Paysan•nes sacrifié·es

Le mouvement des agriculteurs et agricultrices a été lancé dans le sud-ouest par de petits éleveurs touchés par les maladies bovines et la sécheresse et demandant des revenus décents. Il s’est pour l’instant éteint brutalement après avoir été récupéré par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), laquelle a obtenu du gouvernement la satisfaction de certaines revendications, au prix de reculs sur le plan environnemental.

Les inégalités du monde agricole

L’agriculture française est clivée entre une production industrielle très lucrative et des exploitations paysannes. Ces dernières ont vu leur rentabilité, donc leurs revenus, s’effondrer, car elles bénéficient peu de la Politique agricole commune (PAC) européenne ; elles sont mises à mal par la concurrence internationale mais aussi par lacrosse écologique. Selon les données du ministère de l’agriculture reprises par le magazine Alternatives économiques, le revenu annuel moyen d’un agriculteur à temps plein tourne autour de 56 000€, mais il varie entre 12 9409€ pour les élevages porcins ou 89 600€ pour les grandes cultures, et 29 360€ et 19819€ pour les fruits et cultures permanentes, d’une part, et les élevages ovins et caprins, d’autre part. En outre, ce ne sont que des moyennes, la dispersion des revenus peut être grande au sein de chaque catégorie. Ce n’est donc pas en adoptant des mesures générales sur les pesticides ou le prix du carburant que sera rendu un revenu digne aux agriculteur, agricultrices et paysan·nes en difficulté. En outre, poursuivre l’usage de pesticides dangereux pour la santé, assouplir le processus d’autorisation de stockage de l’eau (les très contestées bassines) et mettre sous tutelle des préfets l’Office français de la biodiversité représentent un signal fort en direction de l’agriculture industrielle et intensive. Cela va renforcer inégalement les revenus des agriculteur·trices, sans résoudre la question du revenu des petit·es exploitant·es.

Le pacte vert abandonné ?

Le gouvernement français a choisi démagogiquement de s’en prendre à l’Europe (dont il a porté le projet), sans considération pour ses engagements écologiques. Lancé en 2020, le Green deal vise la neutralité carbone européenne en 2050.  Des dizaines de réglementations industrielles ont été adoptées (fin du moteur thermique en 2035, etc.) et l’Union planche actuellement sur les mesures agricoles et environnementales. Dans un contexte électoraliste pour de nombreux pays de l’Union, l’année 2023 a vu se multiplier les reculs, en particulier sur la taxation des carburants dénoncée par les agriculteur et agricultrices.

Le libre-échange se porte bien

Se négocient dans le même temps une série d’accords de libre-échange avec volet agricole. Instrumentalisé par le Président Macron, celui avec le Mercosur (Brésil, Argentine…) est en discussion depuis 25 ans! Dans le même temps, l’accord avec la Nouvelle-Zélande, ratifié en décembre 2023 sans grande couverture médiatique, va mettre en concurrence les producteurs de viande, de produits laitiers et de fruits européens avec leurs homologues de l’autre côté de la planète ! Alors que la moitié des exploitant·es agricoles prendra sa retraite à l’horizon 2030, il y a urgence à lancer une réflexion sur le soutien à donner à une agriculture respectueuse de l’environnement, produisant de la qualité, générant des revenus permettant aux paysan·nes de vivre dignement de leur travail.

Le syndicalisme dans l’agriculture
Les dernières élections aux chambres d’agriculture datent de 2019, il faudra attendre janvier 2025 pour mesurer d’éventuelles évolutions. La FNSEA a obtenu presque 55 % des suffrages, la Coordination rurale 20,5 et la Confédération paysanne 18,5. Même s’il est tentant d’assigner des couleurs politiques à ces trois organisations, la situation est plus complexe.  La FNSEA n’est pas homogène, elle a sur le terrain une position cogestionnaire et hégémonique, structurant les coopératives d’achat de matériel et de vente des productions, l’accès au crédit, aux terres (via les Safer, Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), mais aussi les liens sociaux. Quitter le syndicat est coûteux, économiquement et socialement. La Confédération paysanne milite en faveur d’une agriculture paysanne et non industrielle, elle est engagée dans le mouvement social. Ces positions lui valent une opposition féroce de la FNSEA. Elle est par ailleurs membre fondateur de l’Alliance écologique et sociale.

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