L’histoire-géographie et l’EMC dans le rapport Mathiot
L’HG fait partie du tronc commun en seconde aux 1er et 2e semestre, avec la crainte d’une baisse horaire par rapport à l’existant (3 heures élèves hebdomadaires) d’autant que les heures du tronc commun diminuent entre le 1er et le 2e semestre.
L’EMC devient « enjeux du monde contemporain » en seconde. « L’acronyme EMC permettrait d’élargir les thèmes abordés permettant par exemple de prendre en compte par exemple la thématique du fait religieux. » Pierre Mathiot semble ignorer que cette thématique est abordée à l’heure actuelle en terminale – mais de toutes façons il n’a semble-t-il pas prévu d’EMC au-delà de la seconde dans le tronc commun, que ce soit au sens nouveau qu’il lui donne où sous forme d’enseignement moral et civique.
Au cycle terminal l’histoire-géographie demeure dans le tronc commun, participant de l’un des 6 « domaines de compétences » indispensables au « bagage » de tout-e lycéen-ne : « l’ancrage territorial et historique ». On peut supposer que l’histoire-géographie a quelque chose à voir aussi avec le domaine de « l’international » et celui de « la réflexion sur le monde »… En tout cas on l’espère ! Si le seul apport de l’histoire et de la géographie était de donner un ancrage territorial et historique, cela constituerait un dramatique appauvrissement par rapport aux ambitions, aux finalités actuelles de nos disciplines, et à la conception que le Snes-FSU en porte. En revanche pour Pierre Mathiot « les sciences », les vraies, sont les sciences dures, et non les sciences humaines et sociales.
Côté horaires, le tronc commun étant bâti sur la base de 2h00 à 2h30 pour chaque discipline, il y aurait une perte sèche dans notre discipline par rapport aux séries ES et L actuelles, plus encore en terminale qu’en première.
En effet l’histoire-géographie n’est présente que dans un seul des cinq couples de “majeures” du groupe « Lettres-Humanités-Société », associée aux SES, même si le rapport dit souhaitable d’imaginer un sixième couple associant l’histoire-géographie OU les SES à une discipline littéraire. Une autre proposition du rapport se veut « disruptive » en avançant prudemment l’idée d’un couple SVT-HG afin de sortir d’un schéma « trop » inspiré par les séries actuelles. En conséquence, il n’y aurait plus qu’une toute petite partie des élèves qui passeraient une épreuve écrite d’histoire-géographie en terminale. On peut faire l’hypothèse peu risquée que cela ne correspondrait même pas aux élèves de la série ES actuelle, car ces derniers pourraient être attirés par le couple SES-Mathématiques, en particulier les « bons élèves » souhaitant soigner leur profil pour Parcoursup.
Le rapport Mathiot envisage une autre innovation, la création dans le groupe des « mineures » d’un nouvel enseignement de « culture humaniste » durant les deux semestres de première, délivré en commun par les enseignants de lettres, d’histoire-géographie et de philosophie. Il y a tout lieu de s’inquiéter sur le sens de ce « en commun » lorsqu’on sait dans quelles conditions flirtant avec la légalité est organisé actuellement l’enseignement d’exploration « littérature et société » en seconde (1h30 hebdomadaire en co-intervention payée 45 minutes à chacun des deux enseignants par exemple…). Évidemment le rapport Mathiot n’évoque pas la nécessité de prévoir dans les services du temps de concertation pour mettre en place ce type d’enseignement, qui reste une « mineure » à 2h00 hebdomadaires…
La conception des programmes que supposerait la mise en application intégrale du rapport Mathiot nous plonge dans la plus grande perplexité. On n’ose imaginer ce que pourrait donner un programme d’histoire-géographie dont on devrait faire varier « l’intensité » pour tenir compte du fait que les élèves auraient changé de majeures entre première et terminale, pour tenir compte aussi du fait que la discipline aurait l’horaire d’une mineure ou d’une majeure, etc. Rappelons à cet égard que le Conseil supérieur des programmes est saisi d’une commande pour ces nouveaux programmes du lycée et doit commencer ses travaux en mars.
On se demande aussi comment les évaluations par partiels avec banques de sujets académiques ou nationales (qui sont une des trois solutions envisagées par Pierre Mathiot pour le contrôle continu) pourraient avoir lieu avec des parcours aussi différenciés, aussi heurtés ?… Toute forme d’évaluation (et d’enseignement évidemment !) réclamerait d’ailleurs une personnalisation très fine, un véritable casse-tête alors que le rapport ne mentionne nulle part, pour aucune discipline, la question des groupes à effectifs réduits et de la dotation horaire qu’ils supposent.
« S’agissant de la formation continue, on passera ici rapidement sur la formation
proprement disciplinaire simplement pour rappeler que l’évolution des programmes
devra sans doute conduire à faire évoluer les plans académiques de formation. Il faut
évoquer surtout toutes les formations « complémentaires » : à l’orientation, à la
gestion de projet, à la prise de parole en public (pour les élèves), aux ressources
numériques, aux nouvelles techniques pédagogiques (classe inversée, classe
renversée). Il faut absolument construire des modules de formation qui pourront être
proposés dans le plan national de formation du ministère pour l’année scolaire 2018-
2019 et avoir conscience des conséquences sur l’organisation des classes d’un
développement important de ces actions si les professeurs sont nombreux à
demander à en bénéficier et donc doivent s’absenter à cette fin. » (p 45)
Contre toute évidence, le rapport Mathiot pense visiblement que ce n’est pas de formation disciplinaire dont nous aurons le plus besoin pour y voir clair dans ce fatras du nouveau lycée et du nouveau baccalauréat.
Reste à nous mobiliser pour que ce cauchemar disruptif ne devienne pas réalité…