Une ouverture dans une opacité complète
C’est donc à la rentrée 2021 qu’à titre expérimental cette option devrait être ouverte. Mais, dans quels établissements ? D’après le Ministère, seulement 300 collèges devraient ouvrir l’option à la rentrée. Alors que les répartitions de DHG ont toutes été votées, on peut lire, par exemple, sur le site de l’académie de Paris un appel à candidature daté du 21 juin.
Mais ce n’est pas le seul problème qui pèse sur la mise en place de cet enseignement. En effet, il est présenté comme facultatif, ce qui laisse entendre que seuls des élèves volontaires pourraient le suivre. Mais quand et comment les recruter alors que l’année scolaire est terminée ? Peut-on réellement croire qu’une présentation de l’option a pu être faite dans les classes de CM2 ?
Cette confusion autour de l’introduction de cet enseignement laisse supposer que les élèves qui le suivront n’auront pas été consultés, soit que les chefs d’établissement aient décidé que l’option serait expérimentée dans une classe définie en avance, soit que les contraintes d’emploi du temps empêchent des élèves volontaires d’y accéder si le recrutement est effectué après la rentrée.
On se trouvait déjà face à une contradiction au moment où le ministre exposait son projet, puisqu’il le destinait à des « élèves à besoin » tout en affirmant son caractère facultatif. Mais cette antinomie est encore accentuée par le fait que la création de cet enseignement ait été faite dans la précipitation, et par le manque de communication auprès des établissements, des collègues et des familles.
Promouvoir les langues et cultures de l’Antiquité… Vraiment ?
Quand on suit l’évolution des déclarations du ministre et l’élaboration du programme de cette option, il est de plus en plus difficile de s’y retrouver.
En effet, la dernière affirmation de J.-M. Blanquer, dans la circulaire de rentrée, semble s’opposer à un avertissement énoncé dans le préambule du programme de FCA selon lequel cet enseignement « ne consiste pas en l’introduction précoce d’un enseignement des langues anciennes ». On s’y perd ! Quel est l’objectif recherché ? « Promouvoir les langues et cultures de l’Antiquité » (circulaire de la rentrée 2021) ou bien de tenter de répondre aux « besoins cruciaux des élèves, notamment des moins favorisés, tels que les relèvent les évaluations nationales » (lettre de saisine du ministre, datée du 24 décembre 2020) ?
D’après le discours développé dans le préambule du programme, FCA serait un enseignement de français, visant à renforcer la maîtrise de la langue française, en passant par les langues et les cultures anciennes mais sans entrer dans le système de ces langues ! Ainsi, on étudierait les fonctions comme l’attribut du sujet, le COD ou le COI en s’appuyant sur le latin mais sans parler des cas et des désinences… On appréciera la logique de la démarche et sa pertinence pour des élèves déjà en difficulté dans leur propre langue.
Et, de fait, c’est toute la partie grammaticale du programme de FCA qui est bancale, et même, à certains égards, malhonnête. Pour prendre un exemple, les phrases données en modèles dans le programme sont des phrases latines francisées, dont l’ordre des mots est distordu pour être calqué sur la syntaxe française.
En somme, les objectifs affichés ne coïncident pas avec les contenus de cet enseignement, et ce même pour l’ “Axe littéraire et artistique”. En effet, la part dévolue à la culture narrative mythologique en fait presque un enseignement de culture générale : dans la 3e partie du programme, on est sans cesse appelé à déborder l’univers gréco-romain en vue d’offrir « également un prolongement vers d’autres civilisations (Égypte, Mésopotamie, Inde, Afrique, Asie, Amériques, Polynésie, Scandinavie) et [d’]étend[re] ce parcours aux sources iconographiques, archéologiques”.
Quels « effets pervers » ce nouvel enseignement peut-il entraîner ?
On peut tout d’abord redouter que cette option, loin d’en faire la promotion, conduise en réalité à un nouvel affaiblissement des LCA. Il est possible effectivement que beaucoup de familles se contentent de cette option et considèrent que l’essentiel a été tiré. Il y aurait alors encore moins de demandes pour suivre l’option latin dans le cycle 4. Le fait de se limiter à l’enseignement FCA et de renoncer à demander de suivre l’option en cycle 4 pourrait d’ailleurs être amplifié par l’absence de professeur de Lettres Classiques dans un établissement. La mise en place d’une telle option reviendrait alors à se tirer une balle dans le pied…
Le danger le plus large est de creuser, un peu plus, les inégalités. En effet, en Sixième, ce sont plutôt les parents qui choisissent les options : il y a de fortes probabilités que ce soient des élèves issus de foyers culturellement privilégiés qui suivent cet enseignement. De plus, comme le programme FCA incite à approfondir ou à compléter le programme de français de Sixième, il est évident que les élèves suivant cette option seront avantagés dans les évaluations et auront une culture encore plus étendue.
En somme, il est à craindre que la mise en œuvre de cette option, et d’autant plus si elle reste limitée à un petit groupe d’élèves volontaires, produise des effets contraires à ceux vantés par le ministre.
Ce que demande le SNES-FSU
Malgré les annonces du ministre, les LCA sont menacées. La mise en place des EPI, puis leur disparition dans de très nombreux collèges, a conduit à ramener l’horaire de latin en cinquième de deux heures hebdomadaires à une heure par semaine. Beaucoup de collègues de Lettres classiques témoignent de luttes incessantes et épuisantes pour conserver leurs groupes de latin et de grec, ou leurs horaires, car, depuis que les heures ne sont plus fléchées, l’enseignement des LCA se fait en prenant des heures sur la marge d’autonomie des établissements.
Pour « redonner aux langues anciennes leur place légitime dans les enseignements du collège et du lycée », une des premières choses à faire est de rétablir les heures dédiées à l’enseignement des LCA, notamment en restaurant la deuxième heure de latin en cinquième, et non de se contenter d’un horaire amputé. Il faut aussi donner les moyens d’ouvrir partout où c’est nécessaire un nombre de groupes en adéquation avec les demandes des élèves.
En Sixième, le renforcement de l’enseignement du français et une ouverture plus large vers la culture antique devraient être possibles pour tous les élèves au lieu d’être réservés à quelques-uns.