I – L’ENFANT, L’ADOLESCENT ET LA TECHNIQUE
Pour le SNES, la construction d’une culture technique, sur toute la scolarité obligatoire, doit être portée par une discipline d’enseignement général. La production technique est une activité fondamentale des Hommes qui impacte le monde légué par la nature ou lui superpose un monde artificiel. La production et l’usage d’outils caractérisent le genre humain. Il est normal que les enfants des hommes s’exercent et s’ouvrent à une activité de production indispensable à leur appropriation du monde. Le monde de la technique est le monde construit par l’Homme.
La technologie à l’école vise à permettre aux élèves de s’approprier ce monde technique hérité et en permanente évolution, afin qu’adultes, ils puissent participer à sa critique et à son développement.
II – RETOUR SUR 20 ANS DE DEGRADATION DISCIPLINAIRE
Sur cette période nous observons principalement un recul de la motivation des élèves pour lesquels le sens des activités s’est perdu. Les parents sont incrédules devant un enseignement devenu bien souvent incompréhensible.
La souffrance des professeurs s’est progressivement installée.
Plusieurs causes convergent :
Le concept de technique dans son inclusion au socle commun et dans sa déclinaison dans les programmes était confus.
Sans être liée à une réelle réduction du nombre d’élèves, le nombre d’enseignants de technologie a subi une diminution drastique, passant en quelques années de 19000 à 12000 avec pour conséquence la disparition de l’enseignement en groupes et un net recul des pédagogies actives.
Le milieu technique scolaire initialement riche a été progressivement défait au profit d’une informatique moins coûteuse. Les ateliers ont été détruits. La conséquence immédiate a été que les élèves ne produisent plus d’objets utiles. Le sens disparaît. La pièce poubelle collective, lorsque la production subsiste encore, est devenue la règle.
La toile de fond de cette carence est la réduction des moyens accordés au service public.
Fondamentalement cela est dû à une carence de l’Etat dans sa réflexion prospective et particulièrement dans sa réflexion sur l’initiation d’une culture technique à l’école avec pour toile de fond la réduction des moyens accordés au service public.
Sans boussole la nomination des inspecteurs généraux fut hasardeuse entraînant un turn over d’Inspecteurs pédagogiques régionaux, peu motivés par une discipline dont ils conservent une vision souvent contradictoire.
En l’absence d’une volonté politique d’instaurer une réelle culture technique à l’école le modèle technique libéral s’est imposé avec ses mots clefs et ses dogmes.
Aujourd’hui, la technologie au collège, sans CAPET spécifique, sans Agrégation, sans réelle formation des enseignants, subit des perturbations qui entraînent une dangereuse volatilité de ses objectifs et de sa définition.
III – LES PROGRAMMES DE 2006-2008 DE TECHNOLOGIE
Une approche contestable
On notait un cadrage du travail des enseignants et une orientation disciplinaire restrictive et contestable vers les sciences de l’ingénieur et les sciences-appliquées que le Snes-FSU a dénoncé.
Après une introduction commune aux mathématiques, aux sciences et à la technologie, l’enseignement de technologie était organisé autour de six approches interdépendantes et indissociables, selon les rédacteurs (conception, évolution et processus de réalisation des objets techniques, énergies, matériaux et communication et gestion de l’information).
L’acquisition des connaissances et capacités associées à chacune de ces six approches devait être organisée dans une continuité stricte et régulière sur les quatre années du collège dans une structure spiralaire. On imposait aux enseignants d’utiliser des objets appartenant pour chaque niveau à un domaine d’application (moyens de transport, habitats et ouvrages, domotique) et pour l’année de 3ème la mise en œuvre d’un ou plusieurs projets collectifs.
Des documents complexes et contraignants
Présenté sous la forme de plusieurs tableaux, les programmes comptaient une trentaine de pages avec des repères de progression indiqués pour chaque approche, associés à chaque niveau.
Le Snes-FSU avait dénoncé un énoncé complexe peu explicite et totalement impossible à appréhender par les élèves ou leur famille.
