Audience SNES – inspection générale de philosophie, 14 juin 2023
Présents :
Inspection générale : F.Burbage (doyen du groupe philosophie de l’inspection générale, président du jury de l’agrégation), P.Mathias (inspecteur général, vice-président du jury du CAPES)
SNES : G.Le Paih (secrétaire général adjoint), S.Charrier (secrétaire nationale, responsable secteur contenus), JF.Dejours, J.Rodriguez (co-responsables du groupe philosophie)
a) le calendrier des épreuves de terminale
Nous remercions Messieurs les inspecteurs généraux de nous accueillir en ce jour d’examen, qui marque la situation paradoxale de l’épreuve de philosophie, à la fois emblématique du baccalauréat à la française et démonétisée par le nouveau calendrier des épreuves. Nous rappelons que le SNES-FSU demande un retour à des épreuves nationales, terminales et anonymes en juin, seul moyen de reconquérir… le troisième trimestre !
Les inspecteurs généraux répondent qu’ils sont au courant de ce problème et qu’ils seraient eux-aussi favorables à la recomposition d’un calendrier de terminale moins tendu pour les élèves comme les professeurs et permettant de donner à l’épreuve de philosophie une place consolidée.
b) les délais de correction
Nous regrettons également les délais de correction très courts qui nous imposent de corriger à marche forcée des paquets de 130 à 150 copies.
Les inspecteurs généraux jugent que la charge de travail n’est pas excessive, car les copies d’examen ne demandent pas que nous donnions de longs conseils aux élèves, mais simplement que nous justifiions en quelques mots précis la note attribuée à la copie, ce qui peut être fait en 15 à 20 minutes par copie en moyenne.
c) le grand oral
Nous avons le sentiment que les élèves sont moins souvent interrogés sur leur question liée à HLP que sur la question associée à leur seconde spécialité.
Nos interlocuteurs ne disposent pas de données chiffrées permettant de confirmer ou d’infirmer cette impression. De plus, si un élève présentait une question de grand oral à dominante philosophique, dans l’idéal il ne faudrait pas que professeur « spécialiste » du jury soit un professeur de Lettres ; mais l’inspection générale ne peut pas garantir que cela n’arrive jamais.
d) la partie commentaire du sujet texte dans la voie technologique
Nous avions signalé l’an dernier une certaine confusion quant à la nature des questions de commentaire (partie C), qui n’a pas été totalement clarifiée par la lettre de l’inspection générale reçue en juin 2022.
Messieurs Burbage et Mathias nous répondent que la formulation des questions a effectivement évolué, par rapport aux sujets 0 et suite aux remarques de certains collègues, afin d’introduire une partie de « commentaire » (partie C) venant s’adosser au travail d’explication engagé dans les parties A et B ; ce qui est souhaité, c’est que les candidats considèrent le texte à la fois dans son organisation propre et dans son éclairage et son questionnement du réel. Le candidat est donc invité à penser avec le texte et à prolonger, à sa façon et très librement, la réflexion initiée dans celui-ci, en apportant des éléments de culture, de connaissance, d’expérience personnels. Il peut alors éventuellement montrer les limites du texte ou entrer en réflexion à son sujet, mais cela, d’une part, n’est pas impératif et, surtout, d’autre part, ne doit pas faire revenir à l’ancienne question 3, où les élèves faisaient une mini-dissertation souvent laborieuse et parfois déconnectée du texte.
Nous remercions nos interlocuteurs pour ces clarifications tout en regrettant qu’elles n’aient pas été annoncées avant la modification dans la formulation des questions survenue en juin 2022.
e) intégrer aux questions d’analyse un questionnement sur les « repères » ?
Comme nous l’avions décidé lors de notre Journée de réflexion disciplinaire (JRD) de décembre 2022, nous proposons que les questions d’analyse fassent parfois explicitement référence à des repères du programme, comme dans certains sujet 0, afin d’inciter les élèves à travailler régulièrement et de récompenser ceux qui le font. Toutefois cela nécessiterait que la liste des repères soit réduite, car elle est actuellement beaucoup trop riche avec ses 31 repères.
Les inspecteurs généraux nous expliquent que les repères du programme sont donnés à titre indicatif, qu’il n’est pas nécessaire de les traiter de manière systématique en classe. On peut imaginer que dans les années à venir les sujets textes demandent parfois de mobiliser les repères les plus pertinents dans le contexte de l’explication de texte (par exemple : « légal / légitime »).
f) HLP
Nous faisons remarquer que la concertation avec le professeur de Lettres est souvent difficile, et qu’elle représente une surcharge de travail par rapport aux professeurs d’autres spécialités, vécue comme une iniquité. Nous demandons donc des heures de concertation inclues dans notre service et davantage de formations permettant de tisser des liens avec nos collègues de Lettres et de mieux cibler la nature des exercices nouveaux et mal définis, comme l’essai.
On nous répond que les professeurs de philosophie gagnent à entrer en réflexion bien en amont (lorsque c’est possible) et à présenter en conseil pédagogique des projets HLP, ce qui permettrait d’obtenir des financements en prenant au mot l’institution qui insiste sur la notion de projet. En outre, si les 2h de première et les 3h de terminale sont décevantes par rapport aux 4 et 6h des autres disciplines, il faut avoir à l’esprit qu’initialement, le ministère envisageait une spécialité « humanités » confiée à un seul professeur et que l’inspection générale de philosophie a préféré une solution de partage égal, car le risque était grand que les professeurs de Lettres, bien plus nombreux, deviennent vite très majoritaires en HLP.
