Journée de réflexion disciplinaire physique chimie/SVT

Une journée riche d’échanges

Cette journée de réflexion disciplinaire (JRD) s’est déroulée en deux temps. La matinée a été consacrée à un temps d’échange entre collègues sur les problématiques disciplinaires en relation avec l’actualité du moment. Il faut dire que celle-ci était riche, avec la réforme « choc des savoirs » en collège et ses diverses conséquences. Du DNB à la mise en place des groupes en Sixième et Cinquième en Français et Mathématiques, qui ne sont pas sans conséquences pour les enseignements expérimentaux, les échanges furent nombreux et nourris. De nombreuses questions lycée ont également été abordées, en particulier la nouvelle organisation du Bac et du lycée en général, les enseignements scientifiques ainsi que Parcoursup.

Comme pour chaque JRD, L’après-midi était organisée autour de l’intervention d’un chercheur ou d’une chercheuse sur des enjeux scientifiques ou didactiques, le plus souvent également en lien avec l’actualité ou une problématique sociétale.

Delphine Martinot, Université Clermont Auvergne

Cette année, la JRD physique-chimie / sciences de la vie et de la Terre qui a eu lieu le vendredi 14 juin au sein des locaux du SNES-FSU à Paris portait sur « les filles et les sciences », ou les stéréotypes de genre et leur impact sur les élèves, notamment face aux disciplines scientifiques. Delphine Martinot est venue présenter les résultats de ses travaux sur les inégalités entre les filles et les garçons, observées ou prétendues, dans les domaines scientifiques.  Enseignante-chercheuse en psychologie sociale à l’Université Clermont Auvergne (UCA) Delphine Martinot est membre du Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive, le LAPSCO (UCA / CNRS). Son activité de recherche est centrée principalement sur l’étude des inégalités entre les filles et les garçons à l’École. Elle a également mené un projet d’étude (Disesteem) sur le désengagement scolaire.

Lors de cette JRD, des biais inconscients ont pu être mis en lumière avec des pistes pour tâcher de les déconstruire et permettre, dans nos pratiques de classe, d’amener nos élèves filles à s’épanouir pleinement dans nos disciplines scientifiques et à se sentir légitimes à embrasser des études supérieures dans les domaines de la recherche fondamentale par exemple plutôt que de s’orienter plus systématiquement vers des études qui conduisent davantage aux métiers du soin.

Cette difficulté a été rendue plus grande encore pour les professeur·es de sciences expérimentales par la réforme du lycée. La réforme Blanquer, outre une sédimentation des inégalités sociales, a également accru les inégalités de genre dans le choix des spécialités. En effet, depuis la disparition des séries et l’obligation faite aux élèves de ne garder que deux spécialités en Terminale, le profil des candidats au Baccalauréat s’est fortement genré. La part des filles dans les élèves ayant choisi la physique-chimie en Terminale a baissé en 2023 (46,2 % contre 46,9 % en 2022). Elles ne représentent plus que 37,2 % des élèves ayant choisi la combinaison Maths/PC en Terminale contre 65,3 % ayant choisi la combinaison PC/SVT. Vous pouvez retrouver l’analyse complète du secteur Contenus du SNES-FSU sur la note de la DEPP publiée début mars 2024 à ce sujet.

L’intervention de Delphine Martinot a reçu un accueil enthousiaste et reconnaissant de la part de l’ensemble des professeur·es présent·es qui voyaient là abordée une problématique rarement évoquée au sein de l’institution, en particulier lors de formations.

Nous avons profité de la présence de la chercheuse pour lui poser quelques questions.

Interview

Comment a évolué le rapport entre les filles et les sciences au fil du temps ?

Il n’a pas significativement évolué. Les filles réussissent mieux scolairement que les garçons depuis plus de 40 ans, quel que soit le niveau de diplôme. Même si elles sont moins nombreuses que les garçons dans les spécialités scientifiques du Baccalauréat, elles sont plus nombreuses à l’obtenir. Pour autant, leur choix d’orientation n’évolue peu, et beaucoup moins que ce que leur niveau de réussite leur permettrait. Les filles restent minoritaires dans les formations scientifiques sélectives avec seulement 29 % de femmes en écoles d’ingénieur·es et 31% de femmes en CPGE (Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles) de filières scientifiques.

Quelle est la place des femmes dans tout ce qui est domaine scientifique, et notamment dans le domaine de la recherche ?

