieux que rien » ? Quelle violence ! Mais pour faire accepter les contraintes, quand on en vient à rétribuer « ce mieux que rien » davantage que le travail quotidien, celui dans lequel les personnels s’investissent, celui construit dans le cadre d’une progression, celui dans lequel ils et elles se reconnaissent, on entre dans une logique inepte intenable. Une séance numérique encadrée par un AED, une séance déconnectée de toute progression et des élèves… serait donc un cours remplacé ?
En brouillant ce qu’est « une heure de cours remplacée », on en arrive à brouiller ce qu’est « l’enseignement », une dévalorisation insupportable de nos métiers à laquelle il faut résister.