En 1982, les ministères de l’éducation et de la Défense ont pour la première fois signé un protocole voulant « conjuguer leurs efforts pour former des citoyens responsables ».
Trois autres ont suivi, en 1989, 1995 et enfin 2007, l’éducation à la défense prenant alors une place inexpugnable dans les programmes d’histoire-géographie, d’éducation civique et, depuis 2015, d’EMC.
Le partenariat est devenu plus étroit avec la suspension de la conscription et le « parcours de citoyenneté » conçu comme une succession d’étapes (dont le recensement et la journée d’appel) où interviennent enseignants et militaires. L’enseignement de défense est obligatoire, relève de la responsabilité du Ministère de l’Éducation nationale, et « a pour objectif d’aider les jeunes à comprendre les valeurs qui fondent la République et contribue à les préparer à leur devoir de défense ».
Education à la Défense : rompez !
Le site de l’académie de Clermont-Ferrand a mis en ligne dans sa rubrique formation pour l’EMC un Diaporama education à la défense proposant une séquence de 3e sur le thème de “La Défense” (en 3 heures), à destination des enseignants qui seraient “privés” d’interlocuteurs au sein de l’armée.
Il s’agit de mettre les élèves en activité (là est la nouveauté essentielle de l’EMC, par rapport à l’éducation civique…) en leur proposant un jeu de rôle d’un goût particulièrement douteux : “Diviser la classe en 5 groupes. Expliquer à chaque groupe qu’il constitue une ennemi impitoyable de la France et qu’il doit mener une attaque contre cette dernière en 2015. Question : comment allez-vous procéder ?”
La suite de la présentation consiste en une étude de cas qui n’est autre qu’un éloge (en 7 diapositives !) du VBCI : bien que “doté d’une grande puissance de feu…” il peut être “bien accepté par les populations locales” et pour finir “moins cher à l’achat, à l’entretien, et consomme moins”.
Pratique, l’EMC, on fait d’une pierre quatre coups !
– de la pédagogie innovante,
– le travail de recrutement pour l’armée,
– du développement durable,
– et la promotion de l’industrie d’armement française.
Le SNES-FSU a dénoncé l’initiative et la section académique de Clermont-Ferrand est intervenue directement auprès de la rectrice qui l’a fait retirer du site. Les professeurs d’histoire-géographie sont convaincus de l’utilité sociale de leur discipline, à savoir former des citoyens critiques et leur permettre de discerner les discours d’endoctrinement.
Mettre en débat la pertinence de l’éducation à la Défense dans les programmes
Après la publication d’une bibliographie politiquement orientée et peu scientifique sur le site de l’académie de Créteil, après “l’affaire” des fusils d’assaut mis dans les mains d’enfants à Flastroff, on peut légitimement douter du bien-fondé d’une éducation à la défense inscrite dans les contenus d’enseignement par la loi et intégrée au “parcours de citoyenneté”.
L’épisode de Clermont-Ferrand vient conforter la position du SNES-FSU, qui réclame à chaque refonte des programmes le retrait des items sur l’éducation à la défense. Mais c’est bien ce partenariat qu’il conviendrait de soumettre à un plus large débat.