De volumineux documents d’accompagnement, d’origines diverses, ajoutaient, sans les justifier, de nombreuses contraintes à la mise en œuvre dans les classes en fixant les démarches pédagogiques, le matériel et même l’organisation de l’espace de travail “devenu laboratoire”.
V – LES PROGRAMMES DE 2016 DE SCIENCES ET TECHNOLOGIE POUR LE CYCLE 3
Une introduction tape à l’œil
La réforme du collège impose, par la globalisation des horaires des trois disciplines, un programme unique rapprochant sciences et technologie pour le cycle 3. Le texte d’introduction qui donne les orientations globales fait déjà apparaître plusieurs distinctions entre sciences et technologie, entre découverte, expérimentation et fabrication. Pour la technologie, deux phrases semblent reconnaître la place de la fabrication inscrite dans la démarche de projet technique :
dans leur découverte du monde technique, les élèves sont initiés à la conduite d’un projet technique répondant à des besoins dans un contexte de contraintes identifiées.
Les travaux menés donnent lieu à des réalisations ; ils font l’objet d’écrits divers retraçant l’ensemble de la démarche, de l’investigation à la fabrication.
Il est bon de rappeler que pour développer l’habileté manuelle et expérimentale comme cela est évoqué dans l’introduction de ce programme, les enseignants devront exiger la mise en place indispensable de groupes à effectifs réduits.
Le tableau des compétences travaillées
Ce tableau liste, en relation avec chaque domaine du socle, pour les disciplines regroupées sur les trois années, de façon globale et équilibrée, les compétences travaillées. Elles sont toutes interprétables en technologie, sauf une, Organiser seul ou en groupe un espace de réalisation expérimentale, davantage apparentée à une approche scientifique.
Quatre thèmes mal pensés divisent le programme en trois programmes mono-disciplinaires
Dans la suite le programme de sciences et technologie est découpé en quatre thèmes. On le verra, la discipline technologie est pourtant exclue de trois d’entre eux.
Dans le premier thème : Matière, mouvement, énergie, information, la notion de fabrication apparaît dans la troisième partie en relation avec l’énergie, ici en lien avec ce qui est nécessaire pour produire ou faire fonctionner un objet technique. Dans cette séquence, l’élève, sans produire lui même l’objet étudié, restera observateur et ce thème ne concernera en fait que les sciences physiques. Certains liens avec la technologie pourront juste être évoqués et les connaissances et compétences associées à ces liens ne seront qu’au mieux réutilisées comme exemple lors des enseignements scientifiques.
Dans le deuxième thème : Le vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent, on demande à l’élève d’Expliquer [ ] l’origine et les techniques mises en œuvre pour transformer et conserver les aliments, on constate que toutes les connaissances et compétences associées font appel uniquement à des concepts scientifiques et que la technologie n’est pas véritablement concernée.
Le troisième thème : Matériaux et objets techniques, ne sera, lui, traité qu’en technologie. Pour ce thème les connaissances et compétences associées sont explicites, les repères de progressivité sont clairement précisés pour chaque niveau et les attendus de fin de cycle sont compréhensibles.
Pour le quatrième thème ; La planète Terre. Les êtres vivants dans leur environnement, où on demande à l’élève d’ Identifier quelques impacts humains dans un environnement (aménagement, impact technologique…) les connaissances et compétences associées (Aménagements de l’espace par les humains et contraintes naturelles ; impacts technologiques positifs et négatifs sur l’environnement.) sont très éloignées de celles travaillées en technologie et nécessiteront, si elles doivent y être abordées, l’apport indispensable de l’enseignant de SVT sous la forme d’une co-intervention.
De fait, le découpage en quatre thèmes réintroduit trois entrées mono-disciplinaires qui permettront très peu de liaisons. Naturellement les thèmes seront globalement répartis ainsi : Matière, mouvement, énergie, information pour la Physique-chimie ; Le vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent et La planète Terre, Les êtres vivants dans leur environnement pour les SVT ; Matériaux et objets techniques pour la Technologie.
