Jamais le rapport Mathiot ne cite véritablement ses sources mais on voit implicitement émerger les références qui fondent le propos. Il accumule les contre-vérités et les analyses biaisées. L’introduction comme la première partie reprennent tous les poncifs que les derniers rapports de la Cour des comptes, ceux de Terra Nova, de l’institut Montaigne voire du MEDEF, se plaisent à asséner depuis des années : ” monstre organisationnel “, trop lourd, trop coûteux, le bac ne serait plus vraiment crédible. Il faudrait le simplifier.

Le baccalauréat ou comment s’en débarrasser !

Fort de ce diagnostic très orienté, le rapport énumère ensuite les principes généraux d’organisation du baccalauréat. S’il doit rester à la fois diplôme de fin d’études secondaires et premier grade universitaire, il faudrait en même temps lui adjoindre un supplément, “un portefeuille de compétence et d’expériences”, qui regrouperait les informations sur les niveaux de compétences auxquelles les élèves seraient parvenus et servirait au renseignement de la plateforme Parcoursup. Réduit à quatre épreuves terminales, à un grand oral et à un contrôle continu aux modalités flottantes, le bac doit être encore allégé et “s’inscrire dans une logique de dématérialisation” grâce au développement de certifications en ligne, de la numérisation des copies… On voit ici poindre la réponse aux contempteurs des épreuves locales accusées de désorganiser les établissements, d’accroître la charge de travail des enseignants et les inégalités de traitement entre les candidats : le numérique viendra vous sauver. Il traduit toute la faiblesse de ce qui devrait devenir la nouvelle organisation de l’examen. L’ensemble du propos résonne ainsi comme l’aveu d’un baccalauréat devenu croupion.

Le mythe du libre choix
Le nouveau baccalauréat a pour corollaire un lycée organisé en ” parcours ” individuels qui déterminerait dès la classe de Seconde l’orientation post-bac. Les séries, en tant que telles disparaissent. Le rapport Mathiot opte pour une organisation en ” menus “. Il préconise un enseignement centré sur des disciplines ” majeures ” et ” mineures ” assorties d’un tronc commun dont l’importance se réduit dès le deuxième semestre de la Seconde jusqu’en terminale, au fur et à mesure que la spécialisation grandit. Dans ce schéma, l’offre de formation se trouve réduite et la voie technologique, elle aussi ramenée à quelques modules, n’existe plus vraiment. Les horaires disciplinaires sont érodés et l’orientation devient centrale, avec des horaires dédiés et des enseignants spécialisés, les PsyEN devenant ou formateurs d’étudiants ambassadeurs (services civiques) ou bien chargés des décrocheurs.
Le lycée qui se dessine consiste donc à demander à des élèves de 15 ans de commencer en classe de seconde à sélectionner des matières qui viendraient enrichir leur profil pour espérer obtenir la formation de leur choix après le baccalauréat, conformément à des ” attendus ” aux contours fluctuants. Invoquer la liberté de choix des élèves relève en fait du leurre. Dans les pays où cette logique modulaire de lycée à la carte est poussée au maximum, comme au Royaume Uni, on observe au contraire le renforcement des inégalités scolaires et sociales. Autrement dit, laisser les élèves ” libres ” de choisir leurs disciplines, c’est en grande partie laisser des déterminismes sociaux et scolaires jouer librement sur les choix individuels.

Une impasse pour tous, élèves et enseignants

Le nouveau système, s’il se mettait complétement en place, conforterait les logiques de ségrégation sociale et de relégation scolaire. Il institue l’orientation précoce pour tous et divise un second degré en une ” école du socle ” jusqu’au collège d’une part et un ” continuum bac-3/+3 d’autre part. Il promeut l’apprentissage comme modèle dominant pour un enseignement professionnel confié pour partie aux branches professionnelles et la sélection généralisée à l’entrée dans l’enseignement supérieur sur la base de parcours individuels alliant compétences scolaires et extra-scolaires.
Avec la réduction de l’offre de formation et le renforcement de la concurrence entre lycées et formations supérieures, la restructuration du système éducatif fait en conséquence peser sur nos métiers des risques importants. Diminution prévisible des horaires hebdomadaires propres à chaque discipline, multiplication des classes en responsabilité, pas de garanties sur le maintien des heures en effectifs réduits, tout fait craindre une dégradation accrue des conditions d’enseignement.
Certes, l’annualisation des services d’enseignement qui pourrait résulter de cette logique de modularisation des parcours est pour l’instant illégale car le décret statutaire de 2014 sacralise le service hebdomadaire et constitue un rempart contre les dérives de ce type. Par contre, les menaces de dilution des missions des enseignants entièrement centrées sur la gestion des flux lycéens et étudiants via l’orientation sont bien réelles. Les fondements du métier se trouvent ainsi attaqués par des enseignements disciplinaires dont la stabilité serait tributaire des choix individuels des élèves et une organisation locale d’épreuves d’un examen national qui vont mettre les enseignants en première ligne face aux pressions des parents, des élèves et du chef d’établissement.
A qui peuvent donc bien profiter de tels projets? Une chose est certaine, les élèves n’en retireraient aucun bénéfice.


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