Analyse des projets de textes Bac
Les projets des arrêtés sur les baccalauréats technologiques conduisent à un effacement et une perte de sens des finalités de la voie technologique. Les changements induits par l’intitulé des épreuves du baccalauréat montrent une volonté de dé-spécialiser au maximum ces filières pour les aligner sur la structure contrainte du baccalauréat général.
Malgré les atouts reconnus dans le rapport Mathiot et la préconisation du ministre lui même de conserver les filières technologiques, la force de voie technologique quasi unique en Europe semble réduite à néant par la réforme envisagée.
Ainsi les spécialisations métiers de chacune des filières technologiques sont effacées pour pouvoir mettre en place des enseignements plus génériques et donc plus théoriques. Ils risquent d’être constitués d’un mélange sans consistance et dénué de sens d’approches technologiques des différents domaines .
Certes les grilles horaires ne sont pas données dans le projet de textes sur le bac, mais si l’on intègre les éléments horaires qui sont donnés dans la conférence de presse du ministre lors de sa présentation du futur bac on peut en tirer certains éléments qui confirmeraient la catastrophe :
Les conséquences sur les séries
Prenons l’exemple de la filière STI2D : Elle est composée de 4 spécialisations orientées champs technologiques : AC Architecture et Construction, EE Energies et Environnement, ITEC Innovation Technologique et Eco Conception, SIN Systèmes d’Information et Numérique. Elle comportait 12h de technologie : 7h d’un enseignement transversal mélangeant les 4 spécialités(sic), et 5h d’enseignement de spécialité en première, puis 5h de transversal et 9h de spécialité en terminal. L’enseignement transversal ne permettait que de survoler des connaissances, sans aucun approfondissement d’où une forte perte de sens de cet apprentissage. L’enseignement de spécialité permettait de préparer la réalisation d’un projet, aboutissement d’un enseignement raisonné. Enfin, une heure de co-enseignement en ETLV (Enseignement Technologique en Langue Vivante) en première et terminale complétait l’enseignement technologique.
Comment dévoyer cette architecture certes perfectible mais porteuse de sens et de réussite ? L’enseignement transversal n’était pas satisfaisant. Alors il est prévu de le diviser en 2 parties dans la nouvelle mouture du baccalauréat, soit 2 pseudo-spécialités de 4h. Les 4h manquantes sont dévolues à la spécialité « Mathématiques, Physique-Chimie ». Et voilà comment on reprendrait 4h en première sur les enseignements technologiques industriels. Mais en terminal, il faut faire pire. On rassemble les 2 pseudo-spécialités en une, soit 6h. Que sont devenues les 6h manquantes ? Il y a une deuxième spécialité « Mathématiques et Physique-chimie » de 6h. Et voilà comment on reprendrait également 6h en terminale sur les enseignements technologiques industriels. Le pire est-il à venir ?
C’est le cas. Car au fait, ce nouveau baccalauréat STI2D ne fait-il pas écho avec le baccalauréat scientifique et technologique de la réforme des baccalauréats de la voie générale ? Et bien il lui ressemble si fortement que l’on se demande quelle est l’intérêt de les faire cohabiter. Et voilà comment on réduit l’offre de formation de la voie technologique, en permettant in fine l’éradication de la filière STI2D.
Les atouts des filières technologiques sont aussi supprimés :
- Moins et même plus de manipulation d’outils professionnels permettant un passage sensé à des connaissances abstraites via des activités concrètes de mise en œuvre: ainsi, les élèves qui n’ont pas pu s’orienter dans la voie professionnelle ne trouveront plus dans la voie technologique la voie médiane qui leur permettait pourtant de réussir et d’être diplômé.
- Moins et même plus d’enseignement différencié : les groupes à effectif réduit, conséquence de la manipulation d’outils professionnels, avec des temps longs, ne seront plus nécessaires. Et dans des classes surchargées, la différentiation des apprentissages ne pourra se faire qu’à minima, avec des béquilles numériques au lieu des indispensables contacts humains.
- Moins et même plus de mixité sociale : par ses attraits spécifiques, la voie technologique attirait des élèves issus de toute les catégories sociales car elle reposait sur l’envie de réaliser des choses concrètes, une qualité partagée de façon égale quel que soit le milieu social d’origine.
- Moins et même plus d’améliorations des résultats : il a été montré dans une note de la DEPP que les élèves de la voie technologique étaient bien plus nombreux que dans la voie générale à améliorer leur résultat au baccalauréat par rapport à ceux obtenus au brevet. Ainsi, les élèves en difficulté, de tout milieu, avaient la voie technologique comme voie de remédiation, grâce à des pratiques pédagogiques spécifiques.
Doit-on vraiment sacrifier la voie technologique sur l’autel d’économie à court terme mais à un coût social très élevé à long terme ?