Abatement fiscal pensions retraités

Une offensive continue et généralisée

Depuis début janvier, la remise en cause de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite a été permanente. Elle a débuté avec le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, expliquant dans un entretien aux Échos être favorable à sa suppression : « Cela serait une mesure forte, d’un rendement annuel d’environ 4 milliards d’euros, et équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées ». Rejoint ensuite par le président du Medef, Patrick Martin : « Qu’un retraité bénéficie d’une exonération fiscale pour des frais professionnels », c’est « contre-nature » et « aberrant ». Débute ainsi l’amalgame, les mensonges, maintes fois repris par de nombreux médias et hommes politiques. Interrogé il y a une semaine sur France Inter, le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a estimé que la fin de l’abattement « faisait partie des pistes crédibles », dans le cadre de l’effort budgétaire recherché par le gouvernement pour 2026 afin de tenter de réduire le déficit public et jugeant « un peu surprenant » la justification de cet abattement « pour frais professionnels », s’agissant des retraité·es. Incompétence ou malhonnêteté, certainement les deux à la fois !

Une vérité à rétablir sur un dispositif fiscal

En effet, pour tenter de justifier cette mesure inacceptable, chacun fait semblant ou exprès de confondre deux dispositifs bien différents du Code Général des Impôts (CGI), la déduction et l’abattement, qui ne sont pas de même nature, d’un point de vue fiscal :

– La déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels est réservée aux traitements et salaires des salarié·es qui peuvent aussi déclarer leurs frais réels.

– L’abattement de 10 % porte sur les pensions et rentes viagères avec un minimum et un plafond. Il est déduit directement par le fisc du montant inscrit dans la déclaration de revenus. Il a été, comme tous les ans, relevé dans la même proportion que les tranches du barème progressif de l’impôt pour se situer dans la fourchette suivante : minimum : 450 euros par pensionné ; maximum : 4.399 euros par foyer fiscal. Cette mesure a été mise en œuvre par Raymond Barre en 1978 sous Valéry Giscard d’Estaing dans un souci d’équité, pour compenser le fait que les retraité·es avaient moins la possibilité de dissimuler leurs revenus que d’autres catégories de contribuables. Il a été maintenu par la suite pour neutraliser des réformes successives du mode de calcul de l’impôt sur le revenu.

La suppression des 10% conduirait à majorer fortement le taux d’imposition sur le revenu des personnes retraitées et à en rendre imposables d’autres qui, au préalable, ne l’étaient pas (certains économistes avancent le nombre de 500 000) : plus des 2/3 soit 11 millions d’entre elles seraient concernées (voir simulations de l’OFCE ci-dessous). Les retraité·es modestes seraient proportionnellement à leurs revenus plus touché·es que les plus aisé·es. Le risque est aussi de voir, pour certain·es, augmenter le taux de CSG et de perdre des aides sociales (MaPrimeAdapt, chèque énergie etc.). Les conséquences sur le pouvoir d’achat de nombreux retraité·es et sur leurs droits seraient dramatiques.

Impacts potentiels de la suppression de l’abattement fiscal de 10% des retraités

Montant du revenu annuel déclaré par un ménage de retraités Surplus d’impôt sur le revenu 
Jusqu’à 19 500 euros  0 euro 
Entre 19 500 et 21 500 euros 10 euros 
Entre 21 500 et 23 000 euros 40 euros 
Entre 23 000 et 25 500 euros 80 euros 
Entre 25 500 et 27 000 euros 130 euros 
Entre 27 000 et 28 500 euros 180 euros 
Entre 28 500 et 30 000 euros 230 euros 
Entre 30 000 et 31 500 euros 300 euros 
Entre 31 500 et 34 000 euros 370 euros 
Entre 34 000 et 37 000 euros 450 euros 
Entre 37 000 et 39 000 euros 470 euros 
Entre 39 000 et 42 000 euros 510 euros 
Entre 42 000 et 45 000 euros 540 euros 
Entre 45 000 et 49 500 euros 560 euros 
Entre 49 500 et 55 000 euros 710 euros 
Entre 55 000 et 65 500 euros 780 euros 
Entre 62 500 et 95 500 euros 810 euros 
À partir de 95 500 euros 860 euros 
Source : OFCE 

