3 questions à :
Saphia Guereschi, Secrétaire générale du SNICS-FSU
L’US : Quel est le rôle des infimier·e·s en ces temps de crise ?
Saphia Guereschi : Conseillers techniques et référents santé des élèves, des chefs d’établissement et de la communauté scolaire dans son ensemble (enseignant·e·s et familles y compris), le rôle des infirmier·e·s de l’EN est d’organiser et de sécuriser l’accueil des élèves dans les établissements scolaires.
Depuis l’annonce de l’épidémie, il nous a fallu répondu aux inquiétudes et aux questions légitimes des élèves et de l’ensemble de la communauté scolaire, mais également apporter notre expertise technique pour organiser l’accueil le plus sécurisé possible des élèves en fonction des connaissances que nous avions de ce virus et des préconisations mouvantes de la communauté scientifique. Nous avons répondu à l’accueil des élèves et tenté de repérer et d’isoler les élèves et les personnels présentant des signes de COVID-19 avec les conditions matérielles qui, comme nous le savons tous, ont parfois fait défaut (manque de masques, de gels hydroalcooliques).
L’US : Comment ont-elles/ils été sollicité·e·s (présence dans les établissements pour les enfants de soignants / permanences téléphoniques) ? Quelles consignes ont été données (diversité des situations selon les établissements) ?
S.G. : Depuis fin janvier, les infirmier·e·s de l’Éducation nationale ont été très fortement sollicité·e·s, et de plus en plus, à mesure que la population prenait conscience de la crise sanitaire. Dès l’annonce de la fermeture des établissements, les infirmier·e·s de l’Éducation nationale, membres de droit des commissions d’hygiène et de sécurité des établissements, ont participé activement à l’organisation de l’accueil des enfants des soignant·e·s en apportant leurs conseils techniques aux chefs d’établissement et aux directeurs d’École lorsqu’ils/elles ont été sollicité·e·s. Les infirmier·e·s de l’Éducation nationale ont participé activement à la mise en place de ce service de soutien indispensable dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Elles·Ils se tiennent actuellement à disposition des équipes depuis leur domicile. Elles·Ils restent en liaison avec l’équipe pédagogique, contactent ou se mettent à disposition d’élèves ou de familles pour lesquels les enseignant.e.s détectent des difficultés. Certain·e·s infirmier·e·s se sont porté·e·s volontaires pour l’accueil des enfants de soignant.e.s dans les écoles. Il y aussi la possibilité de s’inscrire pour la réserve sanitaire, sur la base du volontariat.
Selon les académies, une action réfléchie et coordonnée n’a pas toujours été possible. En l’absence de cadre national et face à l’urgence, les communications académiques disparates, anxiogènes et déplacées parfois, ont entraîné une certaine confusion, amplifiant les inquiétudes légitimes des professionnel.le.s de santé que nous sommes, face à l’aggravation prévisible de cette épidémie et de ses conséquences sur la population. Un des points forts de notre profession est sa capacité d’adaptation : en tant que fonctionnaires et soignants, les infirmièr·e·s ont agi avec les moyens dont elles disposent au service de l’intérêt général.
L’US : Peut-on les réquisitionner dans le cadre du plan blanc ? Pour quelles tâches précisément ?
S.G. : Pour l’ensemble des professionnels de santé, la réquisition est prévue dans le code de santé public, si la nature de la situation sanitaire ou l’ampleur de l’afflux de patients ou de victimes le justifient. Les réquisitions prévues à l’article L. 3131-8 du CSP sont alors prononcées par arrêté du préfet de zone de défense ou par décret du premier ministre.
Les réquisitions des infirmièr·e·s de l’Éducation nationale doivent avoir lieu en temps voulu, dans le cadre d’un véritable plan départemental concerté, sans précipitation, au risque d’épuiser tout le monde avant la véritable nécessité.
Les infirmier·e·s de l’Éducation nationale ont des carrières et des parcours divers. Elles·Ils sont titulaires du même diplôme d’état que leurs collègues hospitalier·e·s, mais elles·ils ne travaillent plus dans un service de soins. Malgré une obligation légale, les infirmièr·e·s de l’Éducation nationale ne bénéficient pas du développement professionnel continu. Si elles·S’ils sont mobilisé·e·s, il apparaît important que ce soit sur des missions qui permettent un exercice sécurisé pour elles·eux comme pour les patient·e·s. Une adaptation sera donc nécessaire au cas par cas.
Le COVID-19 entraîne de nombreux cas peu symptomatiques, voire asymptomatiques, avec une charge virale présente parfois plus d’une vingtaine de jours après incubation. Jusqu’au 15 mars, les infirmier·e·s de l’Éducation nationale ont accueilli de nombreux élèves. Il conviendrait d’identifier les collègues COVID-19 positives·positifs et d’attendre une absence totale de contagiosité avant d’envoyer ces agent.e.s au contact de la population.
L’US : Ont-elles·ils eu l’occasion de faire de la prévention auprès des élèves avant le confinement ? Des actions ont-elles été mises en place ?
S.G. : Avant le confinement, les infirmier·e·s de l’Éducation nationale ont bien évidement animé de nombreuses séances d’éducation à la santé, individuelles et collectives. Ces actions de prévention en direction des élèves ont principalement porté sur les gestes barrières, le rappel des consignes et l’explication des mécanismes de transmission, la réponse aux questions liées au coronavirus, au Covid-19, à la gestion du phénomène épidémique, et des explications sur la nécessité de respecter les obligations sanitaires à venir… Elles·Ils ont aussi réalisé des actions d’information pour les élèves internes avant leur départ quand la fermeture des établissements a été annoncée, en coordination avec les équipes de direction et de vie scolaire : explications sur l’évolution de la situation sanitaire et réponse aux questions des élèves, rappel des consignes, aide à l’organisation des départs et à la liaison avec les familles, soutien psychologique pour les élèves les plus inquiet·e·s.
L’École étant, pour de nombreux élèves, un de leurs lieux de vie privilégiés, source de repères et de bien-être, les infirmier·e·s de l’Éducation nationale sont actuellement inquièt·e·s pour les élèves les plus fragiles. Ceux pour lesquels le contexte familial est difficile.
Le creusement des inégalités de chance de réussite scolaire aggravé par les mesures de confinement (pourtant nécessaire) nous interroge aussi. En période de confinement, comment protéger la santé des élèves sans entraver leurs chances de réussite ? Plus conscient qu’on ne le pense de ces inégalités, beaucoup d’élèves et étudiant.e.s doivent ressentir un fort sentiment d’injustice et d’inquiétude. Comment notre institution peut-elle y répondre ?
Propos recueillis par Véronique Ponvert