La plupart des CSA académiques et départementaux se sont pourtant déjà réunis et les équipes préparent la rentrée 2023.
Le ministre persiste et signe : les recteurs et IA-DASEN doivent mettre en œuvre les dispositions prévues dans cette note, même si aucun texte réglementaire ne modifie pour l’instant l’arrêté d’organisation des enseignements en vigueur au collège. Cette note indique les modalités de mise en œuvre sur le terrain du bouleversement annoncé.
« Savoirs fondamentaux » vs technologie
L’objectif du ministère est que la mise en place d’une heure de consolidation ou d’approfondissement en mathématiques ou en français pour tous les élèves de Sixième soit sans conséquence sur les moyens de l’établissement et que le volume horaire des 26 h élève soit conservé. Le contenu des heures de consolidation ou d’approfondissement se fera autour de quelques « compétences clés » restrictives : orthographe, fluence, calcul mental, …
Son financement se fera en partie par la diminution de l’horaire globalisé de sciences et technologie en classe de Sixième, ramené à 3 heures hebdomadaires aux dépens de la technologie. C’est pourtant bien la totalité de l’enseignement de technologie qui est supprimée ! Dans les établissements qui ont choisi en 2016 de conserver l’horaire antérieur d’1h30 de technologie en Sixième, la répartition des 3 heures se fera désormais entre les enseignements de SVT et de physique-chimie. Par ailleurs, si des professeur·es de SVT et physique-chimie avaient précédemment accepté d’enseigner la partie technologie à ce niveau, ils pourraient voir aussi leur poste fragilisé.
Le ministre a d’ailleurs saisi le Conseil supérieur des programmes (CSP) afin de réduire en conséquence le programme de sciences et technologie de cycle 3. Il subsistera des notions de technologie que le ministère estime pouvoir être enseignées sans difficulté par les professeur·es de SVT et physique-chimie.
Aucune réflexion pédagogique n’a présidé à à cette décision purement comptable et budgétaire.
Supprimer une discipline qui manque de professeur.es
Pourquoi la technologie ? Le ministère profite de la crise de recrutement qu’il a lui-même créée et amplifiée avec la fermeture du concours CAPET technologie depuis 2012.
Le ministère demande aux recteurs et rectrices d’éviter les mesures de carte scolaire pour les professeurs titulaires de technologie, les enjoignant à utiliser leurs services pour tout et n’importe quoi ! Il prévoit que « les éventuels sous-services » [1] pourront combler les heures laissées par d’actuelles vacances de postes ou par la formation liée au renouvellement planifié du programme de technologie en cycle 4 avec une partie axée sur la découverte des métiers dès la Cinquième. Les professeur·es de technologie sont aussi appelé·es à intervenir en mathématiques ou en français dans l’heure d’approfondissement, en sciences en Sixième ou encore pour « Devoirs faits ».
C’est donc un vaste plan social pour les non-titulaires, particulièrement brutal ! (environ 2 000 heures de technologie récupérées dans l’académie de Lille, ou à Grenoble entre 71 et 106 ETP – emplois temps plein- de technologie supprimés). Empêcher un.e professeur.e d’exercer son métier dans la discipline pour laquelle il ou elle est spécialisé.e et le basculer sur d’autres disciplines, c’est une maltraitance typique du neomanagement à l’œuvre dans notre ministère.
Primarisation à l’ombre du Pacte
Cette heure de mathématiques ou français s’adressant à tous les élèves s’organisera en session en fonction des besoins établis suite aux évaluations de début d’année. Il s’agira donc de groupes de niveau interclasses organisés « en barrette ». Pour que ces groupes existent en effectif réduit, il faudra encore prélever sur les 3 heures de marge et donc renforcer la concurrence avec d’autres dispositifs préexistant. Éventuellement, cela peut fragiliser les postes de professeur.es de français, de mathématiques lorsque des dispositifs préexistaient.
Il sera possible de faire appel à des professeur·es des écoles pour assurer les séquences de consolidation. « La participation de professeurs des écoles sera sans effet sur les moyens des DGH des collèges ». Le ministère prévoit le financement en mobilisant l’enveloppe HSE du programme 140 (enveloppe budgétaire du 1er degré) ou dans le cadre des missions nouvelles au titre du Pacte (mais sans que cela soit défini et acté à ce jour !).