Pierre Madec, de l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a établi des simulations (voir notre tableau ci-dessus) selon la législation actuelle, prenant en compte la suppression de l’abattement fiscal de 10 %. Il en ressort que jusqu’à 19.500 euros de revenus annuels déclarés par un ménage de retraités, le surplus d’impôts sur le revenu serait de zéro euro. Mais à partir du 4ème vingtile de revenu (entre 19 500 et 21 500 euros), plus des 2/3 des retraités, soit 11 millions d’entre eux et elles seraient concernés. En conséquence, la suppression de cet abattement affecterait de manière relativement uniforme, en euros, les 15% de retraités les plus aisés. La facture peut s’alourdir jusqu’à près de 900 euros pour ceux dont le revenu annuel par ménage dépasserait les 95.000 euros. Toutefois, comme le souligne Pierre Madec : « Quand cette perte est rapportée au niveau de vie, elle est significativement plus faible pour les 5 % de retraités les plus riches que pour ceux compris entre le dixième et le vingtième décile ». Par exemple, un surplus d’impôt de 900  euros représente une perte de revenu de seulement 1 % avec un revenu de 90 000 euros par an. Comparativement, pour les tranches entre 31 500 et 39 000 euros, aux pensions modestes, elle serait de 1,2 à 1,3 %. Justice fiscale ?! Qui plus est, l’abattement de 10 % actuel est plafonné à 4 399 euros pour les revenus de 2024 imposables en 2025, ce qui correspond à un revenu de 3 665 euros mensuels par foyer fiscal.

Des discours permanents de division

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, s’est aussi exprimée : « Je pense, à titre personnel, qu’on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement. Ce n’est pas votre âge qui doit définir votre contribution, mais aussi les moyens dont vous disposez ». La ministre du travail, a affirmé que la mesure pourrait être envisagée car justifiée par « un rééquilibrage de l’effort entre les générations ».

Là encore une communication maintes fois avancée, celle de la division entre actif·ves et retraité·es, ces dernier·es improductif·ves, coûtant cher à la société, privilégié·es, souvent doté·es d’un patrimoine ; celle de la division intergénérationnelle, les retraité·es égoïstes laissant une lourde dette à leurs petits-enfants ! Les dépenses sociales liées au vieillissement ne sont-elles pas finançables déjà en supprimant les exonérations et allègements de cotisations patronales (largement non compensées par l’État et à hauteur de 80 milliards d’euros en 2024) ?

Pour tenir l’objectif de déficit de 4,6 % du PIB l’année prochaine, la nation va devoir consentir « un effort supplémentaire de 40 milliards d’euros » a annoncé le ministre de l’Économie.

Deux pistes sont écartées : augmenter les impôts et emprunter toujours plus avec une dette « dangereuse » de 3 303 milliards d’euros fin septembre 2024 soit 113,7 % du PIB.

Supprimer l’abattement de 10 % ne signifie pas augmenter les impôts des retraité·es actuel·les et futur·es ? Est-ce une mesure de justice sociale alors que la politique fiscale des gouvernements, depuis des années, n’a bénéficié qu’aux plus grandes entreprises et aux plus riches.

Face à une politique de l’offre affichée comme la seule possible, nous avons, au SNES-FSU, des solutions pour sortir du dérapage budgétaire et de l’austérité en augmentant les recettes : travailler à une meilleure équité fiscale en rendant l’impôt sur le revenu plus progressif alors qu’il a baissé, sur la dernière année, pour les 10 % les plus fortunés grâce aux niches fiscales, à l’optimisation et à la fraude fiscales ; taxer le patrimoine, les dividendes et le capital ; revenir sur les 180 Mds d’aides publiques accordées sous Macron aux entreprises sans contrôle ni contrepartie.

Nous continuerons à nous opposer avec détermination à cette suppression de l’abattement fiscal dans le cadre unitaire du groupe des 9 et à toutes mesures contre le pouvoir d’achat des retraité·es (désindexation des pensions, augmentation de la CSG …).


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