Concernant les questions de méthode, on nous dit qu’elles ne doivent pas prendre trop de place dans nos préoccupations. Un essai, c’est une prise de position qui s’appuie sur le texte mais qui reste très libre sur le plan formel, un peu à la manière d’une tribune (instruite et construite) dans la presse. Par ailleurs, les inspecteurs généraux nous indiquent qu’ HLP reste cette année encore l’une des spécialités les moins bien notées, ce qui risque de dissuader certains élèves de la choisir. Si les professeurs ont raison d’être exigeants avec les élèves, cette exigence ne doit pas nécessairement se traduire par une sévérité excessive dans la notation qui risque de décourager professeurs et élèves.
g) démocratisation de l’enseignement de la philosophie : LP et voie technologique
Pour le lycée professionnel, nous rappelons que le SNUEP-FSU et le SNES-FSU sont favorables à ce qu’on y enseigne la philosophie comme cela est possible depuis la rentrée 2021, bien que ces ateliers concernent très peu d’élèves (moins de 2.5% des LP l’année dernière). Si l’on voulait vraiment pérenniser cet enseignement en LP, il faudrait créer une nouvelle bivalence.
Les inspecteurs généraux nous répondent qu’ils travaillent justement à la mise en place d’une bivalence Lettres-philosophie au CAPLP. Pour l’instant, il est clair que le développement et résultat de ces ateliers restent très modeste. MM.Mathias et Burbage estiment cependant que quelque chose a vraiment été engagé et espèrent qu’il deviendra bientôt possible d’obtenir une plus grande place pour la philosophie en LP. Le « PACTE » en LP offrira dès la rentrée la possibilité de financer à titre d’option les ateliers de philosophie.
Outre notre hostilité au PACTE syndicalement fondée, nous rappelons que le front de la démocratisation de la philosophie passe historiquement par la voie technologique et que, les dédoublements obtenus de haute lutte en 1994 – puis mis à mal par deux réformes du lycée (Chatel, Blanquer) – sont un préalable incontournable.
L’inspection générale soutient cette demande au sein d’un bloc de 4h de philosophie par semaine : une heure classe entière, 2h de groupe, 1h de co-intervention avec une autre matière. Si nos interlocuteurs partagent notre inquiétude sur l’état actuel de l’enseignement de la philosophie en VT cette demande commune de dédoublements se heurte systématiquement à la même réponse officielle, renvoyant chacun à l’autonomie des établissements. Il apparaît au contraire qu’un nouveau cadrage national est indispensable.
h) réforme des classes préparatoires aux écoles de commerce
Selon nos interlocuteurs, le projet de réforme de ces classes préparatoires n’est plus du tout d’actualité, étant donné que les effectifs commencent à remonter après une baisse probablement conjoncturelle. Ils ajoutent qu’ils souhaitent la consolidation des « petites » classes préparatoires, en insistant pour que le nombre de 48 élèves par classe soit entendu comme un maximum, et non comme un effectif requis pour que la classe soit maintenue. Les normes quantitatives doivent tenir compte des contextes scolaires particuliers.
i) CAPES et agrégation
Concernant la deuxième épreuve orale du CAPES, nos interlocuteurs estiment que, dans la forme actuelle, elle permet à la fois de faire du pédagogique et du disciplinaire En outre, il devrait y avoir cette année une liste complémentaire pour le CAPES (si l’application de saisie des résultats Cyclades le permet). Enfin, le nombre de places offertes à l’agrégation a été sensiblement augmenté (80 postes au lieu de 73).
j) Liberté d’expression des professeurs
Nous rappelons l’attachement du SNES-FSU au principe du fonctionnaire citoyen tel qu’il a été défini par le ministre de la Fonction publique Anicet Le Pors et tel qu’il est garanti par la loi de 1983 (notamment dans son article 6). Bien entendu, la liberté d’expression, ce n’est pas le droit d’injurier, de diffamer, de tenir des propos outranciers, complotistes, homophobes, sexistes ou antisémites, tous condamnés par la loi. Nos élu·es en CAPA se montrent systématiquement vigilant·es et scrupuleux·ses pour que les droits et procédures réglementaires soient respectés quelle que soit la situation, y compris en cas de désaccord manifeste avec le collègue.
M. le doyen nous signale qu’il y a un beau texte de Hegel sur les fonctionnaires, qui ne sont ni des domestiques, ni des contractuels, avant d’ajouter que sur les réseaux sociaux, quelqu’un peut présenter ses opinions personnelles et défendre la ligne politique qu’il souhaite en se présentant comme « philosophe », mais non pas en se présentant comme « professeur de philosophie ».
Après environ deux heures de discussion, nous remercions nos interlocuteurs de nous avoir écoutés et d’avoir pris le temps de nous répondre de façon claire et cordiale.
Rq : selon nos recherches, le texte de Hegel évoqué par M.Burbage doit être le §294 des Principes de la philosophie du droit, que les plus curieux trouveront ici : https://www.snes.edu/wp-content/uploads/2023/09/Hegel-le-fonctionnaire-ni-serviteur-ni-contractuel.pdf