Le programme d’EMC ne permettra pas de faire de nos jeunes des citoyens acteurs de leur citoyenneté. Il vise à modeler des jeunes qui apprendront par une pédagogique descendante ce qu’est un citoyen. Cette entrée ne permettra pas de construire de futurs adultes éclairés et émancipés, pas plus que de décréter un plan sur l’autorité de manière précipitée et artificielle.

Mise au pas de la jeunesse

Ce programme vise à inculquer le « respect » dès le CP en considérant les « différents degrés d’un manquement pouvant entraîner une sanction ». Au collège et au lycée, le programme promeut de manière obsessionnelle le SNU qui, non seulement, est facultatif et marginal mais entre en contradiction avec l’idée même d’une éducation démocratique. Les « compétences psychosociales » visant des comportements normés prennent la place de la construction de sujets capables de prendre en compte l’altérité.

La démocratie scolaire aux abonné.es absent.es

Le nouveau programme est bien pensé pour que « la démocratie scolaire ne se vive pas dans le cadre de l’EMC » selon l’expression entendue d’un inspecteur général. Et en effet, rares sont les références aux instances collégiennes et lycéennes. Le Conseil de la Vie Lycéenne (CVL), n’est cité que deux fois et seulement dans le cadre de l’Éducation au Développement Durable (EDD) mais jamais en articulation explicite avec la démocratie scolaire. Le Conseil de la Vie Collégienne (CVC), quant à lui, n’existe pas pour les rédacteurs et rédactrices du texte, ni d’ailleurs les autres conseils auxquels participent les élèves à l’exemple du Conseil d’Administration (CA). Il n’est jamais question dans ce programme d’étudier le fonctionnement de la démocratie scolaire et d’insister sur le rôle que les élèves sont amenés à y jouer. Cette dernière se ne résume pas qu’à des instances mais est aussi porteuse d’une réflexion sur le fait de faire société.

De la même façon, les droits et libertés des collégien.es et lycéen.es sont passés à la trappe. Ainsi, l’article 511-2 du code de l’éducation qui précise que les élèves des collèges et des lycées disposent, de la liberté d’information et de la liberté d’expression « dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité », n’est jamais mentionné. Le sujet très concret des droits et obligations, sans doute parce que source de mobilisation chez les jeunes (confère les mouvements lycéens réguliers) est particulièrement ignoré.

Pour ce gouvernement, tout à son obsession d’imposer son SNU, la « jeunesse engagée » doit se plier aux règles et ne pas contester les ordres établis. De fait, la démocratie scolaire ne pouvait qu’être marginalisée dans ce nouveau programme d’EMC.

La citoyenneté ne peut se réduire à une pédagogie descendante !

La culture citoyenne, les valeurs de la République, la laïcité ne doivent pas être réduites à des savoirs qu’il suffirait d’apprendre. Devenir une citoyenne ou un citoyen c’est aussi et avant tout, éprouver, questionner, expérimenter, comprendre des savoirs être, des règles, des symboles, une histoire. Pour devenir citoyen-ne, l’école doit rendre acteurs et actrices les élèves, les faire entrer dans une culture du questionnement, leur apprendre à  argumenter et douter méthodiquement. Il ne s’agit pas de les formater ni de les endoctriner, mais au contraire de les ouvrir à la complexité du monde et leur donner les outils pour leur permettre d’y trouver leur place. L’esprit critique est à la fois un état d’esprit et un ensemble de pratiques qui se nourrissent mutuellement.

L’EMC n’a de sens que si l’objectif est de comprendre le monde et la démocratie scolaire a toute sa place dans ce travail.

Les personnels mobilisés

CPE, AED, AESH, professeurs, Psy-ÉN travaillent au quotidien auprès des élèves à l’apprentissage de la démocratie. La tâche n’est pas simple : faire vivre l’engagement des jeunes au travers de leur participation aux instances des établissements (CVL, CVC, CA, CESCE…), accompagner et former les élu.es dans l’exercice de leur mandat, animer les instances, veiller au respect des droits et des obligations des lycéen.nes et collégien.nes (réunion, expression, vie associative…). Le droit de s’organiser en association indépendante, le débat, l’échange, sont essentiels pour permettre aux jeunes de faire l’apprentissage de la démocratie et de l’émancipation, alors que leur rapport au politique ne va pas de soi.

Cette tâche est d’autant plus compliquée que l’institution met encore davantage en difficulté les personnels, assommés d’injonctions visant à « administrer » l’engagement des jeunes et en faire un objet d’évaluation (cases à cocher dans les différents livrets scolaires au nom du parcours citoyen, bonus dans Parcoursup…). L’atomisation du groupe classe, les annonces autour du « choc d’autorité », le SNU, l’uniforme … amoindrissent la visée émancipatrice des expériences de vie démocratique scolaire. Confrontée à l’éclatement des groupes de référence, la notion de représentation des élèves perd largement de son sens et l’action des personnels en faveur de l’accès des élèves à la citoyenneté, et tout particulièrement celle des CPE, s’en trouve déstabilisée.

