Le désintox #LycéeBlanquer #BacBlanquer Version imprimable
8 Fiches désintox version affiches
1 : Lost in orientation.
Ce que dit le Ministère…
” [La réforme] accompagnera mieux les lycéens dans la conception de leur projet d’orientation en leur offrant des heures dédiées à l’orientation. (…) [Elle doit] permettre aux élèves de mieux préparer leur réussite future dans l’enseignement supérieur. En effet, aujourd’hui, 60% des étudiants échouent en licence “.
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 “, 16 mai 2018
… et la réalité !
► Le ” taux d’échec en licence ” est très contestable : les réorientations en fin de 1ère année sont-elles de l’échec ? En réalité, 80% des bacheliers qui partent dans l’enseignement supérieur en sortent avec un diplôme, chiffre largement supérieur à la moyenne de l’OCDE. Est-il alors inconcevable de laisser des jeunes de 17 ans explorer et essayer une formation, quitte à bifurquer s’ils se rendent compte que ” ce n’est pas leur voie ” ? L’enjeu est plutôt de donner aux lycées et aux universités des conditions de travail qui permettent à tous les jeunes de réussir
► Le ” nouveau lycée ” va obliger les élèves à être obnubilés par les enjeux d’orientation : quels enseignements de spécialité choisir en Première ? Quelle spécialité abandonner entre la Première et la Terminale ? Il faudra, dès la Seconde, consulter les ” attendus ” de Parcoursup, et donc savoir, à 15 ans, de façon claire et définitive, ce qu’on veut faire après le bac. Est-ce réaliste ?
► ” Heureusement “, la réforme du lycée prévoit un ” temps dédié à l’orientation ” dans la scolarité, de la 2nde à la Terminale. Mais un temps dédié… sans horaire dans les emplois du temps !
► Et pendant ce temps-là, le gouvernement veut fermer les CIO, et régionaliser l’orientation pour que les élèves ne choisissent que des formations ” utiles ” localement.
2 : Lycée des possibles… ou des impasses ?
Ce que dit le Ministère…
” Tous les élèves choisissent des enseignements de spécialité : 3 en 1ère, puis approfondissent 2 enseignements de spécialités en terminale (…). Mieux accompagné depuis la classe de 2nde, l’élève peut progressivement construire son parcours en choisissant les enseignements qui correspondent à ses goûts et à ses aspirations “.
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 “, 16 mai 2018
… et la réalité !
► Le MEN affiche un projet de lycée ” modulaire ” où règne le libre-choix des enseignements. Mais on peut imaginer que, pour les élèves, il s’agit d’un jeu de dupes : tous les couplages ne seront pas possibles, pour des raisons de structure et d’organisation des emplois du temps. Va-t-on alors simplement recréer des séries ” officieuses ” (avec davantage de délits d’initiés…) et appauvries (et où est alors le progrès?).
► Si on imagine un ” vrai ” choix, les exemples étrangers de lycée modulaire montrent que les choix de discipline sont tout sauf libres : ils sont très fortement influencés par des déterminismes sociaux classiques (origine sociale, genre), et ils traduisent des hiérarchies entre disciplines encore plus fortes que dans le lycée français organisé en séries. En Grande-Bretagne par exemple, on voit clairement que les élèves faibles et forts ne font pas les mêmes choix, ou que les filles et les garçons font des choix très différents. Le lycée modulaire est donc encore plus inégalitaire que le lycée en séries : où est le progrès ?
► Et comment les élèves vont-ils devoir choisir ces enseignements de spécialité ? Essentiellement en fonction des attendus de Parcoursup (donc dès 15/16 ans, en cours d’année de 2nde), ce qui suppose que les élèves ont une idée claire de leur projet d’orientation postbac, et n’en changent pas entre la 2nde et la Terminale. Cela suppose aussi que ces attendus ne changent pas pendant la scolarité des élèves.
3 : Le lycée de la concurrence généralisée
Ce que dit le Ministère…
” Tous les élèves choisissent des enseignements de spécialité : 3 en 1ère, puis approfondissent 2 enseignements de spécialités en terminale. Les élèves qui le souhaitent peuvent choisir 1 enseignement optionnel suivi en première et en terminale “.
