De quoi s’agit-il ?
Une heure élève hebdomadaire de projet interdisciplinaire au cours de laquelle sont croisés les enseignements de langues anciennes et langues vivantes étrangères et régionales (LVER) autour de thématiques choisies pour envisager dans leur ensemble les contenus culturels (linguistiques, littéraires, historiques, artistiques) afin que « les élèves prennent conscience des écarts, des différences et des emprunts dans le dialogue des cultures ». Les objectifs proclamés sont à la fois « le déploiement de l’enseignement des LCA » et le « renouvellement de l’enseignement des langues ».
Le parcours est « ouvert de la 5e à la Terminale », il ne se confond donc pas avec l’option facultative en 6ème Français et Culture Antique.
Il n’a pas non plus vocation à remplacer l’option facultative du lycée puisqu’il est précisé que les lycéens peuvent entrer dans le parcours s’ils suivent l’option LCA ou la spécialité LLCA.
Chaque élève effectuant ce parcours doit présenter « à la fin du cycle 4 et du cycle terminal » un projet « autour des influences et des liens entre les langues et les cultures étudiées ».
Un enseignement fourre-tout
Selon les déclarations du ministre, en novembre, il était question de coupler les LCA avec les langues de la Méditerranée mais visiblement, d’après la circulaire, c’est toutes les langues vivantes étrangères et régionales qui peuvent être concernées par cette association aux LCA. Il pourrait même y en avoir plusieurs à la fois. Bref, c’est à chaque établissement, voire à chaque élève, de bâtir la cohérence de son parcours et cela risque fort de poser de sérieux problèmes d’organisation, comme l’explique l’article rédigé par les professeur.e.s de LVER.
De fait, il n’y a aucun programme.
Quant au projet, il doit émaner de l’élève. Présence de disciplines complémentaires, format de projet, durée de mise en œuvre, élaboration et présentation individuelle ou collective, tout est possible à partir du moment où LCA et LVER sont présentes.
Dans ces conditions, l’ensemble des niveaux du cycle 4 ou du lycée est susceptible d’être regroupé sur un horaire commun.
Cela laisse supposer un véritable casse-tête pour les emplois du temps mais c’est une aubaine sur le plan des moyens : 1h de DGH, voire des HSE pourraient suffire à financer ce qui s’apparente plus à un atelier qu’à un enseignement.
D’importantes zones de flou
Comment sera prise en compte cette heure dans les services au vu de la souplesse proposée ? En effet, la co-intervention est possible ou bien les professeur.e.s peuvent se relayer (et donc ne pas assurer 1h par semaine).
S’il est noté que le projet construit par l’élève doit être présenté à la fin du cycle 4 et du cycle terminal, on ne sait pas quand l’élève peut intégrer ce parcours « ouvert de la 5e à la Terminale » : à n’importe quel moment de sa scolarité ou au début de chaque cycle ? Faut-il également comprendre que l’élève s’engage à suivre ce dispositif au collège et au lycée, et donc à présenter deux projets ?
Puisqu’aucune épreuve à proprement parler n’est définie, l’évaluation prévue n’en est pas une !
Au collège, est offerte la possibilité de présenter le projet à l’oral du DNB et de l’insérer dans le parcours citoyen ou dans le parcours d’éducation artistique et culturelle.
Au lycée, la participation des élèves à cet enseignement sera valorisée par une mention dans le dossier de Parcoursup et dans le livret scolaire dans la partie “engagements et responsabilités de l’élève au sein de l’établissement”. Il fallait y penser ! Choisir un enseignement supplémentaire, c’est donc s’engager et être responsable ! C’est sans doute à l’engagement dans la sauvegarde des langues anciennes qu’il est fait référence….
Des points positifs ?
- Certain.e.s y trouveront peut-être un espace d’enseignement sans contrainte, un espace de liberté pédagogique dans lequel la dimension de projet sera première.
- Dans les établissements où ce parcours serait dynamique, peut-être entraînera-t-il des inscriptions en LCA puisqu’il faut suivre cet enseignement pour y participer.
- Ce parcours permettra d’avoir un espace pour la préparation de voyages linguistiques et culturels et de travailler en équipe avec les collègues de LVER, mais sans temps de concertation prévu et rémunéré.
Nos demandes
Toutefois, il nous semble que l’on pourrait avoir bien plus d’ambition pour les LCA et pour nos élèves, autour des langues romanes : une heure de co-enseignement ou d’enseignement partagé avec de véritables contenus linguistiques, culturels ; une mention « parcours roman » au diplôme du DNB ou du baccalauréat pour les élèves qui l’auraient suivie.
Mais, avant tout, le SNES-FSU continue de revendiquer des horaires de LCA fléchés et garantis dans tous les établissements afin que cet enseignement soit valorisé dans les faits et non pas seulement dans des discours patelins qui tentent de masquer une marginalisation des langues anciennes, sinon leur dissolution programmée.
Ce qu’en disent nos syndiqué.e.s
« C’est grandiloquent, on nous parle de “parcours Mare Nostrum”, de “déploiement”, de “croiser les enseignements”, de “valoriser un regard culturel croisé”, alors que nous n’avons plus d’heures ni d’élèves pour simplement faire du latin correctement (sans parler du grec). »
« J’ai cherché en vain la phrase “chaque établissement sera doté d’une heure supplémentaire dédiée à ce parcours”. J’imagine qu’il faudra la prendre sur la marge, comme on dit, peut-être en amputant d’une heure l’horaire de latin? »
« Ce beau projet bien vendu me rappelle le n’importe quoi, avec n’importe qui, et surtout aucun moyen des EPI de collège. À la fin, nous ramassons les miettes, et fermons les options. C’est cela concrètement, la moulinette à projets depuis 20 ans. »
« Tout cela pour masquer la disparition voulue du latin-grec : faire semblant d’accorder un grand intérêt au latin-grec et EN MÊME TEMPS ne pas nous donner ce que nous réclamons depuis la réforme du collège 2016 : des heures fléchées ! »
« Ce que nous devons exiger, ce sont des heures spécifiques pour le latin et le grec dédiées dans la DHG comme toutes les autres disciplines avec des volumes horaires nationaux, 2h minimum par niveau. Il faut aussi une valorisation sans équivoque de ces options aux examens pour reconnaître l’investissement sur le long terme des élèves. »
« On peut sourire aussi face à la soi-disant valorisation des langues régionales quand on voit des rectorats faire tout leur possible pour supprimer ces enseignements dans certains établissements. »