“L’enseignement et l’apprentissage de la langue en milieu scolaire, dilemmes et tensions, réflexions didactiques”
Cette communication de Patrice Gourdet, enseignant chercheur en sciences du langage à l’Université de Cergy-Pontoise, a reprécisé les objectifs de l’étude de la langue à l’école : décrire et conceptualiser les règles effectives de fonctionnement de la langue, objectif inaccessible par un enseignement décontextualisé de la langue. Les professeur.e.s de Lettres doivent porter un regard critique sur les manuels, qui reposent souvent sur l’organisation suivante : pseudo démarche de recherche, règle, exceptions, exercices.
Enseigner efficacement, importance de la recherche et du cadre des programmes
À rebours de ces organisations, il convient de s’attacher prioritairement à l’étude des régularités du fonctionnement de la langue en passant par de vraies démarches de recherche, de tri. Ce moment de la réflexion a fait apparaître la nécessité d’une formation solide sur la progression spiralaire car celle-ci a été imposée par les programmes de cycle, suite à la réforme du collège, sans prendre le temps d’une formation des enseignant.e.s appuyée sur les apports de la recherche dans ce domaine.
De façon générale, les programmes sont modifiés à un rythme trop rapide pour laisser le temps de les assimiler, d’effectuer un travail de recherche et de suivre une formation continue. Le risque est alors d’enseigner sans se référer suffisamment aux programmes en vigueur mais sur la base des programmes précédents, des manuels, de documents trouvés ici ou là. C’est ce qui met cet enseignement en difficulté, les programmes étant le cadre national qui garantit des connaissances identiques délivrées à l’ensemble des élèves.
Des échanges riches
Les échanges nourris qui ont suivi la communication ont porté sur la difficulté à passer des programmes à l’élaboration de progressions pédagogiques, ainsi que sur le retour de l’enseignement de l’étude de la langue au lycée. Sur ce point, s’est imposé le constat d’une approche sans cohérence avec les programmes de collège. La question de grammaire à l’oral de l’EAF est si mal pensée que mieux vaudrait s’intéresser à un enseignement solide des notions qu’à un entraînement au format de l’exercice lui-même.
Enfin, le test de fluence en 6ème a été mis en question : la vitesse pure, le déchiffrage de mots qui n’existent pas, ne sont d’aucun intérêt. C’est au bon séquençage de la lecture, à son expressivité, qu’il faut s’intéresser.
« Un oral ? Des oraux ! »
Entre un oral caricatural, opposé à l’écrit, et le modèle de l’éloquence, une troisième voie
Cette communication de Paul Cappeau, Professeur en sciences du langage à l’université de Poitiers, à la retraite depuis le début de l’année universitaire 2022, a permis de reconsidérer l’oral, notamment en portant un œil critique sur la définition traditionnelle d’un oral opposé à l’écrit dans bien des domaines : familier, désorganisé, comportant des erreurs, des hésitations… Cette vision caricaturale s’oppose d’ailleurs à l’éloquence, érigée comme l’horizon d’attente du lycée avec le Grand oral. Paul Cappeau invite à réfléchir sur une troisième voie.
Repenser les attendus
Il montre la richesse de l’oral, sa variété et conduit à penser autrement les attendus scolaires. Répétitions, hésitations, changements de construction syntaxique, ne sont pas à considérer comme des marqueurs d’erreur mais comme des marqueurs d’une pensée en cours d’élaboration au moment même où elle s’exprime. Ils peuvent devenir des appuis pour les faire progresser. Il est donc intéressant, sur le plan pédagogique, de ne plus enfermer l’expression orale dans l’idéal d’un écrit oralisé sans rature ni bavure, mais de la voir comme un relais à une meilleure conceptualisation.
Il souligne que lors des épreuves orales d’examen (DNB, EAF, Grand oral), prise de parole en continu ou interaction ne supposent pas les mêmes compétences, les mêmes attentes et devraient donner lieu à une évaluation plus différenciée. La grille du Grand oral, notamment, ne différencie pas ces deux moments avec l’item “qualité orale de l’épreuve”.
À la suite de la publication de l’ouvrage L’oral, aux éditions ADAPT (https://www.adapt.snes.edu/) cette communication a alimenté la réflexion du groupe Lettres du SNES-FSU sur les enjeux de cet objet d’enseignement en classe de français.
Le SNES-FSU partage et développe cette réflexion avec les adhérent.e.s lors des stages disciplinaires académiques animés par le groupe Lettres. N’hésitez pas à y participer !