Les liens qui auraient pu être construits entre matière et matériaux associés aux thèmes 1 et 3 n’ont pas été recherchés, ce qui laisse penser que les thèmes ont été rédigés de façon indépendante. Cette partie du programme a ignoré qu’en technologie, dans le cadre d’une recherche de solution à un problème posé ou lors d’une production technique, les élèves peuvent facilement travailler des connaissances scientifiques acquises ailleurs. (Voir encadré “Interdisciplinarité, pluridisciplinarité ou EPI”)
Il est dommage qu’un programme décliné du socle commun de connaissances, de compétence et de culture et de ses 5 domaines où chaque discipline trouve une réelle place offre aussi peu de cohérence.
Une organisation complexe à envisager dans le cadre de la réforme du collège
La répartition et l’organisation des progressions et des horaires des 3 niveaux de ce cycle va poser problème aux enseignants de chaque collège et de l’ensemble des écoles de leur secteur. Il faudra décider de qui fait quoi, comment et jusqu’où avec les élèves pour chacun des niveaux.
Pour ne pas mettre les collègues en difficulté professionnelle, le SNES-FSU continuera de faire pression pour obtenir, au moins dans les documents d’accompagnement, des repères annuels permettant de définir une progression cohérente de l’enseignement des sciences et de la technologie sur l’ensemble du territoire.
Pour rassurer les collègues de collège, inquiets de devoir construire une forme d’interdisciplinarité, il est écrit qu’ “En fin de cycle 3, lors de l’année de 6e, la globalisation de l’horaire sciences & technologie vise à faciliter un travail concerté entre professeurs, afin de poursuivre l’approche interdisciplinaire rencontrée en primaire.” Pourtant, de nombreuses recherches menées au primaire montrent que la présence d’un enseignant unique ne suffit pas à construire l’interdisciplinarité. Ensuite, on sait qu’au collège la globalisation de l’horaire ne facilitera en rien l’interdisciplinarité car c’est la construction des programmes eux même et le temps donné aux enseignants pour se concerter qui induiraient sa construction.
Un regroupement disciplinaire difficilement réalisable
On peut émettre l’hypothèse que les rédacteurs du programme se soient trouvés, comme les équipes d’enseignants lancées depuis 10 ans dans l’expérimentation de l’EIST, face à la difficulté que le SNES-FSU a dénoncée sans relâche (Voir encadré). Le regroupement sciences et technologie est tant artificiel que les rédacteurs ont été incapables d’instaurer les liens entre les trois disciplines dans un programme global.
De fait, même pour l’étude d’une notion simple, la position, le regard disciplinaire, le lieu “d’où l’on cause” fait que la connaissance ou la compétence, lorsque celle-ci est associée à l’une ou l’autre des disciplines, n’est, au mieux, pas réellement de même nature, au pire, reste en marge des autres disciplines elle-même.
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Programme de cycle 3 et EIST (Enseignement intégré des Sciences et Technologie)
Le SNES-FSU a obtenu la suppression de toute référence explicite à l’EIST, et même de façon plus générale à une interdisciplinarité forcée, dans les programmes de cycle 3.
Cet enseignement « intégré » – le principe étant que l’enseignement de la physique-chimie, des SVT et de la technologie soit effectué par un enseignant unique, en quelque sorte trivalent – continue à être suspendu tel une épée de Damoclès sur la tête des enseignants de 6ème, fortement suggéré par la nouvelle structuration de l’enseignement des sciences et technologie en classe de 6ème d’une part et de l’écriture des programmes de « Sciences et Technologie » de cycle 3 d’autre part.
Ce dispositif expérimenté depuis plusieurs années dans des conditions pourtant très privilégiées (groupes, heures de concertation, support de chercheurs…), loin d’avoir prouvé son efficacité en terme de réussite des élèves, place les collègues en difficulté importante lors de l’enseignement d’une discipline éloignée de celle de leur formation initiale, sans apporter de bénéfice en terme d’apprentissage pour les élèves.
Le SNES-FSU dénonce la pression pour imposer sans le dire l’EIST par la fusion des programmes de PC, SVT et Technologie en un seul programme sans aucun sens pédagogique compte tenu des démarches et objectifs disciplinaires spécifiques de chacune des disciplines.
Le SNES continue de combattre la logique de regroupement des disciplines scientifiques expérimentales et de la Technologie, associée à l’idéologie « EIST ».
