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Des enjeux fondamentaux

L’agriculture et l’alimentation occupent une place prépondérante dans la lutte contre le dérèglement climatique. Selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), l’alimentation représente ¼ de nos émissions de GES (Gaz à effet de serre). L’élevage à lui seul est à l’origine de presque 60% des émissions agricoles. Le méthane, majoritairement rejeté par les bovins d’élevage, est responsable d’environ un tiers du réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle. Par ailleurs, l’agriculture industrielle provoque des rejets massifs de phosphore et d’azote dans les sols, sans compter les pollutions ou l’accaparement des ressources en eau.

Ces enjeux écologiques s’articulent à des problèmes sociaux de répartition des richesses. La dernière grande enquête publique sur les consommations alimentaires des français.es, conduite par l’ANSES (Agence nationale de la sécurité alimentaire), concluait qu’en 2015, 12% de la population connaissait une forme d’insécurité alimentaire. Cette proportion aurait triplé au cours des dernières années. Dans le même temps, 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. Le système agro-industriel tel qu’il existe ne remplit donc pas sa mission : mieux produire pour bien nourrir la population et rémunérer dignement les paysans et paysannes.

En France, la restauration scolaire représente 33% de l’ensemble de la restauration collective. Son impact écologique est très important. Selon l’ADEME, l’empreinte au sol annualisée nécessaire pour nourrir chaque élève est estimée à 630 m2, dont 110 m2 de surfaces à risques de déforestation. Les restaurants scolaires utilisent en moyenne 10 à 20 litres d’eau par repas et 70% de l’empreinte carbone en restauration scolaire est due aux protéines animales. D’autant que la cantine doit également éduquer au goût et à l’équilibre alimentaire, tout en remplissant bien souvent un rôle social essentiel. Pour beaucoup d’élèves, elle constitue le seul repas chaud, complet et équilibré de la journée.

Des obligations très mal respectées

La loi du 30 octobre 2018 (dite « EGAlim ») est l’aboutissement des États généraux de l’alimentation dont elle tire son nom. Elle a été complétée par une partie du plan Climat et Résilience (concernant notamment la restauration collective).

La loi impose de servir 50 % de produits labellisés (qualité et/ou durable), dont 20 % de produits bio et au moins 60 % de viandes et poissons labellisés (avec un aménagement pour les DROM). De plus, les restaurants collectifs sont encouragés à développer l’acquisition de produits obtenus dans le cadre de Projets alimentaires territoriaux (PAT).  Concernant le volet végétarien, la loi Egalim impose également a minima un menu végétarien hebdomadaire pour tous·tes et une alternative végétarienne systématique depuis janvier 2023. Enfin, les services de restauration collective sont concernés par le volet « rémunération » de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs et agricultrices.

En s’adressant à l’ensemble de la chaîne, Egalim a suscité un grand espoir. Pourtant, elle a déçu la quasi-totalité des parties prenantes. Dans le bilan statistique 2023, le pourcentage de télédéclarant.es ayant atteint l’ensemble des objectifs Egalim est seulement de 4,7 % ! Et, plus de six ans après l’entrée en vigueur de la loi, les moyennes nationales sont plutôt faibles.  Concernant la provenance des produits, les collèges ne proposent que 30,3 % de produits labellisés dont 17,0 % de bio, et les lycées 28,0 % de produits durables dont 10,3 % de bio. Sur le volet végétarien, l’association Végécantines établit que seulement 60% des établissements du secondaire proposent un menu végétarien hebdomadaire. Pour ces menus, elle souligne également que le recours aux produits ultra-transformés, peu variés et aux protéines animales (œufs) est trop fréquent.

Des objectifs souhaitables et atteignables

Atteindre les objectifs fixés par Egalim est pourtant possible. Les restaurants collectifs dépendant de l’État respectent bien mieux les objectifs, que ce soit dans le pourcentage de produits bio et labellisés ou dans les propositions végétariennes de qualité.  Selon le rapport 2023 du ministère de l’agriculture, cette différence peut s’expliquer “par les efforts faits par ces services de restauration, fortement mobilisés dans le cadre de l’exemplarité de l’Etat et bénéficiant à ce titre aussi d’un fort niveau d’accompagnement ces derniers mois.” Tout est dit…

D’autant que, selon l’ADEME, le respect de la loi Egalim ne correspondrait en moyenne qu’à un surcoût de 5% qui, associée à des efforts sur la réduction du gaspillage, pourrait descendre à 1,3%. De plus, l’ADEME indique que le rapport coût/bénéfice est encore diminué si l’on intègre dans le calcul les externalités négatives d’une alimentation industrielle : coûts sanitaires, en raison des problèmes de santé liés à une alimentation ultra-transformée, à la présence de nitrites, pesticides et autres métaux lourds ; coûts environnementaux avec les émissions de CO2, la pollution des eaux, des sols ou de l’air. Selon le même rapport, une assiette 100 % végétale émet en moyenne 200 à 300 grammes d’équivalent CO2, alors qu’une assiette d’un plat à base de bœuf en émet 20 fois plus.

Concernant le volet sanitaire, l’ANSES a montré que “l’augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson, à la condition qu’ils soient équilibrés et que l’offre végétarienne prenne mieux en compte l’intérêt des apports en légumineuses et en céréales complètes, ne modifie pas l’équilibre nutritionnel des enfants.” Elle précise qu’il “n’est donc pas pertinent de proposer une fréquence maximale de tels menus.”

Comment agir ?

À l’échelon local, il est possible de mettre en place une commission des menus (ou commission restauration) via le conseil d’administration. Elle est composée de représentant.es des enseignant·es, de la collectivité, des parents d’élèves mais aussi du prestataire de restauration collective, si la fabrication des repas est sous-traitée. Elle est par définition le lieu où l’on peut agir pour un approvisionnement plus écologique. Plusieurs établissements s’investissent déjà sur les sujets alimentaires : cantine fournie intégralement par une AMAP, création d’un Plan d’alimentation du territoire… ces actions parfois très locales peuvent créer un effet d’entraînement pour certaines collectivités.

Pour les collectivités, le défi est de taille. La question de la provenance locale des produits pose parfois des problèmes d’approvisionnement importants. Certaines collectivités en viennent même à racheter des fermes. Elles doivent également former les personnels de restauration collective : cuisiner des produits frais ne réclame pas les mêmes compétences et besoins que partir de produits transformés. Cela nécessite également davantage de place, de temps, et donc de personnels, qu’il faut recruter. Cela pose aussi le problème des trop nombreuses externalisations des services de restauration par les communes ou les départements. Dans ces cas, le cahier des charges doit prévoir l’application par le prestataire de la loi EGAlim !

Enfin, la loi Egalim ne pourra pas être pleinement appliquée sans la mise en œuvre d’une politique agricole ambitieuse à l’échelon national. Il faut des agriculteurs et agricultrices plus nombreuses et des politiques de soutien par des subventions ciblées sur les exploitations qui adoptent des pratiques d’agroécologie résilientes et durables. Il est donc indispensable de faire vivre Egalim pour défendre la rémunération du travail paysan, mais aussi d’aller plus loin sur les objectifs de reconversion de la filière agricole, au regard des défis climatiques et écologiques qui s’annoncent.


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