Le Ministère de l’Education nationale produit un document qui bannit l’écriture d’une épreuve de bac, en faisant fi de toutes les demandes des principaux concernés, à savoir les enseignants, ceux qui sont en charge la préparation de l’examen. Il serait donc interdit de communiquer par écrit avec le jury. Cette présentation n’a aucune portée réglementaire.
Haro sur l’écrit !
Le candidat a ensuite 20 minutes de préparation pour mettre en ordre ses idées et préparer s’il le souhaite un support sur du papier. Ce support est une aide pour la parole du candidat ; il n’a pas vocation à être donné à lire au jury. Il s’agit de notes, d’un plan d’exposé, de trame de prise de parole, de mots-clefs ou d’idées directrices. Ces notes peuvent aussi servir de document d’appui à l’argumentation (schéma, courbe, diagramme, tableau, formule mathématique…).
Il est même précisé :
Pour son exposé, le candidat peut s’appuyer sur son support. Il peut le montrer au jury mais pas le lui remettre. Si la salle d’examen dispose d’un tableau, le candidat ne peut pas l’utiliser.[…] Durant l’échange, le candidat peut s’appuyer sur son support. Il peut le montrer au jury, à son initiative ou en réponse à une question du jury. Pour autant, le jury ne peut pas le conserver à l’issue de l’épreuve ni l’évaluer. Si la salle d’examen dispose d’un tableau, son utilisation durant ce deuxième temps est interdite. Le jury ne peut pas demander au candidat d’écrire (ni sur une feuille, ni au tableau) pour répondre à des questions qu’il lui soumettrait ou faire des exercices.
A-t-on déjà vu un·e chercheurs·euses communiquer sans support, sans interaction, à l’écrit, avec son auditoire ? Même lors du passage des oraux des concours d’enseignement, les futurs professeurs peuvent utiliser le tableau (et celui est réglementé). Nos élèves de Terminales seraient donc à ce point plus à l’aise que leurs enseignants pour argumenter et expliquer ? En mathématiques et en science expérimentale, si un·e élève qui fait une erreur de calcul ou d’ordre de grandeur, va-t-on l’aider à se corriger « de tête » ?
Le passage à l’écrit permet non seulement de (se) rassurer, mais d’affirmer la justesse de ce qui est énoncé. Le passage à l’écrit permet de (nous) comprendre. Le passage à l’écrit, comme support à l’oral est un passage obligé, que le ministère refuse aux élèves.
Et pourtant, c’est une pratique largement répandue dans les oraux qui existent déjà pour le baccalauréat, à l’image des sections européennes, où comme au grand oral, le·a candidat·e s’appuie sur ses notes (faite lors de la préparation) et iel peut les compléter lors de son passage devant le jury. Plutôt que de réinventer la roue carrée, le MEN aurait du s’appuyer sur ce que font déjà les enseignants·es.
Pourquoi alors interdire l’usage de l’écrit pour assurer une épreuve orale ?
Tous·tes influenceur·ses ?
Alors bien sûr, les concours d’éloquence comme les oraux des écoles de commerce ou de sciences po ont remis au goût du jour l’art de parler sans maîtrise du sujet, mais ce n’est jamais sans une formation préalable et sans des objectifs qui procèdent de l’art de convaincre d’éventuels détracteurs ou de manipuler un auditoire. Quel intérêt dans le cas présent? Sinon de disqualifier les méthodes de travail acquises tout au long de la scolarité pour valoriser le bagout et la ruse,
Finalement, il n’y a qu’un seul endroit où l’écrit est totalement absent du discours : les chaines d’information en continu. Est-ce cela la finalité du Grand Oral ? Parler bien pour ne rien dire? De populariser auprès des jeunes les mêmes méthodes que celles employées par des chaines d’info en continu, celles-là même qui travestissent l’information ?
Une épreuve orale, oui mais pas comme ça!
Les modalités de l’épreuve sont détaillées dans des notes de service en juillet 2021, valables à compter de la session 2022 pour la voie générale et la voie technologique et rien n’interdit l’utilisation d’un tableau ou d’un autre support (feuille) durant la première et la seconde parties du Grand oral.
En l’attente d’éventuelles réactions du ministère, le SNES-FSU préconise de s’en tenir aux notes de service et d’ignorer les interdits de l’usage de l’écrit qui n’ont, pédagogiquement aucun sens. Il demande que ce grand oral soit transformé en véritable soutenance de projet pour la voie technologique et continue de demander la neutralisation de la troisième partie sur le projet d’orientation. Il exige la disparition du principe de la naïveté du jury dont la pertinence est nulle et non avenue dans une épreuve qui devrait sanctionner un niveau d’apprentissage dans des disciplines de spécialité. Quelles que soient ses modalités, une épreuve de bac ne doit pas être déconnectées des enseignements dispensés au lycée.
A terme, il demande une autre organisation des épreuves de bac, la fin du contrôle continu et des épreuves terminales et nationales en juin.