Après la mise en place de Parcoursup et de la réforme du lycée qui organisaient la sélection pour l’accès à l’enseignement supérieur, les réformes du collège et du lycée professionnel assument ouvertement le changement de paradigme des finalités assignées à l’École depuis plus de 50 ans. Non seulement l’École n’est plus considérée comme un levier important de l’accès aux savoirs, à la culture et à la citoyenneté de l’ensemble de la jeunesse, mais elle ne constitue plus qu’un vecteur essentiel du développement économique et de l’insertion professionnelle.

Le divorce patent entre des missions, rédigées avec un logiciel visant plus d’égalité des chances en 2016-2017, et la politique éducative actuelle basée sur le tri social, explique les difficultés de plus en plus importantes pour les PsyEN, à tenir leur place de psychologue et à défendre leurs conceptions du développement psychologique et social des adolescents. Les orientations de cette nouvelle politique éducative s’adossent en effet à des conceptions très fortement contestables :

  • Une vision univoque et neurocentrée des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation qui oriente le travail des PsyEN vers des dépistages précoces et un « adressage » à des spécialistes, le plus souvent libéraux.
  • Le primat d’une logique assurantielle à bas coûts, qui voudrait faire croire que l’École maîtrise les dysfonctionnements que ses réformes produisent.
  • Les tentatives d’enrôlement des PsyEN dans les actions de promotion de la santé dont les fondements théoriques, très proches des modèles de la psychologie positive interrogent.
  • L’introduction des compétences psychosociales dans le socle commun qui va priver les collégiens d’heures d’enseignements au profit d’interventions qui, pour le moins, nécessitent de questionner les modèles psychologiques qui les soutiennent.

Il est clair que ces finalités éducatives sont aux antipodes des missions et de la déontologie des PsyEN. D’une part, ces dernier·es s’intéressent à la personne dans sa globalité et non « découpée » en types de trouble, appelant chacun une rééducation ou un « traitement » ad hoc. D’autre part, elles·ils ont également un rôle institutionnel qui vise à créer et entretenir un cadre sécurisant, contenant, propice au développement et aux échanges.

Pour la·le psychologue, l’institution n’est pas qu’un décor. Même si tous les psychologues ont des références communes, leurs missions et leurs pratiques s’inscrivent dans les finalités que porte l’institution. C’est aussi ce qui légitime son intervention.

La·le psychologue doit sans cesse interroger les demandes qui lui sont faites car « toutes les places ne sont pas bonnes à prendre » et elle·il risque d’y perdre sa spécificité. Jusqu’où peut-on s’adapter pour être reconnu·e ?

De plus, à l’École comme dans d’autres institutions, la·le psychologue exerce souvent seul·e sa profession dans l’équipe pluriprofessionnelle et en établissement, et l’exercice de ses multiples missions devient de plus en plus difficile et épuisant.

  • Sur une approche plurielle des problématiques rencontrées par les adolescent·es tant du point de vue des courants théoriques que des méthodes : La complexité des situations nécessite de sortir d’une approche essentialiste et individuelle des difficultés des élèves, pour prendre en compte la multiplicité des facteurs liés aux différentes formes de rapports aux savoirs, aux aléas du développement adolescent, notamment la quête identitaire, aux relations intersubjectives avec les pairs et avec les adultes.
  • Sur le code de déontologie des psychologues et sur une réflexion éthique qui amènent à questionner les dispositifs et les sollicitations pour y participer : Qui est à l’origine de la demande ? Quels modèles théoriques et quels dispositifs et protocoles sont proposés ? Quels sont les résultats de la recherche en psychologie sur la question ? Ces interventions sont-elles réservées à certaines catégories d’élèves ? Quelles sont les marges de manœuvre pour conserver une liberté de penser, d’analyse et d’actions ?
  • Sur la réflexion collective entre PsyEN et la légitimité qu’elle confère.

Devant les sollicitations diverses dont les PsyEN peuvent être l’objet, il est vital de préserver une réflexion collective sur les critères de qualité de notre travail.

Les transformations brutales imposées dans l’École percutent de plein fouet les métiers, les repères et les pratiques. Comme le développe C. Bittolo[1], le travail d’élaboration en équipe doit servir à « désintoxiquer » le mal être, la souffrance voire les pathologies qui affectent les institutions et pas uniquement les institutions de soins.

Imposer une protocolisation des manières de faire, brider toute transmission des acquis et de l’histoire des métiers, multiplier les procédures d’évaluation visant la conformité des pratiques à des normes définies en dehors de l’avis des professionnels, empêchent la réflexion collective et « dévitalisent les ressorts les plus vivants des processus de liaisons et de penser qui irriguent le travail d’équipe »[1], au risque de la perte de sens du travail et de la montée des tensions.

C’est grâce aux échanges entre PsyEN, et avec les membres des équipes que nous trouverons les ressources et une légitimité déterminée pour affirmer la spécificité de notre métier et de nos interventions.



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