Et que dire d’un ministre qui en créant de toutes pièces un syndicat lycéen en raison de la contestation massive que sa réforme du bac rencontrait sur le terrain, n’a pas hésité à instrumentaliser l’engagement sincère d’élèves à des fins politiciennes. Le message envoyé à l’époque aux jeunes a été dévastateur et a entaché tout l’édifice de la représentation lycéenne.

Pour faire société, il faut faire du commun mais cet objectif incontournable se heurte à la contradiction forte de l’injonction faite à chacun.e de construire son propre parcours. L’individualisation à outrance ne permet plus de se retrouver dans une communauté d’actions, d’objectifs, de projets, quelle que soient les positions et représentations de chacun.e, d’où la nécessité de défendre et promouvoir les espaces et les instances de débat.

Redynamiser la démocratie scolaire, un enjeu fondamental

Toutes ces dernières années, le SNES-FSU a été à l’offensive pour défendre et renforcer une démocratie scolaire souvent malmenée : interpellations des différents ministres, interventions dans les instances ministérielles pour porter ses propositions. Les chantiers sont nombreux car les constats alarmants. Le bilan souvent accablant du rapport Dufour-Tonini de septembre 2013 sur une vie lycéenne « sans souffle » gardent hélas toute son actualité 11 ans plus tard à l’exemple du CVL dont les prérogatives sont peu respectées : réunions plénières devenues bien aléatoires, peu de réunion de l’instance avant les Conseils d’administration comme prévu par les textes. Beaucoup trop de CVL fonctionnent en fait en réseau clos. Ainsi, le rapport du CNESCO de septembre 2018 montre que « plus d’un tiers des élèves élus captent souvent plusieurs années les postes de délégués de classe, au conseil d’administration ou au conseil de la vie lycéenne ». Le CVL, considéré comme l’instance centrale de dialogue entre adultes et élèves, a ainsi connu de multiples réformes qui progressivement l’ont conduit à ne concerner qu’une frange de plus en plus étroite de lycéen.nes . Difficile d’y voir une avancée de la citoyenneté participative !

Au collège, la note de l’INJEP de décembre 2021 (« L’engagement dans le cadre du collège : une affaire de bons élèves ? ») souligne que les meilleurs élèves s’impliquent beaucoup plus que les collégiens aux résultats les plus fragiles. « Les collégiens de milieux plus favorisés s’engagent plus fréquemment : 30 % des enfants de cadres, mais seulement 21 % de ceux d’ouvriers non qualifiés ont été élus délégués de classe (…). Des disparités de même ampleur sont observées en considérant les niveaux de revenus ou de diplôme des parents ». Dans son rapport de novembre 2021, la cour des comptes souligne que les CVL et CVC rencontrent peu d’intérêt (le taux de participation pour le CVL ne cesse de baisser).

Le SNES-FSU force de proposition

Pour le SNES-FSU, pour faire vivre la démocratie scolaire, la mixité sociale, la représentativité des élu.es, la formation des personnels doivent rester des objectifs d’actualité.

 Les pistes de travail possibles sont également nombreuses (liste non exhaustive) :

– Construire un programme d’EMC qui accorde toute sa place à la démocratie scolaire.

– Reconstituer le groupe classe.

– Revoir le mode de désignation des représentants élèves complètement ubuesque au lycée et instaurer un autre rapport à la question de la représentation, de l’intérêt général.

– Dégager du temps pour la vie collégienne et lycéenne afin d’instituer un temps hebdomadaire dédiée aux diverses concertations et à des temps d’échanges associant adultes et élèves (sur la vie de l’établissement).

– Réserver dans les établissements des espaces spécifiques (salle de réunion, moyens de communication) dédiés à la représentation collégienne et lycéenne.

– Reconnaître l’engagement autrement que par une prise en compte dans les livrets scolaires, entre autres pour les examens, source de confusion avec l’évaluation scolaire qui heurte les valeurs de volontariat et de gratuité qu’il porte.

– Veiller au respect des droits et des obligations des élèves (réunion, expression, vie associative), les faire vivre au quotidien est un élément clef d’une culture citoyenne.

L’École que construit le gouvernement va à rebours de ce qu’est l’École d’aujourd’hui, de ce que sont les élèves d’aujourd’hui. Les attaques multiples engendrées par le « Choc des savoirs » et les réformes portées par le gouvernement actuel auront pour conséquence de fragiliser le vivre ensemble dans notre société.

Oui, la démocratie scolaire doit se vivre dans le cadre de l’EMC

Le SNES-FSU est partie prenante de « l’Observatoire des médias lycéens collégiens ». Il y défend ses valeurs de tolérance, son attachement au respect des droits des collégien.nes et lycéen.nes, au développement de leur esprit critique et de leur autonomie.
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