Rien n’oblige donc les collègues à accepter une telle situation d’enseignement, qui semble être fortement suggérée par nombre de chefs d’établissements ces dernières semaines. Les Inspections générales de PC et de SVT nous ont d’ailleurs explicitement précisé, lors de nos récentes entrevues, que ce fonctionnement doit rester sur la base du volontariat des équipes et n’a pas vocation à être généralisé.
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V – PROGRAMME DE 2015 DE TECHNOLOGIE POUR LE CYCLE 4
Une introduction alléchante qui est ignorée dans la suite du programme
La technologie est présentée pour ce cycle, comme offrant des ouvertures pour les diverses poursuites d’études. Il est aussi rappelé que Discipline d’enseignement général, la technologie participe à la réussite personnelle de tous les élèves.
Pourtant cela n’est que vœu pieux car dès la présentation des trois dimensions que ce programme doit développer, puis des trois thématiques, qui en sont soit disant issues, on a la confirmation d’une réorientation réductrice et inacceptable de la technologie au collège. Limitée aux champs particuliers des sciences et techniques industrielles, la technologie ignore au collège les autres champs technologiques des voies des lycées technologiques et généraux comme les sciences sociales, l’économie et la gestion de l’entreprise, l’aspect technique des biotechnologies ou de l’informatique et de la création numérique associés aux médias et les champs particuliers des lycées professionnels liées à la production, à l’entretien et à la maintenance, aux services et aux commerces de toutes natures.
Des dimensions et des thématiques volontairement réductrices
Les trois dimensions imposées, d’ingénierie – design, socio-culturelle et enfin scientifique sont très réductrices au regard des compétences listées dans les cinq domaines du socle commun qui pouvaient être associées à d’autres champs technologiques : Par exemple dans le vaste champs de la mercatique, la présentation et l’interprétation des résultats d’une enquête précisant un marché, l’organisation d’une action de promotion ou de présentation d’une production auraient permis de présenter aux élèves du collège des compétences qu’ils développeront pour certains ensuite au lycée.
Le découpage imposé du programme en trois thématiques artificielles, – le design, l’innovation, la créativité – les objets techniques, les services et les changements induits dans la société – la modélisation et la simulation des objets techniques – reprend la logique des programmes de ST2I, qui n’a pourtant pas fait l’unanimité au lycée. Les repères annuels, dont l’absence était pourtant dénoncée par une très forte majorité de la profession, sont remplacés par des « repères de progressivité » totalement abscons et inexploitables (voir plus loin). Avec la contrainte très forte d’une structure spiralaire sur les trois années, le défi pédagogique sera grand pour conserver l’intérêt des élèves et éviter les redondances (notions à aborder plusieurs fois au cours du cycle).
Un vocabulaire peu explicite et des compétentes fantaisistes très éloignées du socle commun
La terminologie claire, stabilisée et unifiée, le vocabulaire explicite, n’ont pas été recherchés comme le laisse particulièrement apparaître dès l’introduction du cycle 4 le terme “design” qui ne compte pas moins d’une dizaine d’acceptions et qui n’est ici jamais défini. (Un lexique a été présenté dans une première version des programmes, mais, non satisfaisant, il a été renvoyé aux documents d’accompagnement à venir.)
Dans un premier tableau sont listées des “compétences travaillées”, qui ne correspondent plus que de très loin à celles du socle commun dont elles devraient pourtant être issues et aux 5 domaines de celui-ci auxquels elles sont associées de façon bien souvent fantaisistes. Bon nombre d’entre elles sont réinterprétées ou bizarrement n’apparaissent plus dans la suite du programme et ne sont donc pas explicitées ou opérationnalisées.
Quelques exemples :
– Exprimer sa pensée, associé dans le programme au domaine 2, l’est dans le socle au domaine 1.
Traduire n’est pas une compétence du socle et encore moins associées au domaine 2.
La référence au projet construit et organisé en classe par l’élève est associé dans le socle au domaine 2, mais dans le programme au domaine 5. Il n’y est de plus associé qu’à des réalisations virtuelles basées sur l’usage du numérique.
