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Le « système dual » allemand est généralement présenté comme preuve de l’efficacité de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle, et donc comme « modèle à suivre » en France. Mais à y regarder de plus près, ce « modèle » est bien fragile…

Le « système dual » est une des composantes du système éducatif allemand, et désigne la voie de l’apprentissage par ­alternance entre formation théorique et formation en entreprise. On y accède théoriquement à 12 ans, après une première orientation qui envoie certains jeunes vers les Hauptschule, voie d’accès normale à l’apprentissage, et les autres, soit vers une ­Realschule (qui comporte un enseignement général plus étendu), soit vers le ­Gymnasium, c’est-à-dire le lycée général débouchant sur l’université.

Une transposition illusoire

Les zélateurs du « modèle allemand » de l’apprentissage passent généralement sous silence certaines de ses caractéristiques. Le système dual allemand est en effet très encadré par la loi : les entreprises ont des obligations très strictes et précises en matière de formation à dispenser. En revanche elles ne reçoivent que très peu d’aides financières publiques. C’est donc l’inverse du fonctionnement français, où les entreprises, massivement subventionnées, ne sont que très peu contrôlées.

Surtout, contrairement à la situation française où l’apprentissage est en concurrence avec la formation scolaire (en LP) pour l’accès aux métiers, en Allemagne, l’apprentissage est souvent une voie d’accès unique, exclusive, à certains métiers. Passer par l’apprentissage y est donc inévitable lorsqu’on souhaite exercer telle ou telle profession. Là encore, vouloir transposer le modèle allemand en France est assez illusoire.

Les jeunes allemands n’en veulent pas !

On « oublie » souvent de dire que l’orientation précoce vers l’apprentissage est massivement rejetée par les jeunes élèves allemands. Le mouvement est ancien : en 1952, presque 80 % des jeunes étaient orientés vers une Hauptschule… contre seulement 20 % en 2009. Cette tendance se prolonge sur la période récente (voir graphique ci-contre). Difficile de parler d’engouement pour l’apprentissage : les jeunes allemands veulent faire des études longues !

Il y a certes toujours un nombre important d’apprentis en Allemagne, mais certaines branches (celles aux conditions de travail les plus pénibles, et aux salaires les plus faibles) n’arrivent pas à recruter, pendant que d’autres recrutent massivement… des jeunes diplômés de l’université, qui reviennent vers l’apprentissage après-coup, et évincent les sortants de Hauptschule. Ceux-ci sont dirigés vers un système « de transition », ou plutôt d’attente… L’orientation précoce vers l’apprentissage n’est donc pas du tout une garantie d’accès à l’emploi.

Il faut d’ailleurs relativiser l’efficacité du système dual en matière d’insertion professionnelle. D’abord, celle-ci dépend de la conjoncture économique (quand les entreprises ne créent pas d’emploi, les apprentis n’en trouvent pas…). Surtout, les inégalités sont très fortes : inégalités de genre, au détriment des femmes, et inégalités géographiques, puisque le taux d’emploi des ex-apprentis à l’Est est inférieur de dix points à celui de l’Ouest.

Difficile, par conséquent, de prétendre honnêtement que le système dual allemand serait un modèle à suivre…

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Romain Geny

LA SUISSE, UN AUTRE MODÈLE ?

Le cas allemand ne convainc pas ? Il reste la Suisse, nouveau « modèle à suivre » vanté par les thuriféraires de l’apprentissage. Il faut dire que 80 % des jeunes en formation professionnelle y optent pour le « système dual ». Mais un numéro récent de la revue Formation-Emploi (n° 133, 2016) casse le mythe :
– le système scolaire suisse est massivement inégalitaire : les jeunes de classes populaires n’accèdent quasiment pas au Gymnase (lycée), réservé aux jeunes de classes supérieures… qui eux ne vont pas en apprentissage ;
– l’accès à l’apprentissage est lui-même marqué par de fortes ségrégations et discriminations, qui répliquent celles qui sont à l’œuvre sur le marché du travail (comme en France où, d’après G. Moreau, l’apprentissage est « masculin et blanc ») ;
– on retrouve en Suisse, comme en Allemagne et en France, de fortes disparités dans l’accès à l’emploi des ex-apprentis, et une variation en fonction de la conjoncture économique.

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