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 “, 16 mai 2018
… et la réalité !
► Les élèves peuvent actuellement choisir jusqu’à deux options, de la 2nde à la Terminale. La réforme réduit cette possibilité à une seule option : ce sera LV3 ou Théâtre, CAV ou EPS, EPS ou Musique… Les enseignants concernés vont devoir être ” convaincants “, être ” attractifs “, et surtout convaincre les élèves de prendre ” leur ” option… et donc pas celle de leurs collègues !
► Au cours de l’année de 2nde, les enseignants qui prennent en charge les différentes spécialités du cycle terminal devront convaincre les élèves de choisir ” leur ” spécialité plutôt qu’une autre. Et entre la 1ère et la Terminale, quelles spécialités seront conservées par les élèves ? Et quelles spécialités seront abandonnées ? Faudra-t-il avoir une notation ” bienveillante ” pour ” conserver son public ” d’une année sur l’autre… et ainsi conserver ses heures de cours, et son poste ?
► La ” marge locale laissée à l’initiative des établissements ” est déjà, depuis la réforme Chatel, un sujet potentiel de discorde et de conflit entre disciplines et entre enseignants. Dans le cadre de cette nouvelle réforme, en plus des dédoublements de classe, la marge devra financer les options (y compris les actuels enseignements d’exploration technologiques), l’accompagnement personnalisé et l’aide à l’orientation. Il n’y en aura pas pour tout le monde…
4 : Une réforme indolore ?
Ce que dit le Ministère…
” La réforme n’est pas faite pour des raisons économiques” ” Interrogé par le Café pédagogique sur les conséquences en terme de postes de la réforme du lycée, J.-M. Blanquer avait évoqué une réforme pédagogique sans réduction de moyens.
Le Café pédagogique, 03/04/2018.
… et la réalité !
► Certains enseignements disparaissent purement et simplement : les enseignements d’exploration ” méthodes et pratiques scientifiques ” et ” littérature et société ” ; les TPE en 1ère (sans donner lieu à des horaires équivalents pour préparer la nouvelle épreuve orale) ; les spécialités de terminale (excepté ” Droit et grands enjeux du monde contemporain “).
► L’accompagnement personnalisé n’existe que ” selon les besoins des élèves “, et n’a plus d’horaire : c’est 2h en moins pour chaque classe de 2nde, de 1ère, de Terminale… Et si on veut le mettre en place, il faut le financer par la ” marge locale ” – ce qui laisse moins de ” marge ” pour les dédoublements ou les options…
► Une seule option possible au lieu de 2 ; les enseignements d’exploration technologiques deviennent des ” enseignements facultatifs “. Et pour les financer ? La ” marge locale “…
► Entre la 1ère et la Terminale, on se spécialise par abandon d’une discipline de spécialité : actuellement, en terminale S, l’élève suit Maths, Physique-Chimie et SVT ; à l’avenir, il devra abandonner obligatoirement une de ces trois disciplines en terminale… avec des conséquences inévitables sur les services des enseignants.
► Les enseignements de spécialité s’arrêtent en avril de l’année de terminale : que fait-on des enseignants jusqu’en juin ?
5 : Le choc de complexification
Ce que dit le Ministère…
” La réforme (…) simplifie l’examen, qui est devenu trop complexe. Les élèves passent aujourd’hui entre 12 et 16 épreuves terminales selon leur parcours. A partir de 2021, ils ne passeront plus qu’une épreuve anticipée de français en 1ère et 4 épreuves terminales. (…) Les épreuves communes ne viennent pas alourdir l’organisation de l’année scolaire “.
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 “, 16 mai 2018
” Il faut assumer la complexité de cette réforme ” Pierre Mathiot, 13 mars 2018.
… et la réalité !