Certaines compétences du socle sont adaptées pour coller à une vision particulière que le programme veut imposer :
– Adopter un comportement éthique et responsable doit permettre de Développer les bonnes pratiques de l’usage des objets communicants. Sans autres précision de ce qu’est réellement un objet communicant pour les rédacteurs, il sera ardu pour un enseignant de faire acquérir cette compétence à ses élèves et encore plus délicat d’en faire l’évaluation sans être trop intrusif, l’usage de ces objets restant bien souvent du domaine privé de l’élève et de sa famille.
D’autres compétences laissent apparaître une forte redondance :
– Imaginer des solutions en réponse au besoin qui en technologie induit déjà – Imaginer, concevoir et programmer des applications informatiques nomades.
– Exprimer sa pensée à l’aide d’outils de description adaptés : croquis, schémas, graphes, diagrammes, tableaux (représentations non normées) qui aurait pu éviter la compétence suivante – Traduire, à l’aide d’outils de représentation numérique, des choix de solutions sous forme de croquis, de dessins ou de schémas. Le terme traduire étant ici peu approprié puisqu’il s’agit bien d’exprimer une pensée, un choix, une idée…
Une désagréable perception d’un détournement et d’une tromperie
En outre, d’autres compétences explicitement citées dans le socle, fédératrices de la technologie, portées et reconnues par la profession, reprises dans le volet 2, sont étrangement absentes du volet 3 du programme. Le SNES-FSU avait demandé leur réintroduction en déposant notamment de nombreux amendements en commission spécialisée et en CSE. Il n’a pas été entendu.
Ainsi il est fort dommage que des connaissances et compétences des 5 domaines du socle commun, pourtant rappelées dans l’introduction générale des programmes du cycle 4 soient au final largement ignorées dans le programme de technologie. Nous sommes inquiets que, pour participer à la réussite personnelle de tous les élèves et leur offrir des ouvertures pour les diverses poursuites d’études, en relation avec ; imagine, conçoit et produit des objets, des services et des systèmes techniques, les seules productions techniques citées sont virtuelles et n’appartiennent qu’à des activités pratiques et d’usage de l’outil numérique.
Des connaissances et compétences librement interprétées du socle commun
Pour les 3 thématiques du programme, la présentation en tableau des “connaissances et compétences associées” laisse elle aussi apparaître beaucoup d’imperfections.
Certaines reformulations ou interprétations à partir des “compétences travaillées” listées dans le premier tableau restent peu explicites. D’autres “connaissances et compétences associées” qui apparaissent dans les parties du programme présentées par thématique ne semblent avoir aucun lien avec l’une ou l’autre des “compétences travaillées”. C’est le cas pour l’ensemble de la thématique “l’Informatique et la programmation”, ce qui laisse penser que cette partie est un ajout mal intégré dans l’ensemble du programme de ce cycle.
Des enseignants et leur liberté pédagogique bafoués
Le SNES-FSU déplore que des pratiques et des démarches pédagogiques soient imposées, comme l’est l’ “investigation”, par des allusions répétées sans qu’il soit explicitement fait référence à des activités de recherche ou d’observation scientifiques dont ce terme devrait rester l’exclusive.
Il suffit de consulter les repères de progressivité présentés pour constater qu’ils que souvent, explication ou réinterprétation des programmes eux-mêmes, ils restent relativement opaques et n’apportent aucune précision,
Quelques exemples de repères de progressivité qui nous laissent dubitatifs :
– Les projets à caractère pluri-technologique seront principalement conduits en 3e.
– Cette thématique a vocation à conduire les élèves à comparer et analyser les objets et systèmes techniques.
– Considérant que la technologie n’est pas extérieure à la société, il s’agit de nouer des liens avec le monde social.
– C’est à l’occasion de croisements disciplinaires et en traitant de questions d’actualité que cette thématique devient « matière » à relier et à contextualiser.
– La notion de respect des usages des objets communicants inclut le respect de la propriété intellectuelle dans le cadre de productions originales et personnelles.
– Elle interroge les élèves sur le respect dû à chaque individu dans et en dehors de la classe.
