Le harcèlement scolaire tue, c’est insupportable et inacceptable. Ces drames ébranlent les équipes qui doivent souvent alors faire face, seules, à la vindicte populaire dans une forme de tribunal médiatique insupportable alors même que les personnels sont engagés dans un travail de fond sur le sujet.
Le ministre a annoncé une heure de sensibilisation à la lutte contre le cyberharcèlement. Les personnels ont découvert cette information dans les médias, à quelques heures du début de semaine. Pour le SNES-FSU, la lutte contre le harcèlement scolaire ne peut se faire à coup d’improvisation et de communication, en cédant aux pressions médiatiques et politiques plutôt qu’en écoutant les personnels.
Toujours plus de pression sur les personnels
Le SNES-FSU rappelle que les équipes des établissements sont toutes particulièrement vigilantes et attentives au harcèlement, agissant souvent avec succès, le plus souvent sans aide extérieure ni moyens dédiés. Les dernières annonces du ministre ne sont qu’une façon expéditive de se défausser en faisant reposer sur les établissements les initiatives de prévention. La généralisation d’un.e référent.e harcèlement dans tous les établissements à la rentrée prochaine ne doit pas exposer à la vindicte populaire ces personnels en cas de difficultés. Le ministère ne saurait se défausser sur une obligation de résultats des personnels quand son obligation de moyens n’est pas tenue.
La prévention du harcèlement scolaire souffre, comme bien d’autres missions qui sont confiées au service public d’éducation, d’un manque évident de personnels pour enseigner et éduquer. Combien d’établissements scolaires sont sans CPE, sans infirmière, sans assistante sociale sans psychologue de l’éducation nationale ? Combien d’établissements vont perdre des AED ? Où trouver le temps pour travailler en équipe pluriprofessionnelle à la prévention et au traitement des situations de harcèlement ? Les personnels se trouvent souvent démunis, faute de moyens, de temps et d’un cap clair en la matière. Le harcèlement scolaire est un fléau qui nécessite la mobilisation de toute la communauté éducative et, bien au-delà, de toute la société : c’est à l’éducation nationale de faire en sorte que les jeunes scolarisé·es ne soient plus les victimes des réseaux sociaux et à l ’État de rappeler les responsabilités de ceux-ci en matière de cyberharcèlement.
Vers une juridicisation toujours plus marquée de l’école
La réponse ministérielle, ces dernières années, se cantonne trop souvent à un renforcement de l’arsenal répressif. La loi visant à lutter contre le harcèlement en milieu scolaire de mars 2022 est venue instaurer une nouvelle définition du harcèlement, intégrant les adultes parmi les éventuels auteurs, et créer un délit spécifique. Que peut-on attendre de cette incrimination pénale au regard de celles, très nombreuses, existant déjà ? Pourtant, avec son nouveau projet de décret, le ministre fait une nouvelle fois le choix d’une réponse répressive, un pas supplémentaire vers une judiciarisation toujours plus marquée de l’école, minorant les acquis des politiques de prévention.
Carton rouge pour le ministre
Le ministère a présenté aux membres du Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE) du 28 juin, un projet de décret visant, pour le premier degré, à donner les moyens aux directeurs d’école d’évincer de l’école l’élève harceleur (radiation de l’école par le maire à la demande du DASEN), et pour le second degré, « à préciser la procédure disciplinaire applicable aux élèves pour les faits portant une atteinte aux valeurs de la République ou au principe de laïcité ». Pour le SNES-FSU, ce mélange des genres est inacceptable et révélateur de l’opportunisme dont relève la démarche. Quel sens, dans un projet de texte qui entend répondre à la question du harcèlement, d’y introduire les atteintes aux valeurs de la République ou au principe de laïcité ? Tout aussi inacceptable est la possibilité pour le chef d’établissement de demander au DASEN la désignation d’une personne « pour siéger avec voix délibérative au conseil de discipline », façon au détour d’un texte, de modifier la composition du conseil de discipline sans revoir les textes réglementaires concernés…
Le projet de texte a recueilli un avis défavorable du CSE par zéro voix pour et 57 contre soulignant le traitement peu sérieux par le ministère de la question complexe du harcèlement en milieu scolaire. Sous la pression, le ministère a reculé en séance et reconnu qu’il fallait en rester à une voix consultative pour la personne proposée par le DASEN. Nous attendrons la publication du décret pour s’assurer de cette modification défendue par le SNES-FSU.
Pour le SNES-FSU, construire des réponses éducatives et pédagogiques pour lutter contre les LGBTI-phobies, les violences sexuelles et sexistes, guider les élèves vers l’égalité filles/garçons requièrent une action réfléchie, concertée et financée sur le temps long.
Pour le SNES-FSU, une mesure adaptée reste la mise en place de collectifs de travail, dans le respect des qualifications et des métiers, prenant appui sur des équipes pluri-professionnelles au complet, formées, et disposant de temps de concertation.