►Le calcul du ministère est fallacieux : à la place d’un baccalauréat terminal, fondé sur 12 à 16 épreuves nationales en fin d’année scolaire, la réforme institue un baccalauréat ” en continu “, tout au long des classes de 1ère et terminale, fondé pour 30 % de la note finale sur des épreuves communes de contrôle continu. Ceci conduit chaque élève à passer 32 épreuves (au moins) en deux ans, au lieu de 12 à 16… Et le bac serait simplifié, et pèserait moins sur l’organisation de la scolarité ?
► Les épreuves de contrôle continu impliquent d’organiser 3 épreuves (2 en première + 1 en terminale) pour l’histoire-géographie et les deux langues vivantes ; 1 épreuve d’enseignement scientifique (1 en première, aucune en Terminale mais l’enseignement est maintenu) ; 1 épreuve en première pour la spécialité non conservée en terminale ; les épreuves d’EPS… Le tout en plus des épreuves blanches qu’il faudra évidemment continuer à organiser pour l’ensemble des disciplines !
► Les copies doivent être anonymées, et les correcteurs ne doivent pas être les enseignants de la classe, ce qui est une bonne chose. Mais on ne fera croire à personne que cette organisation n’alourdira pas le travail des personnels : les personnels vont être en permanence ” sur la brèche ” pour organiser des épreuves, choisir des sujets, organiser les salles, les convocations, les échanges de copies, etc. Avec tous les risques d’erreur, de fuite, de désorganisation que cela implique !
► L’enjeu, pour le ministère, n’est certainement pas de simplifier (au contraire!). En revanche, cette nouvelle organisation va permettre de grandes économies budgétaires : suppressions de moyens dans les services académiques d’examen ; correction non rémunérée des copies, sans suspension des cours…
6 : À la recherche du temps pédagogique perdu.
Ce que dit le Ministère
” Les programmes d’enseignement seront rénovés, dans une logique d’exigence disciplinaire (…). Les enseignements de spécialité permettent aux élèves d’acquérir des connaissances approfondies dans les enseignements qu’ils ont choisis. (…) Ces enseignements bénéficient d’horaires significatifs permettant de proposer des programmes ambitieux et de donner du temps aux élèves pour les apprentissages. (…) [Les épreuves communes] laisseront un temps suffisant d’acquisition et d’apprentissage pour les élèves. ”
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 “, 16 mai 2018
… et la réalité !
►Les enseignements de spécialité, censés donner lieu à un fort approfondissement des connaissances, sont ceux… qui s’arrêtent les premiers ! Les épreuves finales pour ces enseignements ont lieu au retour des vacances de printemps, donc les cours s’arrêtent mi-avril !
►Ces enseignements de spécialité sont affichés avec un horaire élevé, mais ils incluent le temps de préparation à l’épreuve orale de fin de terminale : autant d’heures qui ne sont pas disponibles pour traiter le programme (alors que les horaires de TPE s’ajoutaient aux horaires disciplinaires).
►Le calendrier du contrôle continu montre que la scolarité de 1ère et de terminale est phagocytée par l’évaluation permanente, le bachotage continu. Les épreuves communes de 1ère (en janvier et avril), et de terminale (janvier) vont mettre enseignants et élèves sous ” tension permanente ” pour boucler le programme. Le risque est qu’on enseigne de moins en moins, et qu’on passe le temps des cours à simplement se préparer aux épreuves. Sans compter les probables ” bacs blancs ” qui viendront s’ajouter et étoufferont encore plus le temps d’apprentissage ” déconnecté ” de l’évaluation.
►La liberté pédagogique des enseignants, pour la construction de leur progression pédagogique, va être fortement contrainte par ces épreuves communes : dans chaque établissement, il faudra suivre la même progression pour ” être prêt à temps ” dès le mois de janvier de l’année de 1ère. Et le métier d’enseignant va devenir de plus en plus dominé par la tâche d’évaluation.
Ci-desous, chacun peut mesurer l’emprise de l’évaluation sur le temps pédagogique réduit au “tech for test” :
La folie évaluative
7 : Un bac à valeur locale !
Ce que dit le Ministère
” Les sujets, exercices ou énoncés proposés pour les épreuves de contrôle continu seront issus d’une banque nationale numérique, conçue par l’Éducation nationale, avec des barèmes nationaux ; les copies sont anonymes ; les copies sont corrigées par d’autres professeurs de l’établissement (…) ; ces nouvelles modalités permettent donc d’assurer l’équité entre les lycéens et le caractère national de l’examen. ”
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 ”
… et la réalité !