Seule la partie sur “l’informatique et la programmation” présente des repères de progressivité exploitables et cohérents. On peut regretter que cette thématique n’ait pas été incorporée au programme dans une réflexion globale qui aurait apporté un peu de cohérence à l’ensemble du texte.
Technologie au service des élèves ou de l’institution elle-même ?
Ces nouveaux programmes qui cantonnent la technologie à une science d’observations et de manipulations autour de quelques réalisations de maquettes ou de montages de prototypes expérimentaux, orientent une lecture des contenus et limitent les pratiques de classe. Il n’est pas réaliste de vouloir dès le collège, favoriser les orientations dans les sections de STI des lycées au prétexte qu’elles seraient délaissées. Les derniers chiffres de rentrée de plus en plus alarmants montrent que ce dévoiement n’a aucun effet bien au contraire. Cette vision dangereuse réduit les objectifs de l’enseignement de la technologie à la formation d’exécutants utilisateurs devenus incapables du moindre acte technique.
Avec ces programmes, l’élève est plus observateur que producteur et cela est en contradiction avec la dimension donnée à la culture technologique par le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
Enfin, alors que celle-ci concerne plus de 60% des emplois en France, la dimension “service” est écartée des activités de production même si, dans le programme, “objets et services” sont associés à la liste des objets d’étude. Cette dimension aurait pu au moins apparaître de façon explicite dans la partie sur “l’informatique et la programmation”. C’est peut être pour empêcher toute tentative de l’associer à une production réelle avec les élèves, qu’on a pris soin de limiter strictement les supports des projets à des objets “communicants” où la dimension ‘service” ne peut que difficilement s’inscrire.
Pour que des temps de productions et d’activités de toutes natures, associées à la technologie, soient réellement reconnus et puissent être mis en œuvre, les dotations horaires des établissements doivent permettre un enseignement en groupes réduits.
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Interdisciplinarité, pluridisciplinarité ou EPI :
Il est étrange, de constater aujourd’hui, que notre discipline soit aussi malmenée aujourd’hui alors que depuis sa création en 1984 elle permettait une approche pluridisciplinaire par l’origine variée et multiple de recrutement des enseignants qui la constituaient. Par la démarche de projet, elle mettait en pratique, dans le cadre d’une réelle production, des connaissances acquises et travaillées dans d’autres disciplines. La réforme du collège, qui crée de vives tensions actuellement, va imposer à d’autres enseignants, peu formés à la démarche de projet, l’organisation d’EPI qui correspondent pour une large part à ce qui était jusqu’en 2006 organisé dans nos classes par un enseignant unique. Pourquoi désinvestir les enseignants de technologie de ce qu’on souhaite imposer aujourd’hui, dans les pires conditions, à tous les enseignants du collège ?
Encore plus étonnant, le Capet technologie, qui instaurait cette pluridisciplinarité par le recrutement issu de formations technologiques universitaires diverses et complémentaires, a été supprimé pour lui substituer un recrutement selon les quatre spécialités technologiques de STI beaucoup plus lourdes. A terme, en investissant bientôt le collège, ces enseignants nouvellement recrutés termineront de transformer la technologie en une pré-STI2D mono-disciplinaire correspondant à leur recrutement spécifique d’origine.
Il y aurait pourtant un moyen très simple d’initier l’interdisciplinarité au collège. Il suffirait de promouvoir la production technologique, de la mettre réellement en œuvre avec des groupes réduits d’élèves et de la considérer comme point de départ d’analyses et études scientifiques. Justifier le comportement d’un matériau, expliquer la transformation de l’énergie et ou le principe de son transport, dans un cadre scientifique expérimental, en mettant en œuvre la démarche d’investigation à partir de l’objet fabriqué et valorisé, cela aurait pu se construire et chaque discipline aurait trouvé alors sa place. Sans de réelles productions menées en classe par les élèves, ce ne sont pas les EPI qui vont permettre cette approche.
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Vous le comprendrez aisément, et cette longue analyse des textes le laisse entendre, en l’état actuel, nous ne sommes pas disposer à mettre en oeuvre ses programmes. Nous avons déjà développé ici quelques arguments qui permettront de les considérer comme illégitimes et de nous soustraire de l’obligation de les appliquer.