Ce levier s’avère être une nouvelle usine à gaz car « il conviendra de privilégier des créneaux horaires compatibles avec leur disponibilité »… donc en fin de journée ou le mercredi matin en fonction des rythmes scolaires des écoles de secteur. Rappelons que le code de l’éducation (article R421-2-2) prévoit que la pause méridienne ne peut être inférieure à une heure trente et que la durée des enseignements dispensés aux Sixièmes ne peut dépasser six heures par jour, sauf dérogation académique.
L’objectif n’est pas le bien être et la réussite des élèves, mais bien de développer la primarisation du collège. Une fois de plus, les professeur·es des écoles sont présenté·es comme les professionnel.les de la difficulté scolaire, par opposition aux professeur·es de collège et lycée. La note prévoit également que « des échanges de services entre enseignants du premier et du second degrés, dans le cadre de leurs obligations de service et selon des modalités qui seront ultérieurement précisées, pourront également être mis en œuvre au vu des objectifs pédagogiques poursuivis. ». On se rapproche du modèle de professeur·es de « socle » nourri par ce gouvernement ou des établissements de savoirs fondamentaux voulus par J.M. Blanquer et expulsés de la loi « Pour une école de la confiance » grâce à la mobilisation.
Généralisation de Devoirs faits
Le ministère prévoit également la généralisation de Devoirs faits pour toutes et tous les élèves de Sixième. Cela devra se faire sans diminuer l’offre sur les autres niveaux dans les collèges, donc avec l’ouverture de créneaux supplémentaires et des personnels pour les assurer.
Le problème des emplois du temps se posera de nouveau. Le ministère se garde bien de préciser le volume horaire ou la taille des groupes. Ce qui compte, c’est l’affichage et une heure hebdomadaire de Devoirs faits en classe entière suffira bien pour en faire parade. Pour les personnels, ce seront des heures supplémentaires effectives et surtout des vies scolaires dépeuplées de leurs AED prépro ou non : dans le cadre de leur service ou en leur proposant des heures supplémentaires, dans la continuité des déclarations de J.M. Blanquer sur la revalorisation des AED. Pour évacuer les problèmes d’emplois du temps et de transports scolaires, la note indique qu’ « E-Devoirs faits » et le recours à des associations extérieures sont des « leviers à mobiliser ».
Par ces dispositions, le ministère fait fi des textes réglementaires en vigueur. Derrière l’empilement de mesures ponctuelles mal cadrées et inefficaces (suppression de la technologie, heure de consolidation ou d’approfondissement, généralisation de Devoirs faits…), c’est à la fois l’esprit du collège ainsi que les disciplines et nos métiers qui sont attaqués. L’accélération des interventions croisées des PE et des PLC, respectivement en collège et dans le premier degré rapproche le collège du modèle d’école fondamentale évité à l’époque de la loi Haby mais toujours défendu par certains syndicats.
Le SNES-FSU appelle à s’opposer à ces attaques contre le collège :
- en signant la pétition contre la suppression de la technologie ;
- en intervenant en Conseil d’administration pour demander le rétablissement des heures de technologie, en dénonçant ce coup de force du ministre par une motion et en s’opposant à un TRMD qui entérine la disparition de la technologie ;
- Les collègues de technologie peuvent saisir les FS-SST (formations spécialisées en Santé Sécurité au Travail, ex CHSCT) en remplissant des fiches SST dans leur collège pour dénoncer les annonces anxiogènes et méprisantes du ministre sur leur discipline. Les représentant-es du SNES-FSU les relaieront dans les instances départementales et académiques, comme cela a déjà été fait en FS-SST ministérielle.
- en interpelant nos élu·es à l’Assemblée nationale et au Sénat pour que cette question soit portée au niveau national. Le modèle de courrier est téléchargeable sur cette page.
[1] Le « sous-service » n’existe pas puisque les ors des professeurs ne prévoient que des « maxima de service »