Le Ministère a publié des fiches d’objectifs de fin d’année, regroupées par niveau. Les liens vers les différents niveaux sont disponibles sur cette page. Les préambules des différents niveaux insistent sur la liberté d’appréciation du professeur. Les recommandations du Conseil Supérieur de l’Education Nationale vont aussi en ce sens : il faut se libérer de la « tyrannie du programme » à terminer et, « au moins pour certains élèves, revenir aux fondamentaux ». Ces attendus n’aideront donc pas grand monde. Les personnels ne doivent pas se sentir coupables de ne pas achever les programmes. À l’impossible nul n’est tenu et le respect strict du protocole sanitaire rendra de nombreux gestes pédagogiques impossibles, plus encore lorsque les groupes classes seront rebrassés et que l’on ne retrouvera pas ses classes d’avant le confinement. Dans tous les cas, cette reprise ressemblera à une rentrée scolaire — après deux mois loin de la classe —, les effets psychiques et parfois les traumatismes du confinement en plus. Faisons-nous confiance pour appréhender ce dont nos élèves ont besoin.
Analyse critique des attendus
1. Lecture
Souvent, les pistes proposées invitent au piétinement : revenir sur ce qui a été vu avant ou pendant le confinement (où l’on devait déjà effectuer des révisions !). Bien sûr, le professeur doit vérifier l’assimilation des notions ou des textes abordés à distance et procéder à une remédiation s’il constate des incompréhensions. Mais pourquoi revenir sur les mêmes thèmes, les mêmes supports ? La lassitude guette les élèves, surtout ceux qui se seront investis dans l’enseignement à distance. La possibilité d’engager de nouvelles lectures arrive in extremis dans les conseils donnés, après la remédiation et le rattrapage. Les attendus de 4e sont les seuls à mentionner la création d’une dynamique de lecture hors de la classe, pourtant à la base de tout enseignement des Lettres. Il ne faut pas chercher à terminer à toute force le programme de lecture, cela n’aurait pas de sens.
2. Ecriture
Certaines propositions d’activités questionnent sur leur mise en œuvre dans le respect du protocole sanitaire. Des écrits de travail pour écrire un texte long nécessitent une proximité professeur-élève et le passage de l’écrit de main en main, ce qui sera impossible. L’écriture au clavier est inenvisageable sauf si les élèves disposent chacun d’un ordinateur ou d’une tablette fournis par les collectivités territoriales. L’écriture collaborative, en ce cas, peut se faire via des outils numériques. Il n’est pas question d’utiliser du matériel collectif et c’est ne rien avoir compris à la période qui vient de s’écouler que de penser que les élèves ont du matériel personnel à apporter ! Sans matériel, on se contentera d’une dictée au professeur mais aucun travail de groupe n’est possible et la distance est la règle. Finalement, il s’agira bien souvent de dire à voix haute ce que l’on a écrit et bon nombre d’incorrections d’orthographe ou de ponctuation, par exemple, ne pourront être repérées ni corrigées.
3.Oral
Les pistes évoquées pour l’oral surprennent aussi. Il est vrai que de petits groupes sont favorables à l’expression des élèves et à l’écoute. Par ailleurs, le protocole sanitaire définitif laisse planer le doute sur l’obligation pour ces derniers de porter un masque en classe. La prudence incite toutefois à le leur demander. Certaines situations pédagogiques sont impossibles actuellement : mise en voix, lecture expressive, récitation, sont très difficiles avec un masque ; l’expressivité sera réduite au regard. Sans masque, si l’élève met du cœur à sa prestation, elles sont inenvisageables ! Rappelons que dans d’autres pays, la distanciation préconisée est supérieure à 1m. Tout ce qui relève d’une présentation effectuée par un élève n’est possible que si l’élève ne manipule pas d’objets manipulés par d’autres (élèves ou professeur) ou s’il y a dans la classe du matériel de désinfection.
4. Etude de la langue
Les indications concernant le travail de la langue sont généralement pertinentes, exception faite des précisions données pour la classe de 3e. Pourquoi pousser à travailler spécifiquement la transposition entre discours direct et discours indirect ? Une proposition ou deux de points précis en lien avec le programme de grammaire au lycée eût été plus judicieux.
Pour les niveaux 4ème et 3ème, les attendus ne tiennent pas réellement compte du fait que l’enseignement à distance va durer au moins jusqu’au début du mois de juin, et peut-être jusqu’à la fin de l’année dans certaines régions. Ainsi, en 4ème, la lecture n’est envisagée que débouchant sur des débats, des cercles de lecture !
Nos propositions
· Attention à la surcharge de travail ! De nombreux points évoquent l’articulation du travail en classe et hors de la classe. Ne cumulons pas présentiel et distanciel sur un même niveau. Si les élèves sont trop nombreux pour être accueillis tous les jours et doivent venir en alternance, contentons-nous de donner du travail d’une fois sur l’autre, qui sera corrigé lors du retour en classe. Il y aura suffisamment à faire, au moins dans un premier temps, avec les 4èmes et les 3èmes à distance.
· Pour la classe de Troisième, les attendus proposés sont plus vagues encore que pour les autres niveaux. Dans la perspective du lien avec la classe de 2nde (professionnelle ou générale), aborder l’argumentation semble prioritaire, ainsi que la méthodologie de l’analyse de texte. En étude de la langue, valeur des temps, phrase complexe nous paraissent à aborder prioritairement. Le travail sur l’explicite et l’implicite, le fond et la forme est aussi très important dans cette optique. Dès la 4ème, la poursuite du travail à distance peut favoriser la démarche de création de réflexes d’analyse, fort utile pour la suite. Plus généralement, nous vous renvoyons à notre article en ligne : https://www.snes.edu/Comment-penser-la-liaison-college-lycee-sur-le-long-terme.html
·Lecture : De façon générale, les élèves vont avoir besoin de recréer un groupe classe et parfois au sens littéral. Il nous semble prioritaire de leur donner du contenu culturel, littéraire et artistique. Certaines problématiques « Agir sur le monde », « L’être humain est-il maître de la nature ? », « Progrès et rêves scientifiques », notamment, leur permettraient de penser et mettre à distance les angoisses liées à la période.
Rentrée de septembre : les redondances des programmes de cycle font que des aménagement de programme pour la rentrée prochaine ne semblent pas impératifs. Une augmentation du volume horaire de français paraît davantage nécessaire. Les élèves de l’éducation prioritaire suscitent une inquiétude particulière dans un contexte où les moyens qui lui sont consacrés risquent de disparaître.
Par ailleurs, tout le monde aura constaté qu’aucune préconisation n’est donnée concernant la reprise en LCA. Sans commentaire !