Si le mouvement de grève lors des surveillances des épreuves du baccalauréat et de leur correction revêt un caractère inédit, c’est davantage par son ampleur que par sa nouveauté.

l y a déjà eu par le passé des refus d’obéir au calendrier de remontées de notes, parfois de façon récurrente comme en philosophie, en protestation contre la dégradation des conditions de travail, mais rarement une telle contestation n’avait été si ancrée et si largement soutenue.

La chronique d’une grève annoncée

Alors que le ministre déroulait ses réformes en choisissant d’ignorer toutes les alertes, et disqualifiant les critiques réduites à des « infox », la contestation s’est étendue durant toute l’année, prenant des formes multiples. Note de 20/20 attribuée à tous les élèves, refus d’organiser les bacs blancs, démission collective de la mission de professeur principal, journées de grève… Le mouvement de juin ne vient pas de nulle part. En prenant appui sur la consultation de ses syndiqués, le SNES-FSU a pu fédérer avec l’appel à la grève le premier jour des surveillances des épreuves de bac. La réussite de la grève du 17 juin a ainsi joué le rôle d’un catalyseur pour la poursuite de l’action au moment des corrections et favorisé l’émergence de mouvements revendicatifs plus larges.

Un processus d’enracinement

L’Université d’été des enseignant-e-s et de l’éducation (UEE) est une émanation des
luttes contre les réformes Blanquer. Ouverte à tous, elle a réuni pendant trois jours à la fin du mois d’août de nombreux acteurs du monde éducatif, bien au-delà du cercle habituel des militants. Syndiqués ou pas, membres de collectifs ou non, la FSU, la FCPE, des mouvements pédagogiques et des associations se sont ainsi retrouvés pour des débats dans une ambiance festive à la Cartoucherie de Vincennes, afin d’engager la réflexion pour un projet éducatif alternatif aux politiques à l’oeuvre ces dernières années. Mobilisation originale, elle est caractéristique de la mutation de mouvements sociaux, protéiformes et horizontaux comme les réseaux sociaux qu’ils utilisent, mais continuant à s’inscrire pleinement dans l’action syndicale.

Les leçons de la grève du bac

Jusqu’ici, une grève du bac était impensable. En effet, toutes les grèves d’examen s’étaient brisées sur un double écueil : l’arsenal réglementaire qui permet de sanctionner pour « service non fait » et surtout le sens du service public, de l’intérêt des élèves, qui s’oppose à une telle mobilisation alors qu’il en constitue habituellement un puissant moteur. De plus, l’attachement des français au bac en fait une grève particulièrement impopulaire (en 2019, un sondage Kantar indiquait que 61 % des français soutenaient les sanctions financières et disciplinaires dont Blanquer menaçait les grévistes).

Mais un contexte nouveau a permis à l’initiative du SNES-FSU de dépasser cet obstacle : la fin programmée du bac – non perçue par l’opinion publique, qui croit à des aménagements –, les provocations du ministre, le sentiment surtout de détenir un moyen d’action puissant, quoique difficile à manipuler. En fixant l’objectif de retarder de trois jours seulement la publication des résultats, le mouvement a limité le déchaînement médiatique, même si la focalisation attendue sur le déroulement de l’action, sur l’angoisse des élèves, a perturbé son message. La rétention des copies n’était le fait que de plusieurs centaines de correcteurs, mais le soutien manifesté
par la majorité de leurs collègues a évité qu’ils ne soient isolés, et donc vulnérables. Cette lutte atypique montre le besoin d’innover, de durcir le ton face à un pouvoir déterminé, tout en conservant un principe fondamental : construire des grèves majoritaires, qui permettent aux enseignants de se faire entendre de l’opinion publique.

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