La nouvelle organisation du lycée née des réformes Blanquer est celle de tous les renoncements, tant sur le plan de l’accès aux formations que sur celui de la diversité. Moins d’enseignements et davantage d’inégalités sociales et genrées, tel est le premier bilan que l’on peut tirer de ces deux années . A trop vouloir masquer le réel, le discours ministériel choisit donc le risque du discrédit et du désaveu.
A partir des chiffres de la DEPP, le SNES-FSU a dressé le bilan d’étape du lycée né des réformes Blanquer au travers de deux notes d’analyse portant sur le choix des spécialités et la place des enseignements optionnels, sur les années de Première et Terminale.
Diversité en trompe l’oeil
“Une des vertus de la réforme du bac, c’est qu’elle permet une vision modulaire du lycée; Elle permettra dans le futur de créer de nouvelles disciplines, de nouvelles spécialités” déclarait il y a peu le ministre pour annoncer la création d’une spécialité EPS au lycée général, faisant ainsi du principe de la “liberté de choix” un élément de la diversité de l’offre de formation. Or, rien n’est plus faux, car tous les exemples étrangers de lycées à la carte, à l’instar des premiers effets de cette réforme, font la démonstration du contraire.
Dès fin 2017, le SNES-FSU avait mis en évidence le leurre que constituait le lycée de type modulaire en s’attachant à étudier les ressort de la liberté de choix des enseignements dans le système britannique (https://www.snes.edu/IMG/pdf/note_sur_le_lycee_modulaire_britannique.pdf)
Affirmer ainsi que le lycée Blanquer permet aujourd’hui une diversification exceptionnelle des parcours de formation relève au mieux de l’affichage. Dans la réalité, dix « parcours » concentrent à eux seuls 90 % des élèves des élèves de Terminale générale. Rappelons qu’avec le système des séries et des « spécialités » au sein des séries (S-Maths, S-SI, L-LV, ES-Maths, etc.), le lycée d’avant Blanquer en scolarisait 100 % en douze ou treize parcours, et non pas trois…!
Recul de l’enseignement des maths
Alors que 87% des élèves étudiaient les maths jusqu’en Terminale dans le cadre des séries S, ES et option en L, cet enseignement concerne maintenant de moins en moins d’élèves au lycée général. Cette tendance qui s’accentue encore cet année est d’autant plus inquiétante qu’absent du tronc commun, les maths font partie des attendus de la très grande majorité des formations supérieures, jusqu’à constituer en soi un critère de sélection.
Des options en sursis
Privés de financement dédié, les enseignements optionnels payent très cher l’implacable mécanique de la mise en concurrence de toutes les disciplines entre elles. On observe un repli quasi généralisé de cette offre d’enseignements, de la Seconde à la Terminale. Seuls certains enseignements artistiques, et encore pas tous, voient leur nombre d’élèves augmenter. L’avenir de certains enseignements est clairement posé , et de façon encore plus sensible en LCA (Latin, Grec), en langues vivantes étrangères et régionales. L’existence éventuelle de la spécialité correspondante ne compense en effet jamais le déficit en effectifs des options.
Le choix politique des inégalités
La réforme du lycée général semble fonctionner comme un accélérateur des discriminations genrées et sociales à l’oeuvre dans le reste de la société. L’origine sociale fait des différences nettes dans les parcours et les choix, laissant penser qu’on a simplement recréé des « voies royales » masquées, non-dites, mais bien comprises par ceux qui maîtrisent bien le système scolaire. Les élèves très favorisés ont donc tendance à concentrer leurs choix sur un nombre restreint de “doublettes”, les choix des élèves les moins favorisés étant plus dispersés.
Le “parcours” maths et Physique chimie est particulièrement discriminant socialement. Quand on a en mémoire la série C, si on ajoute les heures de l’option Maths expertes, des spécialités Maths et Physique-chimie, on se retrouve avec une architecture du lycée proche de celle des années 80, avec toues les logiques ségrégatives qui vont avec.
La réforme ne permet pas non plus de contrecarrer les stéréotypes de genre associés aux disciplines et même semble les renforcer car, d’une année sur l’autre les écarts se creusent.
Au vu des chiffres de l’académie de Rennes, on constate que deux enseignements, les maths et la Physique-chimie, conjuguent le mouvement d’une double discrimination qui vise à la fois les élèves les moins favorisés socialement et les filles. Si cette tendance était générale et confirmée, nul doute que cela risque d’avoir des répercussions sur l’orientation dans l’enseignement supérieur.
Comment appeler officiellement à la démocratisation des enseignements scientifiques quand la réforme du lycée est en train de réduire à néant toutes les politiques éducatives de lutte contre les inégalités en la matière?
Comment justifier la poursuite coûte que coûte d’une réforme qui renforce le processus de relégation de ceux qui sont déjà les plus discriminés ? Le SNES-FSU a des propositions pour une organisation transitoire des enseignements avant la remise à plat des réformes. Conserver trois spécialités en Terminale, revoir l’architecture du tronc commun, penser des enseignements nouveaux de mathématiques en Première, proposer un enseignement technologique pour tous en Seconde, financer les options … Il est temps d’arrêter l’engrenage de la disparition des enseignements. Un autre lycée est possible!
Pour aller plus loin
A télécharger les deux notes du Snes-FSU : bilan des choix des spécialités des élèves de première et terminale, à la rentrée 2019 et 2020, ainsi qu’un bilan des choix des options.