►Officiellement, 40 % du baccalauréat se jouera sur des épreuves organisées et corrigées localement, dans chaque établissement. Et on monte à 50 % si on inclut l’épreuve orale, avec jurys locaux.
►A part dans de très grands lycées, les modalités prévues ne sont en aucun cas une garantie équivalente à celle des épreuves terminales telles qu’organisées actuellement : les copies anonymes concernent des élèves que dont le correcteur peut reconnaître l’écriture ; l’échange de copies se faisant entre quelques enseignants identifiés, élèves et parents pourront très facilement savoir qui a corrigé telle copie, avec toutes les tensions et les pressions sur les enseignants que cela implique potentiellement ; les barèmes nationaux risquent d’être ” harmonisés localement “, avec disparition d’une norme commune au moins au niveau académique.
►La banque nationale de sujets est un écran de fumée : dans chaque lycée, c’est l’équipe enseignante qui choisira tel ou tel sujet, et les réputations des établissements feront le reste pour déterminer, aux yeux des ” recruteurs ” (les établissements du supérieur), la ” valeur ” du diplôme des élèves en fonction du lycée où ils l’ont passé. On soupçonnera sans doute certains lycées (ruraux ? de banlieue ?) d’avoir surnoté ou choisi des sujets ” plus simples “, tandis que d’autres lycées (de centre-ville ?) bénéficieront d’une réputation ” d’exigence ” plus élevée. L’équité entre les élèves ne peut passer que par des épreuves nationales, organisées et corrigées par des jurys extérieurs à chaque établissement. Le contrôle continu, même avec les modalités prévues, fera du baccalauréat un diplôme dont la valeur est indexée sur la rumeur. Et cette organisation renforcera en retour les réputations plus ou moins ” flatteuses ” des lycées.
8 : Le Grand Oral, une révolution ?
Ce que dit le Ministère
L’école doit préparer tous les élèves à acquérir une bonne maîtrise de l’usage de l’oral.
Parce que l’aisance à l’oral peut constituer un marqueur social, il convient justement de
permettre à tous les élèves l’acquisition de cette compétence. (…) L’oral est particulièrement travaillé en 1re et en terminale dans le cadre des enseignements de spécialité, selon des modalités pédagogiques innovantes.
MEN, ” Questions-réponses baccalauréat 2021 ”
… et la réalité !
►L’oral n’est absent ni des enseignements ni des épreuves actuelles du baccalauréat : tous les élèves de toutes les séries passent systématiquement une épreuve d’expression orale dans leurs langues vivantes, les TPE et les projets technologiques comportent également cette dimension, enfin le français est évalué à l’oral depuis fort longtemps. La réforme ne remet d’ailleurs pas en cause cette épreuve anticipée de français en fin de Première.
►Les enseignements de spécialité sont les seuls qui donneront lieu à des épreuves terminales nationales écrites, qu’il faudra donc préparer. Ils auront des programmes probablement ambitieux, qu’il faudra suivre tout en encadrant les divers ” projets ” des élèves, sans horaire spécifique (disparition des TPE), et tout en ” travaillant ” l’oral, sans garantie d’avoir les groupes réduits qui le permettent.
►Travailler selon des ” modalités pédagogiques innovantes “, ou plus simplement, varier les pratiques de classe, les formes de travaux demandés aux élèves (dont les travaux à l’oral), suppose des conditions matérielles appropriées, en premier lieu des effectifs raisonnables. Il ne suffit pas de proclamer que ” l’oral est particulièrement travaillé ” pour que cela devienne vrai, quand 51 % des classes de Terminale ont plus de 30 élèves à la rentrée 2017 (pour 40 % à la rentrée 2008…)
9: Et maintenant les grilles en projet…
Classe de Seconde
Classe de Première dans la voie générale
Classe de Terminale de la voie générale
Cycle terminal de la voie technologique
Documents joints
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