Le point saillant, avant toute question concernant les programmes, est l’usure des professeurs de Lettres classiques. Il faut sans cesse se battre -parfois en vain-, pour obtenir des horaires décents, pour obtenir une ouverture de groupe supplémentaire et ne pas voir des volontaires écartés par tirage au sort ou sur la base de leurs résultats. Se battre avec les parents d’élèves, contacter sa section syndicale départementale, son ARELA, son IPR, faire pression sur le chef d’établissement et sur le DASEN par tous ces moyens, finit par épuiser bon nombre de collègues. Quand l’on ajoute à ces difficultés des possibilités de mutation parfois très restreintes, on comprend que certains réfléchissent, la mort dans l’âme, à une reconversion vers les Lettres modernes.
Le point sur les nouveaux programmes de LCA
Concernant les nouveaux programmes de lycée, le SNES est intervenu en amont de la parution des textes officiels pour demander le maintien d’une épreuve orale facultative avec un coefficient attractif pour les élèves. Ceux-ci, lorsqu’on leur présente le coefficient 3 qui sera de mise à partir de la session 2021, ont vite fait le calcul qu’il représente un bonus très réduit. Dans ces conditions, combien de temps les LCA survivront-elles comme enseignement facultatif, sachant qu’en 2018 les latinistes en lycée public ne représentent plus que 3,1 % des élèves et les hellénistes sont tombés à 0,9 % ?
Nous avons insisté en vain auprès de la DGESCO pour faire valoir notre liberté pédagogique : pas d’injonction à la réalisation du portfolio ou à la pédagogie différenciée en étude de la langue. Nous avons aussi cherché à faire préciser les attentes du programme, notamment concernant le niveau à atteindre en traduction ou encore les spécificités de la spécialité.
Les programmes en eux-mêmes recoupent partiellement ceux du collège en langue comme en histoire et civilisation, ce qui permettra d’approfondir les points concernés. Si les objets d’étude sont intéressants, la multiplication des tâches et des approches, dont les articulations ne sont guère précisées, laisse perplexe. Comment mener à bien un programme si dense avec au maximum 3h hebdomadaires en option ? Par ailleurs, si la perspective de la confrontation de l’antiquité avec le monde moderne intéresse les professeurs de Lettres classiques que nous sommes, nous regrettons que l’institution considère qu’il n’y a plus d’intérêt à s’intéresser à l’Antiquité pour ce qu’elle est. Bien entendu, il y a aussi de nombreuses interrogations sur la spécialité : comment intégrer d’éventuels grands commençants dans un groupe d’option constitué depuis la 2nde, avec des élèves étudiant les LCA depuis quelques années ? Si les chefs d’établissement sont susceptibles de donner une quatrième heure en 1ère pour permettre à la spécialité d’exister -même avec un petit nombre d’élèves-, la spécialité pourra-t-elle ouvrir en Terminale ? Les projets de programme ne laissent pas envisager de réels recoupements entre le programme d’option et celui de spécialité. On pourrait se réjouir de cette différence marquée entre ces deux enseignements si les dotations n’étaient pas si contraintes. Combien d’établissements pourront consacrer 9h de la DGH aux LCA (spécialité et option) voire 18h si le latin et le grec existent dans le lycée ?
Quelles sont les adaptations possibles ?
Concernant le portfolio, on peut envisager deux pistes : le réduire à sa plus simple expression (présentation sommaire des œuvres et justification de la mise en relation) et se concentrer sur autre chose ou au contraire en faire un travail ambitieux de fin d’année, plus large que ce que propose le programme (associer texte et image -et non pas choisir l’un ou l’autre-, demander une part de traduction personnelle, une étude littéraire comparée, etc).
Pour articuler les différents aspects du programme en continuant à donner une place importante à la méthode de traduction et en faisant lire des textes aux élèves, une construction de séquence de ce type est envisageable :
partir d’un texte contemporain, éventuellement une courte œuvre intégrale ou une section.
choisir un texte authentique pour lequel on mettra plus particulièrement l’accent sur la traduction (objectif de travail = méthodologie de la traduction) et sur un point de langue.
D’autres textes (éventuellement plus longs, plus difficiles) seront présentés en bilingue ou avec des appareillages divers (objectif de travail = repérage lexical, repérage de points linguistiques déjà vus ou première approche). Ces textes seront plus propices à une attention portée aux questions de littérature et de civilisation. Cette organisation permet de mettre l’accent sur la lecture, la culture, de voir plus de textes qu’en ne travaillant qu’en traduction au sens propre. L’organisation de la séquence dépend aussi du niveau des élèves que l’on reçoit.
Les prolongements peuvent avoir pour support des œuvres appartenant à d’autres domaines artistiques, à d’autres œuvres littéraires, etc.
Enfin, une synthèse, sous forme d’exposé par exemple, permet de faire le point sur les personnages, la période historique, etc.
Les épreuves de spécialité LCA
L’épreuve de spécialité de fin de 1ère apparaît également comme une cotte mal taillée : d’une durée de 2h, elle propose une question de langue sur 5 points (les élèves qui auront débuté en 1ère pourront-ils vraiment accéder au niveau qui leur permettra de la traiter ?), une question de lexique, et au choix une version (d’un maximum de 50 mots) ou un essai (de 500 mots maximum). Cet essai serait « libre », composition à partir du texte support suivant l’humeur de l’élève…On croit rêver !
Pour la préparation à l’épreuve de fin de 1ère, de vrais casse-têtes pédagogiques sont à prévoir : faire l’impasse sur la question de langue pour les grands commençants ? Faire un programme de langue accéléré pour ces élèves ? Préparer l’ensemble du groupe uniquement à l’essai ? Travailler sur deux niveaux en pédagogie différenciée ? Mis dans une situation impossible, chacun devra trouver la façon de faire qui lui conviendra le mieux.