La proportion de femmes reste faible quel que soit le niveau de diplôme (de la licence au doctorat) dans les STIM (Sciences fondamentales, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) : elles représentent moins d’un tiers des effectifs estudiantins en STIM.

Même si la proportion de femmes chercheuses a augmenté ces dernières années, le déséquilibre en faveur des hommes perdure. Les femmes représentent 29 % de la catégorie des chercheur·ses et 42 % des professions de soutien à la recherche.

Qu’ils soient sociaux ou géographiques par exemple, les stéréotypes sont très présents en milieu scolaire. Ceux de genre également. Quels sont-ils au niveau des sciences ?

Le stéréotype le plus présent est que les femmes sont moins douées en maths et sciences que les hommes. Les femmes sont réputées plus littéraires.

Le deuxième stéréotype (plus récent) : les personnes qui font des STIM sont des geeks : des personnes naturellement très intelligentes, brillantes (génies), maladroites socialement, peu attrayantes physiquement.

D’où viennent ces stéréotypes de genre ?

Ils viennent de la socialisation via l’entourage (parents, pairs, personnel éducatif, médias) et d’autres vecteurs comme les jouets, les livres, les vêtements, la décoration de la chambre d’enfant. Et leur contenu a pour rôle de justifier et maintenir les rôles de genre tels qu’ils sont.

Comment les déconstruire ?

Au niveau individuel : en ayant conscience qu’ils sont omniprésents dans notre vie quotidienne et qu’ils s’activent automatiquement dans notre pensée. Une fois que l’on a conscience de leur influence implicite et permanente, on peut corriger nos jugements et éviter de les véhiculer.

Au niveau collectif : en luttant contre toutes les formes d’inégalité qu’ils génèrent, notamment au sein de la classe, par exemple dans la distribution de la parole entre les filles et les garçons.

Alors que la place des femmes avait été annoncée comme la grande cause du quinquennat 2017-2022 par Emmanuel Macron, la réforme du lycée voulue par Jean Michel Blanquer a eu pour conséquence d’éloigner encore les filles des matières scientifiques. Comment l’expliquer ?

Les stéréotypes de genre sont intériorisés par chacun et chacune de nous, plus ou moins fortement, mais toujours intériorisés. Une fois qu’ils sont devenus une partie de notre personnalité, ils vont intervenir dans nos choix de vie, nos choix d’orientation.

En proposant différentes spécialités scientifiques plutôt qu’un « package » global comme l’étaient les série S de l’ancien Baccalauréat, les nouveaux Bacs laissent plus de place à l’influence des stéréotypes de genre dans les choix faits par les élèves. Les filles préféreront les spécialités scientifiques non-STIM aux spécialités STIM.

Le 11 février est la journée internationale des femmes et des filles de science. Comment permettre à davantage de filles de s’engager vers les filières scientifiques ?

Il faut les informer sur le fait que ce qu’elles vivent par rapport aux sciences relève de la discrimination, du sexisme. Cela leur permet de comprendre pourquoi elles sont réticentes vis-vis de ces disciplines, pourquoi elles ne les apprécient pas en leur proposant une explication extérieure à elles au lieu de penser qu’elles n’ont pas les capacités.

Exposition

Une des quinze femmes mise à l’honneur dans l’exposition de la revue Progressistes.

En marge de la JRD, le SNES-FSU a accueilli une exposition proposée par la revue Progressistes qui retrace l’épopée de l’histoire des sciences à travers celles qui ont été trop longtemps dans l’ombre de leurs homologues masculins… avec un effet Matilda (Joslyn Gage), preuve par lui-même de l’invisibilisation des femmes où seul le prénom a été retenu !

Cette exposition nous invite à parcourir 15 histoires de découvertes exaltantes et de réussites intellectuelles bien sûr, mais aussi 15 récits de combat lorsque le génie vient se heurter à la grande histoire et à la misogynie.

Brillantes, courageuses, audacieuses, les scientifiques sont bien présentes, elles sont nombreuses et la revue Progressistes n’a pas fini de les célébrer…

Cette exposition est téléchargeable gratuitement sur le site de la revue et trouvera parfaitement sa place sur les murs de nos salles de classes ou dans les couloirs de nos laboratoires de sciences. Elle peut aussi être affichée dans les CDI, et donner lieu à un travail en commun avec les professeur·es documentalistes.


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